La traversée singulière du deuil

« À quoi ça sert de courir partout, on garde cette blessure en nous, comme une éclaboussure de boue, qui n’change rien, qui change tout ». Ces paroles de la chanson « Évidemment », interprétées entre autres par Laurence Jalbert, pourraient sublimer la définition usuelle du mot « deuil ». Tirant son origine du bas latin dolus qui veut dire « douleur », le deuil laisse une trace indélébile dans l’âme de ceux qui en sont affligés.

Quelle que soit votre origine ou culture, traverser un deuil et accepter la perte d’un être cher prend du temps. Pour y arriver, certaines personnes auront besoin de consulter des spécialistes, comme un psychologue ou un médecin par exemple. Alors que quelques-unes d’entre elles préféreront traverser cette épreuve seules, d’autres se tourneront vers un allié spirituel afin de les accompagner vers la guérison. On appelle ces alliés des « Anam Cara ». Puisant ses racines dans la spiritualité celtique, l’Anam Cara est un « ami de l’âme ».

« Je ne suis pas une thérapeute ou une conseillère. Je suis une amie. » affirme Meg Zuccaro, Anam Cara. Elle ajoute qu’un Anam Cara « reflète ce que nous sommes incapables de voir en nous-mêmes pendant les périodes de lutte interne profonde… » Se comparant à un vieil arbre solide sous lequel se réfugier, elle précise « Quand les amis et la famille sont trop près de leur propre douleur pour aider les autres, je suis la branche sur laquelle ils peuvent s’appuyer ».

Le deuil n’est pas une maladie

Selon Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre renommée et pionnière de l’approche des soins palliatifs en fin de vie, le deuil se visualise en un cycle théorique composé de cinq étapes : le choc, phase durant laquelle la personne refuse de croire au décès du proche. La colère, stade durant lequel peut aussi se mêler la culpabilité face à la perte. Le marchandage, phase de négociations durant laquelle la personne endeuillée cherche un responsable pour expliquer la perte. La dépression, période de grande tristesse et de remises en question. Entrés dans ce processus, les gens vivant le deuil s’imaginent qu’ils n’en sortiront jamais, car leur gamme d’émotions est trop grande. Vient ensuite l’acceptation, où la personne endeuillée émerge de sa peine et commence à réorganiser sa vie en fonction de la perte. Elle peut encore ressentir de la tristesse, mais elle a retrouvé son fonctionnement habituel.

« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler » – Albert Camus | Photo par Jean Sinotte

« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler » – Albert Camus | Photo par Jean Sinotte

Selon le psychologue William Robin-Vinat, cette souffrance ne peut pas être objectivement mesurée ni standardisée. Il affirme que « les manifestations du deuil ne sont pathologiques que si elles persistent très longtemps ou envahissent toute la sphère psychique du sujet ». Bien qu’il existe quelques exceptions à la règle et malgré les apparences de dépression profonde, les personnes endeuillées ne sont pas malades et finissent traverser le processus du deuil.

Le cheminement vers la guérison

Meg Zuccaro constate que ceux qui affrontent leur douleur plutôt que de l’éviter voient leur expérience de deuil plus courte, avec un apprentissage significativement différent. Le cheminement diffère pour chacun, l’un peut suivre naturellement les étapes de Kübler-Ross, alors que l’autre passera d’une phase à l’autre sans suivre un ordre logique. « L’âme n’est pas linéaire » soutient-elle, « Le deuil ne suit pas une ligne de temps avec un début et une fin ». Elle ajoute que « cette vie humaine nous place face à l’impossible ».

Plusieurs ressources sont mises en place pour les personnes en situation de deuil. L’organisme BCBH (British Columbia Bereavement Helpline), entre autres, offre un support par l’entremise des groupes de soutien, des lignes d’écoute, des rencontres individuelles et même de la musicothérapie. Malgré que le deuil implique des passages obligés à travers la solitude, les spécialistes s’entendent pour dire que d’exprimer à quelqu’un sa peine contribue au cheminement vers l’acceptation. « Il n’y a pas de moyens de contourner la douleur, nous n’avons d’autre choix que de passer par là », renchérit l’Anam Cara.

Comment aider un proche endeuillé ?

« La chose la plus importante est de simplement aimer ceux qui souffrent. Aimez-les jusqu’à ce qu’ils puissent se rappeler de faire confiance et de s’aimer à nouveau », conseille Mme Zuccaro. L’un de ses mentors lui a dit un jour : « Lorsque vous approchez de la chambre de celui qui est en train de mourir, si vous pensez que vous savez ce dont il a besoin, faites demi-tour et marchez dans l’autre sens ». Elle ajoute : « ce qu’il voulait dire est qu’il ne nous appartient pas de projeter sur un autre ce dont nous pensons qu’il a réellement besoin, nous n’en avons aucune idée ».

Ce sage conseil s’applique comme un baume dans votre approche d’aide envers une personne endeuillée. La résilience émergera ainsi peu à peu de leur tristesse, comme la fleur qui trouve son chemin à travers le bois.

Pour en savoir plus à ce sujet : la conférence How do you grieve ? présentée par l’Université Simon Fraser et animée par Meg Zuccaro, en collaboration avec la bibliothèque de Port Moody, aura lieu le 21 juin à 14h
www.megzuccaro.com

Les couleurs du deuil
Si dans la culture occidentale le deuil est représenté par le noir, il en est tout autre pour certains pays. En effet, le port du blanc sera de mise au Japon, au Vietnam et en Inde, tandis qu’en Iran les endeuillés porteront du bleu. Les Chinois quant à eux ajouteront une touche de rouge à leurs habits blancs pour symboliser la douleur et le sang. Les Philippins opteront étonnamment pour une couleur plus lumineuse en arborant du jaune en hommage aux défunts.
Un ruban pour le dire
Saviez-vous que le port du ruban noir signifie que vous vivez un deuil ? Au même titre que le ruban rose symbolise votre soutien au cancer du sein, le ruban noir appelle à la tolérance et à la patience envers ceux qui vivent un deuil. Porté en boutonnière, il informe les gens que vous rencontrez sur votre chemin que vous vivez des moments difficiles. Votre intimité peut ainsi être préservée des questionnements intrusifs de vos interlocuteurs.