Le Monde en musiques

Du vendredi 15 au dimanche 17 juillet, la plage de Jericho va accueillir la 39e édition du Vancouver Folk Music Festival, l’une des manifestations culturelles les plus attendues de l’été en Colombie-Britannique. Décryptage d’un rendez-vous qui met en vitrine des artistes de tous les horizons pour fêter la musique comme un acte de fraternité.

 

Betsayda Machado regrette que le reggaeton ait contribué à diminuer l’intérêt des jeunes générations pour la musique traditionnelle de son pays. | Photo par Vladimir Marcano, d’Imaginaires 2016

Betsayda Machado regrette que le reggaeton ait contribué à diminuer l’intérêt des jeunes générations pour la musique traditionnelle de son pays. | Photo par Vladimir Marcano, d’Imaginaires 2016

Faire un véritable tour du monde en musique. Voici ce que s’apprête à faire le Vancouver Folk Music Festival, évènement culturel majeur de la côte ouest canadienne attirant chaque année plus de 38 000 personnes. Fidèle à son esprit curieux et cosmopolite, le festival réunit pour la présente édition un éventail d’artistes venus des quatre coins de la planète, du Venezuela à Israël en passant par Hawaii, le Cap-Vert et la Chine.

« Nous offrons la possibilité de voir des groupes que l’on ne verrait pas normalement », revendique Linda Tanaka, directrice artistique du festival. Résolument éclectique, la programmation alterne les concerts du soir avec, en journée, des ateliers, ces derniers étant des rencontres musicales spontanées entre les multiples artistes du festival. « Les musiciens doivent improviser avec ceux qu’ils retrouvent sur scène, sans forcément se connaître ; il s’agit de vrais mariages arrangés ! », ironise Linda Tanaka.

Si la musique faite au Canada et en Colombie-Britannique y est représentée, notamment grâce à la main de l’auteur-compositeur ontarien Bruce Cockburn et des Vancouvérois The New Pornographers, c’est surtout le très riche répertoire de musiciens étrangers quasi anonymes qui fait la spécificité du festival. « Il arrive qu’un artiste inconnu par le public au début de festival devienne le grand carton du week-end », avertit Mme Tanaka.

Récit de vie en langue wolof

Le Sénégalais Élage Diouf, installé à Montréal, est l’un de ceux qui devraient faire sensation. Chanteur prodige et percussionniste surdoué, Diouf est un représentant certain de la portée et de la résilience des musiques du monde. Avec son nouveau disque, intitulé Melokánee, l’artiste entremêle le blues et un large éventail de rythmes africains, et évoque des sujets complexes comme l’immigration et la fragilité de la condition humaine.

« Dans cet album, j’ai voulu explorer l’expérience que nous nous faisons de la vie, faire le point sur les apprentissages réalisés et les parcours suivis », déclare M. Diouf, qui écrit la plupart de ses chansons en wolof, l’un des langues nationales du Sénégal. Melokanée, qui veut dire « reflet » ou « identité » dans cette langue, est aussi un témoignage de « l’amour et la fierté » avec lesquelles Élage Diouf porte ses racines sénégalaises. « La musique est un pont entre mon pays d’origine et moi-même », assure le musicien, qui réside au Québec depuis vingt ans.

Présent pour la première fois au Vancouver Folk Music Festival, M. Diouf dit vouloir, par son spectacle, « apporter du bonheur, faire rêver et donner de l’amour ».

Dénominations d’origine latino-américaines

Deux des autres propositions les plus stimulantes de la manifestation vancouvéroise nous viennent de l’Amérique hispanophone. Originaire de la région de Barlovento, au Venezuela, Betsayda Machado est l’une des voix les plus retentissantes aujourd’hui dans son pays. Ses chants harmonieux, son charisme énergique, ont fait d’elle la chef de file de la musique afro-vénézuélienne, qui présente des traits musicaux propres aux indigènes de la zone et aux esclaves africains introduits dans le territoire. « La percussion de notre musique est clairement africaine, tandis que les maracas dont on se sert sont les mêmes que ceux qu’utilisaient les indigènes », explique Mme Machado. Quelques jours avant son concert à Vancouver, l’artiste se dit « dans un état d’exaltation et de responsabilité » devant l’occasion de montrer la musique traditionnelle de sa région à un public étranger. Pour sa première venue en Amérique du Nord, Betsayda Machado est accompagnée du groupe La Parranda El Clavo, un ensemble de musiciens qui jouent dans les fêtes patronales de Barlovento.

Créé il y a dix ans, Instituto Mexicano del Sonido, du DJ mexicain Camilo Lara, se sert des rythmes traditionnels mexicains comme matière primaire pour sa musique électronique. Plus qu’une tentative de mise à jour du patrimoine musical local, Instituto Mexicano del Sonido est surtout un procédé pour continuer à « faire de la musique avec dénomination d’origine, avec un ADN mexicain et latino-américain », explique M. Lara. De renommée internationale, Instituto Mexicano del Sonido a vu plusieurs de ses compositions reprises en bandes sonores de films et de jeux vidéo.

Les parcours singuliers d’Élage Diouf, Betsayda Machado et Camilo Lara vont converger le temps d’un weekend avec ceux de 50 autres artistes pour un voyage musical autour du monde sans quitter Vancouver.