Réflexions faites

Examinons les faits, tous les faits. Parfait. Ça y est, c’est fait. Le mal est fait. Je suis satisfait. J’ai commencé ma chronique par un effet. J’en ai peut-être trop fait. Je suis défait. Bien fait pour moi, auteur de ce méfait. Ceci fait, revenons-en aux faits.

Quels devraient être les vrais critères pour élire un président ou premier ministre ? | Photo par Michael Vadon

Quels devraient être les vrais critères pour élire un président ou premier ministre ? | Photo par Michael Vadon

Certains faits me perturbent. Par exemple je ne comprends pas pourquoi l’état de santé de madame Hillary Clinton soit devenu une affaire d’État, un enjeu dans la course à la présidence des États-desUnis. Son adversaire, le républicain Donald Trump, pour ne pas le nommer, affichait un sourire narquois de satisfaction en annonçant d’un ton péremptoire qu’à l’exception d’un peu d’embonpoint et d’un taux de cholestérol légèrement élevé, il serait, dans l’ensemble, en bonne santé si l’on en croit son médecin traitant, insinuant de la sorte qu’il ferait un bien meilleur président que sa concurrente victime d’une mauvaise grippe. Sont-ce là les principaux critères exigés du futur locataire de la Maison-Blanche ? Il me semble qu’une évaluation psychique ou psychiatrique serait de rigueur et certainement plus appropriée. La santé mentale des candidats, c’est le moins que l’on puisse dire, devrait être prise en considération et certainement primer. Les chances de Donald Trump d’obtenir un bon résultat seraient alors sérieusement réduites et sa candidature sans doute compromise. Si cela devait se faire, je ne serais pas le seul à pousser un soupir de soulagement.

Réflexion faite, je ne pense pas qu’une telle forme d’évaluation, parce que trop logique et évidente, a des chances d’aboutir. Ce serait trop en demander. Une analyse d’urine après chaque discours mériterait aussi d’être sérieusement considérée. Les options ne manquent pas. Ce qui manque, c’est un peu de sérieux dans cette course à la présidence.

Autre fait qui nous touche de plus près : que dire de notre Saint-Justin national, la coqueluche canadienne du moment sur la scène internationale ? La voie ensoleillée qu’il nous préconise semble pour le moment tenir ses promesses. On nous admire, on nous envie de partout. Je reviens d’un petit séjour en Europe et, croyez-moi, notre Premier ministre fait de l’effet. Ses rayons d’espoir rejaillissent sur tous les Canadiens en visite à l’étranger. Dites que vous êtes du Canada et recevez en échange un sourire radieux et admiratif. Pendant les années Harper, c’est tout juste si l’on ne me faisait pas le pied de nez. La lune de sirop d’érable, toute mielleuse, se poursuit donc. Jusqu’à quand ? Voilà la question. « Pourvu que ça dure », soupire sans cesse ma voisine de palier, une pessimiste de nature qui en a vu des roses et des pas sures. Elle rêve du prince charmant et pense l’avoir trouvé en Justin Trudeau. J’ai beau lui dire qu’il est marié et père de famille, cela ne la dérange pas d’un pouce. Elle croit qu’elle finira un jour dans ses bras. « Il a tellement de charme » soupire-t-elle d’un souffle qui en dit long sur ses intentions.

Réflexion faite, j’opte de la laisser rêver en couleurs. Après tout, qui suis-je pour me permettre de couper court à ses illusions ? Notre Premier ministre a peut-être du charme, mais a-t-il de la substance ? aurait écrit Rabelais. En ce qui me concerne, j’attends de le voir à l’œuvre durant la session parlementaire qui vient de s’ouvrir. La légalisation de la marijuana, le droit au suicide assisté, la réforme électorale, les décisions sur les pipelines et d’autres causes environnementales, des dossiers plus chauds les uns que les autres, toutes des promesses électorales, l’attendent au tournant. Nous pourrons alors savoir de quelle trempe il est fait. L’avenir immédiat peut nous réserver quelques fâcheuses surprises. Le chevalier de ces dames risque d’être désarçonné de son cheval blanc. Ce qui, en soi, n’est pas grave. L’important sera d’observer comment il s’y prendra pour remonter en selle. Tant mieux pour nous, Canadiens, s’il y arrive sans difficulté. Ma voisine, par contre, éprouvera beaucoup de peine à s’en relever s’il n’y parvient pas. La déception, me répète continuellement mon pharmacien, est une pilule difficile à avaler.

Dernière réflexion avant de se quitter sur un autre fait : si Uber peut avoir des véhicules sans chauffeur, ne pourrait-on pas envisager qu’un jour les gouvernements fonctionneraient eux aussi sans pilote ?

Réflexion faite, ne vous réjouissez pas trop vite, ne laissez pas aller votre imagination trop loin ; faites-y face, ce n’est pas encore demain la veille que ceci se fasse.