Paris-Nord, la gare mal aimée

Gare du Nord. | Photo de Pascal Guillon

Allez sur internet et vous trouverez des forums de voyage remplis de commentaires négatifs à propos de la Gare du Nord. Que l’on vienne d’Angleterre avec l’Eurostar, de Belgique, des Pays-Bas, du nord de l’Allemagne ou de n’importe où au monde via l’aéroport Charles de Gaulle, cette gare est la porte d’entrée dans la capitale française. Les trains de banlieue et ceux des grandes lignes y déversent des centaines de milliers de passagers par jour. La gare Paris-Nord a accueilli 262 millions de passagers en 2015 et ce nombre augmente d’année en année. C’est non seulement la gare la plus achalandée d’Europe mais c’est même la première au monde, en dehors du Japon.

Une vue à l’ntérieur de la Gare du Nord. Photo Pascal Guillon.

Inévitablement, une telle concentration de gens avec bagages et argent plein les poches attire les criminels. Les pickpockets devaient déjà être là quand la gare a été inaugurée en 1846, mais ils sont maintenant nombreux et font preuve d’un doigté et d’un « professionnalisme » remarquable. À chacun sa spécialité. Pendant que certains sont là pour vous faire les poches discrètement, d’autres se spécialisent dans le vol à l’arraché  (visant surtout les téléphones portables), sans oublier les escrocs multilingues à la recherche d’un touriste un peu paumé qu’ils s’empresseront « d’aider ». Les habitués connaissent tous les trucs et savent se protéger, mais il est vrai que pour quelqu’un qui débarque d’une ville plus petite et plus tranquille (Vancouver, par exemple) traverser la Gare du Nord, surtout la nuit, peut-être un peu déroutant. Il existe un commissariat de police à l’intérieur même de la gare car c’est un endroit où l’on joue aux gendarmes et aux voleurs depuis des générations. D’ailleurs, si c’est comme ça depuis toujours, on se demande pourquoi cette gare fait l’objet de tant de critiques négatives depuis une dizaine d’année.

Vue extérieure de la Gare du Nord. Photo Pascal Guillon

Gare du Nord. Photo Pascal Guillon

À mon avis, cela remonte à 2007. Voulant sévir contre les jeunes qui sautent par-dessus les portillons et voyagent dans le métro et les trains de banlieues sans billets, la police des transports a procédé à une arrestation un peu musclée. Le jeune homme en question, provenant d’une de ces banlieues nord que les français appellent pudiquement « difficile », a été secouru par ses amis. Les policiers ont appelé des renforts, les jeunes banlieusards aussi. Le résultat a été une émeute abondamment filmée et diffusée par les médias nationaux et étrangers. L’incident a eu lieu en pleine campagne électorale. Cela a tout de suite pris une dimension politique. Pour certains, la Gare du Nord était la porte de l’enfer, symbolique d’une justice trop laxiste et pour d’autres, les jeunes banlieusards désœuvrés qui traînent dans cette gare sont les victimes d’une politique économique et sociale défaillante. L’extrême droite xénophobe en a profité pour souligner que les vendeurs de drogues qui font leur commerce dans la gare sont généralement d’origine africaine, tout en oubliant de mentionner que leurs clients sont généralement franco-français « gaulois ».La gare était devenue une « affaire médiatique » au point que pendant des semaines, des incidents qui seraient habituellement passés inaperçus faisaient l’objet de mentions dans la presse nationale. À cette même époque, la Gare St-Pancras de Londres (terminus des Eurostar en provenance de Paris) a terminé ses travaux de rénovation. La presse populaire anglaise ne s’est pas gênée pour souligner à quel point leur gare était belle et propre alors que celle des Français était sale et moche.

Gare du Nord. Photo Pascal Guillon

Piqués au vif, les Français ont réagi en lançant des grands travaux de rénovation qui devraient être terminés à temps pour les Jeux olympiques de 2024. La priorité a été donnée à la sécurité. Un nouveau commissariat de police a été inauguré en 2015. Six cent caméras de surveillance ont été installées. Des renforts ont été alloués aux policiers de la gare qui font la chasse à la mendicité agressive et aux petits délinquants en tout genre. Si vous passez par la Gare du Nord, soyez sur vos gardes, ce n’est pas un petit village suisse. D’un autre côté, ce n’est pas non plus les bidonvilles de Rio.