Yoga et comédie : duo dans la quête du sens de la vie

Jovanni Sy, dramaturge et directeur de la pièce de théâtre Yoga Play. | Photo par Kristine Cofsky

A première vue, quoi de plus normal qu’un évènement yoga dans le Grand Vancouver ? Celle-ci est en effet devenue une mecque mondiale sans contredit. Mais quid d’une pièce de théâtre comique sur la pratique et ses travers modernes ?

D’abord, l’intrigue, imaginée par Dipika Guha, originaire de l’Inde, le berceau du yoga, et écrite en Californie où elle réside, autre mecque du yoga 2.0. Le personnage principal, Joan, jouée par Lois Anderson, nouvelle directrice de la marque de yoga Jojomon, est plongée au cœur d’un scandale après que son prédécesseur ait proféré des propos humiliants à l’encontre des clients et de la taille qu’ils devraient faire pour porter les vêtements Jojomon. Toute ressemblance avec un fait d’actualité est fortuite, l’auteure précisant : « Le cœur du sujet est de découvrir qui l’on est. » Avec humour et humanité, l’histoire apporte un éclairage sur les contradictions entre le yoga et sa pratique ancestrale indienne, la recherche de spiritualité et le capitalisme.

Selon Jovanni Sy, le directeur artistique de la pièce de théâtre, le yoga serait la métaphore parfaite de notre société occidentale, carrefour où s’entrechoquent la quête de sens et de bien-être, la consommation excessive et la bonne taille de pantalon de yoga.

« C’est l’un des scripts les plus drôles que j’ai lus ces dernières années, et qui a aussi beaucoup de cœur, » avoue-t-il, en parlant de sa décision de réaliser la pièce de théâtre, qui sera présentée du 7 au 16 février au Gateway Theatre.

L’humour comme accessoire révélateur

Au cours des répétitions, c’est dans un esprit yoga que Jovanni Sy observe avec intention ce qui se passe dans la salle du Gateway Theatre. Au rythme de profondes inspirations, il écoute avec amusement répéter les acteurs. « Notre plus grand défi est de ne pas rire en plein milieu d’une scène » explique-t-il.

La réplique qui reflète le mieux la pièce selon lui est celle donnée par le personnage de Raj (joué par Chirak Naik, l’un des six personnages principaux) « Y-t-il une place spéciale en enfer pour les personnes qui s’approprient leur propre culture ? »

Or, comme dans la posture de l’arbre, l’équilibre est fragile entre culture et parodie. Pour Jionni Sy, « la quête du bonheur est comique à 70 % ». Pour l’acteur Chirak Naig (Raj), la comédie permet d’aborder de front des thèmes tels que le sexisme patriarcal, le racisme, l’homophobie ou encore le sentiment d’appartenance culturelle, sujets tous abordés dans la pièce. « La comédie a la faculté de rendre les sujets difficiles plus abordables, sans que l’on se sente isolé ou honteux. Le rire peut souvent vous surprendre et révéler des choses qui vous concernent que peut-être vous ne connaissiez pas. Je pense que c’est la même chose pour le bonheur : cela vient lentement à force de travail sur la connaissance de soi à un niveau plus profond, » ajoute-t-il.

Une parabole de la vie moderne

Pour sa préparation, Jovanni Sy, lui-même dramaturge, dit s’être servi de sa connaissance du rythme de la comédie et des enchaînements, nombreux dans Yoga Play. Il précise qu’il ne s’est pas attardé sur des recherches sur les principes du yoga, rappelant que ce n’est ici qu’une parabole. Il étaye en ajoutant que pour lui, l’importance de raconter cette histoire tient dans le fait « qu’avec le temps qui passe toujours plus vite, il devient de plus en plus difficile de rester en contact avec à la fois tout un chacun et le sens de la vie. Yoga Play n’est pas simplement désopilante. Elle identifie également ces besoins humains avec émotion ». C’est la gageure réussie par Dipika Ghupa, continue-t-il. « Elle réussit à explorer les crises existentielles profondes sans jamais tomber dans le pathos ou l’ennuyeux. Elle s’y attaque en faisant preuve de beaucoup d’humour ».

Dans une entrevue accordée au Richmond Sentinel, l’actrice Cristina Quintina, qui joue le rôle de Romola dans la pièce, une jeune américano-mexicaine d’une vingtaine d’années, confiait que la diversité et l’authenticité sont des sujets qui la touchent personnellement, elle qui est une Américano-Mexicaine. « Ce qu’il y a d’épatant avec cette pièce est qu’elle a été pensée autour de la diversité. L’auteure a créé des personnages dont les profils sont rarement représentés : un Singapourien, un Américano-Indien, et le personnage principal est une femme dans la cinquantaine ! »

Autre exemple d’association pour le moins surprenante ? Nul besoin de venir en tenue de yoga le soir de la première, mais assurez-vous que vos pantalons soient élastiques. Des pizzas gratuites seront distribuées avant les trois coups de bâton, pour un avant-goût pizza (pizza preview) !

Pour la liste des événements supplémentaires par représentation et pour les réservations, rendez-vous sur le site www.gatewaytheatre.com