Le casse-tête

Attention à la casse. Toute cette affaire (SNC-Lavalin-Jody Wilson-Raybould-Trudeau-Philpott-Wernick-Butts) me sort par les trous de nez. Elle sent mauvais. Un sac de nœuds à vous donner la nausée. Incompréhensible. Un véritable casse-tête. Je pense pourtant posséder toutes les pièces disponibles, tous les morceaux indispensables, pour compléter le tableau de ce puzzle et ainsi avoir une image claire de la situation. Vaine espérance. Je me rends compte qu’il me manque des bouts, des petits bouts. J’ai beau fouiller partout, explorer tous les coins et recoins de l’imaginable et de l’impensable, je ne m’y retrouve pas. Je suis à bout. Je ne sais plus quoi penser. J’en ai des maux de tête. Encore une fois (je sais, à chaque chronique je le répète) : on ne nous dit pas tout et tout ce qu’on nous dit ne nous dit rien.

Une évidence toutefois : si rien n’est fait d’ici le mois d’octobre, date des prochaines élections fédérales, le gouvernement libéral de Justin Trudeau (J.T.) s’en va au casse-pipe. Ce qui avait débuté comme une sale affaire s’est depuis transformé en crise. Une crise de foi. On ne croit plus en J.T. (2019 après J.C.) Les chemins ensoleillés (Sunny Ways), promis à ses débuts, se sont depuis dissipés et transformés en voies savonneuses, boueuses et glissantes sur lesquelles notre premier ministre éprouve beaucoup de difficulté à se maintenir en équilibre. Il a beau jouer les casse-cous, cela ne peut nous empêcher de qualifier sa performance de pitoyable. Pas convaincant pour un sou le fils à P.E.T. Devrait-on lui ficher la paix pour autant ? Pas que je sache. Il a voulu suivre pas à pas les traces de papa, qu’il en subisse les conséquences.

Le problème de Justin Trudeau, tel que je le perçois, et cela n’engage que moi évidemment, provient du fait qu’il cherche trop à plaire, qu’il aimerait tant qu’on l’aime, qu’on l’adore, qu’on l’admire, qu’on le vénère lui qui n’a rien de son père. Pour atteindre cet objectif (être en somme apprécié) il s’évertue, plutôt mal que bien, à ménager le chou et la chèvre. Va pour le chou. Par contre, la chèvre, ce n’est pas de gaieté de coeur qu’elle voit les loups (députés de l’opposition, journalistes à l’est et l’ouest du Québec) envahir la bergerie pour dévorer cette brebis égarée.

Par exemple notre premier ministre, désireux de satisfaire et de mettre en évidence son penchant féministe, aimerait bien, en revanche, que ces dames lui obéissent et ne fassent pas preuve de solidarité lorsque l’une d’entre elles se trouve prise à partie. Et c’est là où le bât blesse avec J.T. Il confère l’image d’un premier ministre hésitant, peu sûr, vulnérable, pas bien dans ses bottes comme dirait mon cordonnier. Je le verrais mieux et plus à l’aise en train d’écouter chez lui Casse-Noisette, casse-croûte en main, loin des casse-bonbons.

Ce que je n’arrive pas à saisir, toutefois, c’est cette incapacité dont a fait preuve le Bureau du premier ministre et du Conseil privé à ne pas avoir été en mesure de régler toute cette affaire à l’amiable, à l’interne. Entre collègues il y a toujours moyen de moyenner. Mais comme l’aurait dit Astor Piazzolla : « Pour danser le tango, il faut être deux ».

Le chef du gouvernement et ses mignons auraient dû le savoir : faire pression sur la ministre de la Justice s’annonçait casse-gueule. Où avaient-ils la tête ? Pas sur les épaules, chose certaine. Plutôt entre leurs cuisses diront certaines personnes malveillantes.

Quelque part, de la mauvaise volonté a dû prévaloir. Pourquoi Madame Jody Wilson-Raybould a-t-elle opté de déclencher une crise qui ne pouvait que dégénérer et créer un mouvement de panique au sein de l’échelon le plus élevé du gouvernement ?

Ceci me fait dire qu’il y a anguille sous roche, qu’on essaie de nous faire avaler pour une couleuvre, au cours de cette saga qui n’en finit pas d’en finir.

Jody Wilson-Raybould, membre du Parti libéral du Canada. | Photo par Erich Saide

J’insiste : Pourquoi l’ancienne ministre de la Justice a-t-elle choisi de commettre ce hara-kiri-ra-bien-rira-le-dernier politique en dévoilant les dessous des pressions « constantes et soutenues » auxquelles elle a dû faire face ? Était-ce une raison suffisante pour jeter le bébé avec l’eau du bain ? Avant de répondre à cette question pertinente mais combien délicate vous devez me pardonner d’avoir osé utiliser cette terrible expression barbare qui ne représente pas du tout le fond de ma pensée car j’adore les bébés, qu’ils soient jeunes ou vieux, beaux ou vilains.

J’aimerais de même présenter mes excuses auprès des barbares que je viens d’insulter sans raison. De plus, malgré de gros efforts, je m’imagine mal Justin bébé en train de prendre son bain sans avaler une tasse.

Désolé je suis arrivé au bout du rouleau. Je dois vous laisser comme cela en plan. Il faut que je me casse. Ah ! Ce casse-tête, quel casse-pieds.