Le courage de partir et celui de rester

Je suis originaire du sud de la France…là où règne la mer et où dominent les montagnes. J’ai grandi à Nice le regard tourné vers une mer méditerranée toujours éblouissante. Nice… une ville où l’on rêve de partir en vacances, mais que je rêvais de quitter pour connaître d’autres horizons et relever d’autres défis. À ce moment là, j’avoue que je n’appréciais pas vraiment la chance que j’avais d’être née dans un si bel endroit…C’est à ça que servent les expériences de vie, les voyages, à prendre conscience de la valeur de ce que l’on possède déjà chez soi et en soi…

Le départ vers l’aventure

Je crois aussi que je n’aime pas ce qui est trop facile et confortable. C’est ainsi que je quittai famille et amis pour continuer mes études à Paris, y travailler… le défi était de taille : résister à la grisaille. L’absence de mer et de nature pesait cruellement sur la joie de vivre. C’est ainsi qu’en septembre 2018, avec mon conjoint et mon petit garçon de trois ans, je suis partie pour une aventure de migration, direction Vancouver. Nous avons tout quitté, nos emplois, notre maison, notre vie remplie d’amis. Nous sommes arrivés avec nos cinq valises, un permis de travail, tout était à reconstruire et à reconquérir.

En arrivant, j’ai de suite pensé à ma ville natale. Je retrouvais enfin mes montagnes, le bleu de l’océan… j’étais chez moi. Nous pouvions poser nos valises avec le cœur rempli de promesses.

On me pose souvent cette question : « Mais pourquoi avoir tout quitté pour venir vivre ici ? » Mais doit-il y avoir de bonnes raisons ? Mon conjoint est né en Thaïlande, il est originaire du Laos, ses parents ont fui la guerre pour venir vivre en France. De mon côté, je suis née à Nice, mon grand-père italien ayant quitté la misère de son pays pour trouver du travail en France. Notre fils est né à Paris. Je suppose que les désirs d’immigration sont ancrés dans nos histoires familiales. Le Canada nous tendait les bras, nous voilà
tous les trois à Vancouver.

Du voyage au projet de vie

À l’euphorie et l’enthousiasme des premiers mois de découvertes de la ville et de ce nouveau pays, succèdent les difficultés, le mal du pays et le manque des proches. Alors je commence à être déçue, je me surprends à critiquer, à blâmer, mais au fond pour de mauvaises raisons. Heureusement ça finit par passer. On s’adapte alors et on apprend à sonder le cœur des bonnes personnes qui nous redonneront foi en notre aventure et nous emmèneront sur le bon chemin. Les Rocheuses ne sont pas les Alpes, le Pacifique n’est pas la mer Méditerranée. Il ne faut pas comparer quand on voyage, l’essentiel n’est pas juste de découvrir de nouveaux paysages mais d’embrasser ce nouveau regard, celui à partir duquel tout reprend forme, et c’est à ce moment-là que commence l’autre voyage, celui de l’amour réel d’un lieu.

Mais soudain est arrivée cette épidémie, tout s’est arrêté. Après l’effroi, il a fallu continuer à vivre. Et là, au cœur de cet hiver forcé et prolongé, est revenue cette question encore plus forte « Mais enfin, pourquoi avoir tout quitté et être partis si loin de notre famille, nos amis ? » Oui, nous nous sommes sentis encore plus coupés
de nos proches sans possibilité d’aller les voir ou eux de venir à nous. Mais paradoxalement, traverser avec courage et fragilité ces longs mois nous a donné une force et une liberté intérieures insoupçonnées.

Heureusement que nous avons eu plus d’une année pour construire ces liens avec notre nouveau pays d’accueil. Ses lacs, ses plages, ses forêts, les sourires des gens (qui se font plus rares aujourd’hui malheureusement avec le port du masque) me remplissent toujours le cœur comme jamais et je m’enracine un peu plus à chaque fois.

Mon amour pour toi Vancouver se vit en ce moment dans la douleur. La douleur de ne pas pouvoir voir les gens que j’aime en France. Mais encore une fois, je n’aime pas ce qui est facile. Ce sont les routes les plus difficiles qui mènent aux plus beaux sommets et aux plus beaux paysages. Savoir sortir de sa zone de confort tous les jours, pour continuer à apprendre et grandir, voilà l’exemple que je veux donner à mon fils. Arrivera un jour où il me demandera « on a fait quoi en 2020 quand tout a basculé ? ». Je ne pourrai pas m’imaginer lui répondre « on a renoncé ». Alors oui je vais rester, pour toi Canada, car j’ose à penser que tu as aussi un peu besoin de nous. Il paraît que le plus beau voyage est celui que l’on n’a pas encore fait, alors le meilleur est à venir, je veux être confiante, il le faut.