Les mille et une cultures du bronzage

Photo par Ricardo Cuppini, Flickr

Photo par Ricardo Cuppini, Flickr

L’été est sur le point de s’installer et Vancouver se transforme petit à petit en station balnéaire. Dans une ville où les salons de bronzage sont des commerces assez lucratifs, inutile de dire qu’à la moindre journée ensoleillée les plages de la ville deviennent noires de monde. Pourtant la culture du bronzage ne fait pas l’unanimité, ce dernier est recherché par les uns et évité par les autres. Les critères de beauté ne sont définitivement pas les mêmes partout.

Aujourd’hui un corps bronzé est considéré comme beau et sensuel. Une récente campagne publicitaire pour la marque H&M a d’ailleurs suscité plusieurs controverses puisqu’elle présentait des mannequins bronzés à l’excès. Accusé de faire la propagande de pathologies dermatologiques, H&M a dû présenter des excuses publiques. Pourtant, cette mode ne remonte pas à bien loin.

Le bronzage en Occident

En Occident, la peau blanche a été plébiscitée durant plusieurs millénaires. A partir de l’Antiquité jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la peau blanche est synonyme de noblesse et de richesse. Il est primordial de préserver sa peau du soleil afin de se distinguer des paysans et de la classe ouvrière.

En Asie, le bronzage ou la peau foncée est un signe d’infériorité alors qu’en Afrique, le désir d’avoir une peau claire est probablement reliée au fait que les blancs formaient la classe dominante.
Bernard Bernier, anthropologue, Université de Montréal

« L’idée des vacances comme moyen de « réparer » le corps endommagé par les rythmes « inhumains » de la civilisation industrielle émerge en Europe dans la deuxième moitié du 19e siècle. Les premières vacances profitent à la classe moyenne supérieure, plus aisée, qui part alors à la montagne. Puis, vers la fin du siècle, la classe moyenne et le prolétariat commencent à imiter les classes nanties, mais ne peuvent se permettre les excursions en montagne. Ils commencent à visiter les littoraux, où des structures de tourisme de masse se développent plus facilement qu’en montagne (trains, auberges, etc.). Leur peau bronzée est un signe public qu’ils ont pu, en dépit de leurs moyens limités, imiter les classes supérieures.

Pour l’Europe, notamment, plus on est blanc, moins on porte les signes du travail en extérieur, inhérent aux classes basses. « Être bronzé signifie à l’inverse, être de statut « vil » (dont la signification est originalement liée à la campagne) » explique Guy Lanoue, anthropologue à l’Université de Montréal. L’arrivée de nouvelles réformes crée un renversement de situation qui fait qu’à l’heure actuelle le bronzage est à la mode. Effectivement, en 1936, le Front populaire gouverne la France et met en place plusieurs réformes sociales dont les congés payés. Les Français se rendent donc régulièrement à la plage, il est inévitable d’échapper au soleil. Le bronzage devient une mode et la peau blanche est désormais assimilée à une mauvaise santé.

Une jeune canadienne au soleil. Photo par Pam Lau, Flickr

Une jeune canadienne au soleil. Photo par Pam Lau, Flickr

La blancheur, signe de supériorité

Car même si en Occident, le bronzage est synonyme de beauté et de vivacité, cette vision est loin d’être partagée à travers le monde. Dans certains pays africains, la dépigmentation et le blanchissement de la peau sont monnaie courante et dans les pays asiatiques, il n’est pas rare de voir les gens éviter le soleil. Comment peut-on expliquer une telle disparité ?

Maryam Alkhaibari, jeune Saoudienne installée à Vancouver raconte : « La majorité des filles en Arabie Saoudite sont plutôt blanche de peau. Mais la plupart d’entre elles utilisent des produits blanchissants afin de paraître plus claire. Être blanc de peau est un critère de beauté dans mon pays. Personnellement, j’ai recours à ce genre de produits quand je vais à un mariage ou à un événement spécial. J’ai également souvent pensé à une solution de dépigmentation plus permanente.»

En Afrique et au Moyen Orient, le phénomène de la dépigmentation de la peau apparaît à la fin des années 60. La vente de tels produits constitue une véritable industrie, certains même vont jusqu’à s’endetter pour avoir la peau claire.

Il existe plusieurs campagnes de lutte contre la dépigmentation car la plupart des crèmes destinés au blanchissement contiennent des produits non conformes à la réglementation. Bernard Bernier, anthropologue également à l’Université de Montréal souligne « En Asie, le bronzage ou la peau foncée est un signe d’infériorité alors qu’en Afrique, le désir d’avoir une peau plus claire est probablement reliée au fait que les blancs formaient la classe dominante. » Un traumatisme post-colonial pourrait être à l’origine du phénomène.

Dans la plupart des pays asiatiques, tel que le Japon ou la Chine, l’attrait de la peau blanche est ancré dans les mentalités. Une peau laiteuse est un des critères de beauté les plus sollicités. « Au Japon les femmes font très attention à ne pas prendre le soleil, en été, elles se baladent constamment avec un parapluie pour rester dans l’ombre », souligne une jeune Japonaise qui s’installe à la plage et se couvre de serviettes de la tête aux pieds pour éviter les UV.

Les canons de beauté ne sont indéniablement pas les mêmes partout. Les salons de bronzage en Occident et les dépigmentations en Afrique prouvent encore que la perception de la couleur de peau d’un point de vue esthétique est bien loin d’être universelle.