Márcio Faraco : « Vancouver, c’est un peu le coin « cuisine » dans la maison. C’est plus intime. »

Márcio Faraco pose ses valises à Vancouver le 29 juin.

Brésilien de la frontière, né entre l’Uruguay et non loin de l’Argentine, Parisien depuis plus de 20 ans, élevé par une nourrice indienne guarani pour qui il chante Constantina, « une berceuse d’adieu » d’un voyageur à une dame qui n’a jamais vu la mer, Márcio Faraco est l’artiste-monde. Qu’elle se console, murmure-t-il à sa nourrice : la mer, il ira la voir pour elle ! Son identité, sa musique se comprennent dans cet entrelacement fluide des cultures brésiliennes et européennes.

« J’ai découvert beaucoup de la musique brésilienne en dehors du Brésil. Ça m’a permis de regarder mon pays comme un tableau, de loin. C’est paradoxal, mais j’ai mieux connu la musique brésilienne en dehors du Brésil ! »
Son goût de l’ailleurs mais aussi son inscription dans l’histoire musicale récente du Brésil entre samba contestataire et jazz, le chanteur de bossa nova nous les fait partager depuis Rio. Il participe à la Conférence sur le Développement Durable. Engagé sur les questions environnementales? « Il faut repenser tout ça. Je ne sais pas, c’est peut-être mon côté indien, mais je me demande : est-ce qu’on peut vivre dans un monde où il n’y a nulle part où on puisse se cacher parce que nous détruisons les forêts? » Harmonie entre la simplicité élégante de ses propos et la sensualité délicate de sa musique. Entretien.

La Source : Vancouver va vous accueillir pour la première fois à la fin du mois ?
Márcio Faraco : Non! En fait, je suis déjà venu pour le Festival de Jazz, il y a environ 5 ans. J’avais aussi fait la traversée pour aller à Victoria. J’aime bien. Les gens de Vancouver m’écrivent pour me dire qu’ils ont envie de me voir. Je suis content de venir jouer là.

Tous les publics son différents : par exemple à Prague, c’est surprenant, en France, on est méticuleux, on a le sentiment d’être observé de près. Vancouver, c’est un peu le coin « cuisine » dans la maison. On est plus près du Brésil. C’est plus intime.

L.S. : Vous habitez depuis longtemps en France. Quel est votre lien avec ce pays ?
M.F. : Je suis parti du Brésil parce que je ne trouvais pas de maison de disque. J’ai, pour ainsi dire, commencé ma vie discographique en France. Ce n’était pas une ligne droite. C’était intéressant, mais un peu triste aussi. La partie intéressante, c’est que j’ai découvert beaucoup de la musique brésilienne en dehors du Brésil. Puis, j’ai fait des rencontres importantes, comme celle de Philippe Baden Powell avec qui je joue encore.

La France et l’Europe ont joué un rôle très important pour les musiciens brésiliens à l’époque de la dictature, comme pays d’accueil. Bon, moi j’ai assez peu souffert de la dictature. Mais beaucoup devaient s’exiler. Je pense à des artistes comme Gilberto Gil ou Chico Buarque qui a même connu la prison.

L.S. : Justement, depuis l’époque militante de Gilberto Gil et Chico Buarque, comment se porte la bossa au Brésil ?
M.F. : La bossa nova a toujours son public. D’ailleurs, il y a une telenovela (Beleza Pura, ndlr) qui commence tous les jours par une chanson de Moustaki que j’interprète en français avec Nana Caymmi. Je la chante en français et Nana en brésilien.

Il y a encore de la fierté dans la bossa, même si elle a perdu de l’espace avec la nouvelle musique. Elle était comme un ralliement au moment de la MPB (Musique Populaire Brésilienne, ndlr), une expression de résistance contre la dictature militaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Même si les goûts évoluent et que la musique qu’on entend partout aujourd’hui à Rio c’est le funk, la bossa reste une musique populaire.

“Je suis parti du brésil parce que je ne trouvais pas de maison de disque.”
Márcio Faraco, musicien

L.S. : Parlez-nous un peu de votre dernier album, O Tempo, c’est une réflexion sur le temps qui passe ? Le moment de la maturité dans votre parcours musical ?
M.F. : Après Universal (qu’il a quitté pour le label français Le Chant du Monde Harmonia Mundi qui a produit son 4ème album, Invento, en 2007, ndlr), j’ai commencé à travailler différemment. Maintenant, c’est après avoir composé mes morceaux que je vais à ma maison de disque et que je leur montre ce que j’ai fait. O Tempo, c’est une réflexion sur le temps, effectivement, dont j’ai commencé réellement à prendre conscience il y a 5 ans, avec la naissance de ma fille. Le temps a alors commencé à se matérialiser pour la première fois.

L.S. : On y ressent les influences du fado portugais, est-ce le temps de la nostalgie, de la saudade?
M.F. : Ah vous avez raison! C’est l’effet que donne la guitare caïpira, une guitare paysanne à 10 cordes, 5 cordes doublées en fait. Elle descend de la guitare braguesa, du nord du Portugal. Elle donne une ambiance sucré-salé, c’est un héritage portugais, oui. Ce dernier album est très épuré, avec une composition très liée à la guitare et un peu de percussions. J’essaie de trouver l’essence de cette musique. C’est difficile, ce travail sur le minimalisme. C’est intéressant aussi. Comme on est très nu, on voit plus les défauts, les faiblesses. On se met en danger.

Márcio Faraco se produira dans le cadre du Festival International de Jazz de Vancouver le 29 juin 2012 à 20:00 au North Shore Credit Union Centre for Performing Arts. Tarifs : $28/$26
O Tempo, Le chant du Monde/ Harmonia Mundi, 2011

Notez que cette année, le festival met les artistes francophones à l’honneur avec Hélène Labarrière Quart et le 22 juin, Médéric Collignon et Pierrick Pédron le 24 juin, Benoît Delbecq/François Houle et Marc Ducret le 30 juin, Marc Ducret + Samuel Blaser le 1er juillet.

Une opinion sur “Márcio Faraco : « Vancouver, c’est un peu le coin « cuisine » dans la maison. C’est plus intime. »

  1. Merci pour cet article poétique qui me donne envie de connaitre un artiste qui ne fait pas encore partie de la discographie.

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