Rick Tae : « Les Asiatiques américains et canadiens sont très différents. »

De gauche à droite: Isaac Kowk, Alvin Tran et Qunh Mi. Photo par Patrick Parenteau, DVPix

 

Etre asiatique en Amérique du nord, qu’est-ce que cela signifie ? C’est la question soulevée par The Theory of Everything, une pièce de théâtre insolite, drôle et philosophique réalisée par le dramaturge américano-thaïlandais Prince Gomolvilas. La production, qui fera sa grande première au Canada du 9 au 12 janvier au Roundhouse, se penche sur les problèmes identitaires vécus par trois générations d’immigrants asiatiques de différentes origines installés à Las Vegas. L’occasion pour Rick Tae, qui encadre les acteurs, de revenir sur les différents aspects culturels expérimentés par les Asiatiques en Amérique du nord. Une situation à considérer selon plusieurs perspectives comme le détaille cet artiste canadien confirmé, né à Hong Kong et passé par les Etats-Unis.

La Source : La pièce intègre des cultures qui sont par ailleurs très présentes en Colombie-Britannique (philippine, japonaise, chinoise, thaïlandaise). D’après vous, quels sont les problèmes auxquels les immigrants asiatiques doivent faire face ?

Rick Tae. Photo par Rick Tae

Rick Tae : Pour les plus anciennes générations, il s’agit d’une affaire quotidienne. En plus d’une possible barrière de la langue, ils doivent s’adapter à la façon qu’ont les Nord-américains de traiter la clientèle, de conduire ou d’interagir entre eux. Il y a tant de choses à noter ! Pour les jeunes générations, les différences peuvent concerner la culture populaire comme par exemple la façon de s’amuser et le sens de l’humour ou encore la façon de manger et de faire des achats. Bien évidemment, la question des relations amoureuses apparaît aussi importante. Quand vient le moment de mieux connaître son partenaire Nord-américain, les attentes sont parfois diamétralement opposées.

L.S. : Les questions existentielles sont au cœur de la pièce. Pensez-vous que beaucoup de canado-asiatiques se demandent qui ils sont ?

R. T. : Probablement pas tant que cela. Culturellement, les Asiatiques, qu’ils soient canadiens ou non, ont tendance à considérer les questions existentielles comme quelque chose d’absurde ou de non pertinent et préfèrent appréhender leurs problèmes chaque jour de façon plus pratique. Je ne trouve seulement ce questionnement que parmi les professionnels des métiers de la création.

L.S. : Avant de résider au Canada, vous avez étudié aux Etats-Unis. Au regard de votre expérience plurielle, considérez-vous que les immigrants asiatiques doivent affronter les mêmes problèmes dans les deux pays ?

R. T. : Les Asiatiques américains et canadiens sont complétement différents. L’expression ethnique et culturelle est plus marquée aux Etats-Unis. Les Asiatiques aux Etats-Unis sont de plus pris en sandwich entre « les blancs » et « les noirs » et sont parfois en manque de repères identitaires entre ces deux extrêmes. Je trouve les Asiatiques canadiens mieux intégrés dans le monde du travail et plus indépendants dans leur vie personnelle.

L.S. : Avez-vous trouvé l’approche de Prince Gomolvilas surprenante concernant les doutes exprimés par les Asiatiques sur la société nord-américaine ?

R. T. : Pas du tout. La perspective américaine est plutôt différente. Comme j’ai vécu aux Etats-Unis après avoir passé de nombreuses années en Asie, j’avais déjà les bases et j’étais prêt à intégrer des facettes américaines dans ma personnalité et ma vie. Ceci dit, tous les immigrants asiatiques n’en sont pas capables. La plupart ont tendance à penser qu’ils doivent changer plutôt que de considérer qu’ils ne doivent en fait que compléter ce qu’ils sont déjà. Je ne peux pas parler à la place de ces gens aux Etats-Unis, mais je pense que de grandir dans un environnement où le fait ethnique est aussi fort peut constamment conduire la personne à réfléchir sur son identité et à se justifier au quotidien.

Theory of Everything
Roundhouse Performance Centre
Les 10 et 11 janvier à 20h et le 12 janvier à 14h et à 20h.
Payez ce que vous pouvez avant le 9 janvier, 20h.
Tickets : $15 adultes/
$10 étudiants & seniors à
l’avance sur www.vact.ca
ou à l’entrée pour $20