Prendre sa place en C.-B.

Photo par splityarn, Flickr

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En Colombie-Britannique, la croissance rapide de Vancouver depuis l’Expo 1986 pourrait agir en trompe-l’œil sur le reste de la démographie du territoire. Cette année, et selon le rapport statistique annuel sur l’immigration, 36 000 des 257 000 nouveaux résidents permanents ont échoué en C.-B., classant cette province comme étant la troisième la plus attrayante au Canada. Si l’aire métropolitaine du Grand-Vancouver concentre la majorité de ces effectifs, les associations répondant aux besoins des nouveaux canadiens d’adoption s’étendent bien au-delà du Lower Mainland. Les villes de Kamloops, Kelowna ou Kitimat témoignent de l’immigration diffuse régnant sur le territoire provincial et de l’appui à y apporter. Ces organismes délivrent des ressources pour faciliter l’installation et l’intégration de personnes de cultures différentes pour les guider face aux us et coutumes de la société multiculturelle canadienne. L’étalement territorial de ces structures pouvant entraîner une différence de traitement pour le public concerné, une mise en réseau paraissait la solution à bien des tracas.

AMSSA : L’union fait la force ?

Le défi de coordonner sur le territoire de C.-B. toutes ces formes de soutien à l’inclusion économique et sociale fut relevé en 1977 par la création de l’Affiliation of Multicultural Societies and Services Agencies (AMSSA), une fédération qui regroupe les associations dévouées à l’intégration de ces nouvelles communautés. La toile de ce réseau grossissant au rythme de l’immigration en Colombie-Britannique, AMSSA a vu passer le nombre de ces associations adhérentes de moins d’une dizaine à son lancement à plus de 70 à l’heure actuelle.

Les associations d’aide aux réfugiés et migrants, d’intégration par l’éducation et la maîtrise de la langue anglaise sont ainsi toutes abritées sous le parapluie déployé par AMSSA. « Je ne connais encore personne à Vancouver, je suis passé à ELSA pour obtenir un test certifiant mon niveau d’anglais pour augmenter mes chances de trouver un travail en contact avec la clientèle » révèle Lyang, jeune chinoise arrivée à Vancouver fin février.

AMSSA, si elle ne vient pas directement en aide aux nouveaux arrivants, occupe une fonction d’interface et de catalyseur pour ces membres mieux éclairés par cette grande enseigne. Composée d’un staff de 3 personnes dont une directrice, cette petite structure basée sur Commercial Drive bat sévèrement le pavé provincial comme l’attestent leurs frais de voyages et de réunions pesant près de 16% d’un budget culminant à 1,5 million de dollars. En hausse de 56% en une année pour atteindre 236 000 dollars, l’année 2012 fut donc caractérisée par un fort investissement professionnel pour cette équipe dont 86% du budget provient de fonds fédéraux. Ce nomadisme structurel explique sûrement en partie leur indisponibilité à répondre rapidement à une interview.

En agissant de manière coordonnée, les associations membres de ce réseau peuvent mettre en place des actions concertées de plus grande ampleur. Ainsi, les membres et les nombreux contractants de AMSSA organisaient au centre culturel croate de Vancouver le 9 mars dernier, la neuvième édition du Health Fair vancouvérois consacrée cette année à la prévention des maladies chroniques. Evènement gratuit prenant également place dans près d’une dizaine de villes à travers la province, il offre à ses participants de nombreuses activités éducatives et ludiques autour du thème de la santé. L’année dernière, 3500 personnes à Vancouver s’y étaient empressées.

Les liens tissés entre ces acteurs de l’intégration « permettent un retour d’expérience entre structures » nous informe Vicki, salariée au Pacific Immigrant Ressource de Vancouver. C’est en ce sens que les membres de AMSSA ont mis en place l’Immigration Integration Coordination Committee (IICC). Cet organe, qui représente 36 des structures adhérentes, est destiné à échanger sur les obstacles rencontrés à l’intégration mais également à former les membres du réseau par la mise en place d’ateliers professionnels.

En parlant à l’unisson sous une même bannière, les acteurs de l’intégration possèdent un poids autrement plus important dans les échanges avec le pouvoir politique provincial. C’est en ce sens que cette fédération a reçu la délégation de Victoria pour assurer ses programmes d’intégration provinciaux.

L’immigration : une affaire provinciale ou fédérale ?

Pourtant, cette autonomie provinciale en matière d’immigration est remise en question par Ottawa et sa décision d’ouvrir pour avril 2014 un bureau régional de l’ouest supervisant les services d’immigration provinciaux. Calgary, ville d’adoption de Stephen Harper, accueillera ce bureau fédéral qui chapeautera les 6 provinces du Canada situées à l’ouest de l’Ontario. Cette décision laisse pantoises les associations d’aide aux migrants sur les raisons de ce rapatriement fédéral.

Le programme Provincial Nominee, offrant la co-décision entre Victoria et Ottawa pour accorder la résidence permanente, a été l’objet de critiques fédérales récentes quant à ses largesses pour son obtention. En commentant la publication du rapport annuel sur l’immigration, Jason Kenney, ministre de l’immigration fédéral, l’a jugé responsable, à juste titre, de l’inflation de l’immigration canadienne. Ce programme a en effet vu son nombre de bénéficiaires presque doubler en 4 années, passant de 22 000 à 40 000 entre 2008 et 2012.

Face à cette reprise en main fédérale des activités migratoires se pose en filigrane la question de la pertinence territoriale de la politique d’immigration et d’intégration à adopter. S’il semble légitime qu’Ottawa puisse contrôler le flux des entrées au niveau national, l’intégration, spécifique à chaque province, à besoin un dispositif adapté à la Colombie-Britannique.