La politique : un plat qui se mange froid

Ce qui suit est le récit épicé d’un débat. Un débat qui a volé bien bas lorsque les candidats briguant (ou brigands, qui sait ?) le suffrage universel se sont rencontrés sur un plateau de télévision la semaine dernière.

Ils étaient quatre. Quatre à faire des simagrées et à nous faire croire qu’ils avaient la pêche. Quatre qui voulaient nous démontrer qu’ils possédaient la recette de notre bonheur. Qu’ils avaient en leur possession une potion magique bien mijotée.

Quatre, dont deux, au fond, ne comptaient que pour du beurre : la candidate du parti Vert et le représentant du parti conservateur. Ces derniers sont tombés sur ce plateau comme un cheveu sur la soupe. Ils n’étaient là que pour jeter un peu d’huile sur le feu et surtout pour faire leur miel.

En fait, seuls Sœur Sourit Trop et Frère Sourit Faux sont passés à la casserole. La verte et le pas mûr conservateur ont parfois alimenté de leurs grains de sel certains échanges, histoire de manifester leur présence. De toute évidence, ils semblaient comblés et ravis d’appartenir au gratin de la gente politique britanno-colombienne (admettez que la barre n’est pas très haute). Deux bonnes poires pédalant dans la choucroute. Nos gros légumes ne font définitivement pas le poids.

Avec le recul, je dois avouer que ce débat des chefs m’a donné une indigestion. Il n’y a eu, pourtant, aucun échange à couteaux tirés. Le spectacle fut triste comme un jour sans pain.

Politique et cuisine, vont-elles de pair? | Photos par BCNDP (Dix), BC Govt Photos (Clark), Greens for Allen (Sterk) et John Cummins (Cummins)

Politique et cuisine, vont-elles de pair? | Photos par BCNDP (Dix), BC Govt Photos (Clark), Greens for Allen (Sterk) et John Cummins (Cummins)

Ainsi, leur accorder autant de temps d’antenne c’est donner de la confiture à des cochons. J’ai senti dès le début que la mayonnaise ne prenait pas. Parfois, devant l’inaptitude des candidats à répondre aux questions, la moutarde m’est montée au nez. Toutes ces salades m’ont frustré. Je bouillais d’impatience. J’en ai eu ras le bol. J’ai failli fuir à toute vapeur. Puis je me suis calmé. J’ai mis de l’eau dans mon vin. J’ai pensé à tous ces journalistes coincés comme des sardines dans des autobus, obligés de suivre les candidats et d’écouter leurs discours clairs comme du jus de boudin.

Mon attention s’est, par conséquent, tournée sur la prestation des deux principaux protagonistes.

Sœur Sourit (pendant que je brûle les feux rouges en compagnie de mon fils) était dans son élément. Elle avait la banane. Elle n’a certes pas inventé le fil à couper le beurre, mais la télé et la radio, elle connaît ça. Madame Clark respirait la confiance, persuadée de ne faire qu’une bouchée de ses adversaires. Elle avait l’intention de presser comme un citron, Adrian Dix, son principal concurrent, au sujet de son programme économique. Elle a fini par faire chou blanc. Elle aurait aimé aussi l’aplatir comme une crêpe, mais n’y est pas parvenu.

Adrian Dix, Frère Sourit-Faux-Mémo n’est pas une andouille. Sa machine politique est bien huilée. Certes, au début du débat, il n’avait pas l’air dans son assiette. Il voulait à tout prix éviter de mettre les pieds dans le plat, sachant qu’on ne peut faire une omelette sans casser des œufs.

Monsieur le futur Premier ministre (j’espère ne pas lui porter la guigne) n’a pas cherché à jeter de l’huile sur le feu en questionnant le peu de jugement dont a fait preuve Christy Clark lors de l’épisode du feu rouge grillé. Le chef néo-démocrate aurait pu lui rentrer dans le lard et la mettre dans un sacré pétrin, signalant la fin des haricots pour la presque certaine future ancienne première ministre. Non, monsieur Faux-Mémo n’a pas voulu faire de cette affaire tout un plat.

Le dénigrement n’est pas sa tasse de thé. Il n’y a pas chez lui, une graine de méchanceté. Bravo, mais peut-on gagner des élections comme ça ? Je vois sourire Harper. C’est mauvais signe.

Mais revenons à la prestation télévisée de monsieur dit Dix. Devant son inconfort perceptible, je dois avouer qu’il m’a parfois donné la chair de poule. Il ne s’est, toutefois, pas emballé, sachant très bien qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

Adrian Dix a prouvé, pendant cette soirée, qu’il était, malgré sa posture maladroite (normal, puisque c’est un homme de gauche), un dur à cuir. Une fois élu Premier ministre, quand il sera dans le jus, il saura mettre la main à la pâte.

En attendant, je dois me mêler de mes oignons. Ce que je vais faire dans un instant, après avoir ajouté ce petit zest de duplicité : le 14 mai, les carottes seront cuites. Si Adrian Dix et ses néo-démocrates l’emportent, la cerise sur le gâteau serait que Christy Clark se fasse battre dans sa propre circonscription. Mais n’en faisons pas tout un fromage. Vous avez bien compris :

la politique et l’art culinaire vont de pair. C’est du pareil au même. On aime ou on n’aime pas, tous les goûts sont dans la nature C’est un jeu. Un jeu qui me donne la frite, avec ou sans poutine. Pour l’élection ? Ne vous inquiétez pas : tout baigne dans l’huile.