La difficulté de prendre le pouls de la population en ces temps modernes

Les sceptiques seront confondus. Si vous êtes du Québec et d’un certain âge, comme moi, vous vous rappellerez peut-être de cette phrase si fortement associée au personnage du Capitaine Bonhomme. Et bien, les sceptiques l’ont été de façon spectaculaire le 14 mai dernier. Les élections de la Colombie-Britannique ont donné raison à la tendance qui veut que le cœur et la raison des électeurs est plus difficile que jamais à cerner. Avec ces récents résultats, les sondeurs sont sur la sellette.

Depuis les élections au Québec et en Alberta l’an dernier les politiciens des partis qui ne recueillaient pas la faveur populaire dans les sondages pouvaient, devant l’écart entre les prédictions et la réalité, nous demander de les prendre avec un grain de sel. On pointait le doigt vers ces deux exemples. C’était l’argument idéal, preuve à l’appui, pour garder la base motivée. De toute évidence, autant que jamais, il y a du vrai lorsque l’on dit que le seul sondage qui compte est celui lors du dépouillement des bulletins de vote soit le verdict final des électeurs.

Les récents résultats en Colombie-Britannique ne peuvent faire autrement que de forcer un examen de la façon dont on sonde les électeurs. Les grandes maisons de sondage n’ont d’ailleurs pas hésité à se pencher sur la question. Ceci dit, il faut faire attention avant de les larguer par-dessus bord. La nouvelle réalité sociale rend la vie difficile à ceux dont c’est la profession de nous présenter des portraits de nos désirs collectifs.

Les sondeurs vous le diront, il devient de plus en plus difficile de rejoindre la population selon les méthodes traditionnelles du téléphone. Les nouvelles méthodes qu’ils utilisent ont de toute évidence des limites importantes. Plusieurs opinent que certains groupes sont maintenant surreprésentés dans les résultats. Voilà peut-être un début d’explication.

Mais la différence en termes de pourcentage obtenu par les libéraux et les néo-démocrates en Colombie-Britannique semble masquer un autre phénomène. Il se peut aussi, et c’est ce que je pense, que l’électorat soit plus volatile que jamais. Il était un temps, quand même pas si lointain, où les sondages publiés le weekend avant un scrutin général visaient assez juste. Mais il semble que le choix d’un grand nombre d’électeurs est de moins en moins solidement ancré. Il en ressort que les électeurs font, plus que jamais, leur choix final dans la boîte de scrutin. Selon cette hypothèse, les thèmes principaux des camps politiques comptent plus que jamais.

Et fait un brin inusité mais aucunement surprenant, ces mêmes formations qui lèvent le nez sur les sondages sont elles-mêmes friandes d’études de l’opinion publique. Ceux qu’ils commandent sont évidemment beaucoup plus précis et servent surtout à raffiner leur message. En bout de ligne, ce sont les Libéraux qui ont réussi à mieux cerner les sentiments les plus profonds de l’électorat.

De toute évidence, ils ont compris qu’un grand nombre d’électeurs avaient décidé que leur avenir économique, le message continuellement martelé par les Libéraux, prenait le dessus sur le désir du changement, ce que prônait le NPD. Le changement c’est bien beau, mais quand la question fondamentale qui compte pour la population c’est d’être rassurée sur son avenir économique, cela est suffisant pour renverser une tendance exprimée dans les derniers jours d’une campagne électorale.

Une leçon à tirer de la campagne est que l’approche positive, bien qu’honorable, ne semble pas l’emporter sur l’approche plus musclée qui repose sur des attaques constantes. C’est Justin Trudeau qui devrait en prendre note, lui qui a promis de changer le ton dans le paysage politique canadien et de mener une campagne positive. Ce peut-il que ce soit Stephen Harper et son parti qui en bout de compte, font le bon pari? Poser la question c’est y répondre.

On peut aussi comprendre pourquoi les troupes conservatrices fédérales continuent de faire de l’économie l’enjeu primordial. Tant et aussi longtemps que le monde ne sera pas sorti de sa torpeur économique, le parti vu comme étant plus apte à naviguer dans les eaux troubles gagnera.