le Jeudi 21 août 2025
le Samedi 26 avril 2025 14:11 | mis à jour le 26 avril 2025 15:47 Initiative de Journalisme Local

Mort du pape François : entre émotion, pardon et mémoire douloureuse en Colombie-Britannique

​Le pape François est décédé le lundi de Pâques 2025, à l'âge de 88 ans | Coronel G, Unsplash
​Le pape François est décédé le lundi de Pâques 2025, à l'âge de 88 ans | Coronel G, Unsplash
Mort du pape François : entre émotion, pardon et mémoire douloureuse en Colombie-Britannique
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La mort du pape François, survenue ce 21 avril à Rome, a suscité des réactions contrastées en Colombie-Britannique, notamment parmi les communautés catholiques et autochtones encore marquées par l’histoire douloureuse des pensionnats. Si certains saluent la mémoire d’un homme compatissant et courageux, d’autres estiment que ses excuses de 2022 au Canada n’ont pas suffi à panser les blessures.

Paul T Tshilolo – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

Une perte inattendue pour les catholiques francophones

À Vancouver, monseigneur Gérard Laplante, de l’Église Vieille Catholique de la C.-B., confie avoir été profondément surpris par la nouvelle. « C’est un choc. Nous venions de célébrer Pâques. Il avait encore donné sa bénédiction. »

Monseigneur Gérard Laplante avec une paroissienne à la sortie d’un service religieux | Marc Béliveau

Une messe spéciale a été organisée dans sa paroisse et une lettre de condoléances a été transmise aux délégués apostoliques.

Pour lui, le pape François laisse derrière lui un héritage précieux. « Il annonçait l’Évangile par la compassion. Il ne jugeait personne, accueillait tout le monde. Nous avons besoin d’hommes comme lui dans le monde d’aujourd’hui, rempli de conflits, de mal et d’orgueil. »

Un message de paix et de courage, salué mais insuffisant

Monseigneur Laplante considère que le pape a fait preuve d’un grand courage, notamment lors de sa visite au Canada en 2022. « Voir un pape en chaise roulante demander pardon, c’était très touchant, croyants ou non croyants l’ont ressenti. »

Il tient toutefois à rappeler que les torts causés aux autochtones relèvent aussi, selon lui, de la responsabilité de l’État canadien. « L’ancien chef autochtone Phil Fontaine, que je connais bien, disait que ce n’était pas seulement l’Église, mais aussi l’État qui a forcé la main des religieux. »

Des blessures encore ouvertes dans les communautés autochtones

Du côté des Premières Nations, le message papal ne suffit pas à apaiser les douleurs. Eugene Harry, ministre squamish originaire de la réserve de Malahat, parle avec émotion. « Les excuses ne sont pas suffisantes. J’ai vu des cousins ne jamais revenir, des petites filles enceintes… Comment pardonner quand la justice n’a jamais été rendue? »

Il remet en question la compatibilité entre la foi catholique et les valeurs autochtones. « Leur dieu n’est pas le nôtre. Le nôtre vit en paix avec son peuple. Si un dieu permet qu’on fasse autant de mal, quel genre de dieu est-ce? »

Eugene Harry, ministre squamish originaire de la réserve de Malahat | Paul T Tshilolo

Pour Eugene Harry, le pardon ne peut être qu’un début. Il appelle à des mesures réparatrices fortes. « Qu’on construise de grands centres pour restaurer notre culture. Qu’on les finance pendant 152 ans, comme les 152 ans de douleur que nous avons subis. »

Mémoire familiale et transmission intergénérationnelle

Sareena Desjarlais, de la Première Nation Kawacatoose, garde un souvenir nuancé du pape François. « J’ai apprécié ses excuses, mais elles ne suffisent pas. Les pensionnats ont causé un génocide culturel. »

Bâtiment du centre d’amitié autochtone de Vancouver | Paul T Tshilolo

Bien qu’elle ne les ait pas vécus personnellement, sa mère en a subi les conséquences. « Je vois l’impact sur elle. Beaucoup de décès, de dépendances et de traumatismes sont liés à ce passé. Le pays a encore un long chemin à faire. »

Elle souhaite  que le prochain pape soit plus proche des réalités autochtones. « J’espère qu’il comprendra mieux ce que les peuples autochtones ont vécu, et qu’il appuiera concrètement les démarches de guérison. »

Une mémoire collective encore en quête de justice

La disparition du pape François ne marque pas une page tournée. Elle ravive au contraire une mémoire collective complexe, entre respect pour un homme de foi et colère face à un système qui a longtemps nié la dignité des peuples autochtones.

En Colombie-Britannique, cette mort rappelle l’importance de continuer les efforts de réconciliation — pas seulement par des paroles, mais par des engagements tangibles, durables et respectueux des peuples qui ont été blessés, comme ils le souhaitent.