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le Lundi 9 juin 2025 20:35 | mis à jour le 10 juin 2025 1:42 Initiative de Journalisme Local

Le Cercle des Canadiens français de Prince George célèbre ses soixante-cinq ans

De gauche à droite, Ron Polillo, conseiller municipal, Simon Yu, maire de Prince George et Hayushta Rittoo, chargée de projets au Cercle des Canadiens français, lors du 65ᵉ anniversaire de l’association | Cercle des Canadiens français de Prince George
De gauche à droite, Ron Polillo, conseiller municipal, Simon Yu, maire de Prince George et Hayushta Rittoo, chargée de projets au Cercle des Canadiens français, lors du 65ᵉ anniversaire de l’association | Cercle des Canadiens français de Prince George
Le Cercle des Canadiens français de Prince George célèbre ses soixante-cinq ans
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Le Cercle des Canadiens français de Prince George a célébré le 10 mai dernier
soixante-cinq ans d’engagement au service d’une francophonie accueillante toujours plus diverse et plurielle.

Suzanne Leenhardt – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source 

Un gâteau d’anniversaire orné de plusieurs fleurs en pâte à sucre trône sur la toile cirée couleur lavande. L’heureux élu a 65 ans et il s’agit du Cercle des Canadiens français de Prince George (CCFPG). Mini pièce de théâtre, discours et assiettes partagées sont au programme de la célébration. Depuis 1960, le CCFPG se donne pour mission de promouvoir la langue et la culture francophone, de veiller à l’intégration des nouveaux venus et d’organiser des activités culturelles. 

La ville au nord de la province, où l’activité forestière est très importante, a été désignée en 2019 comme faisant partie des «communautés francophones accueillantes» du pays, dans le cadre du plan d’action pour les langues officielles du gouvernement fédéral. Ce contrat, renouvelé sous conditions tous les quatre ans, permet au CCFPG de financer une partie de son équipe et de ses projets. « Nous sommes la seule province du Canada à avoir deux villes désignées : Prince George et Nanaimo », souligne Martine Guichard, la directrice de l’organisme.

Entre membres fondateurs et nouveaux arrivants

En 2024, une dizaine de nouveaux arrivants ont franchi la porte du Cercle, signe d’une demande croissante. Mariam Sy est arrivée à Prince George en janvier dernier du Sénégal. À 25 ans, la jeune femme est venue rejoindre son mari, ingénieur chimique, installé dans la ville depuis quatre ans. 

Au début, il y a eu le « choc de la météo » puis la barrière de la langue anglaise, « compliquée » pour elle. C’est donc pour « améliorer son anglais, s’intégrer dans la société et se faire des amis » qu’elle a sollicité le CCFPG. 

Aujourd’hui, elle participe chaque mois au regroupement des femmes de l’association et y travaille même comme agente de projet. « Le Cercle m’a aidée à m’intégrer. Avant de partir, je ne pensais pas trouver des personnes qui parlent français. J’ai même rencontré une Sénégalaise! Parfois on parle le wolof, notre fierté », plaisante-t-elle. 

En participant au 65ᵉ anniversaire du CCFPG, elle a pu découvrir l’histoire de sa création grâce aux récits des anciens membres. Henri Lefebvre, 87 ans, en avait vingt-deux quand il a cofondé l’organisme. « À cette époque, il y avait des francophones qui travaillaient dans les moulins à scie, ils faisaient des veillées pour danser et se rencontrer. C’est un journaliste nommé André Piolat qui nous a aidés à nous organiser et à fonder l’association », raconte-t-il.

Henri Lefebvre et son épouse, Cécile Lefebvre, lors de la remise du Prix du fondateur du CCFPG | Cercle des Canadiens français de Prince George

Au bout du fil, Henri Lefebvre se remémore son enfance et son rapport avec la langue française, au gré des déménagements. Né au Québec dans la ville de Val-des-Sources, anciennement appelée Asbestos, il déménage enfant à Edmonton pour le travail de son père qui vend des planeurs. 

En juillet 1950, la famille part à Prince George. En grandissant dans une province anglophone, il perd son français. Ses parents décident alors de l’envoyer dans une école francophone en Alberta vers l’âge de 10 ans, pour qu’il le réapprenne. 

Il rejoint ensuite le mouvement de la Relève albertaine, un organisme provincial porté par les jeunes qui œuvrait au développement de la communauté francophone. 

« J’ai connu l’arrivée de la radio en français à Prince George, puis celle de la télévision en français », se souvient-il, rappelant que, dans les années 1960, il y avait même un prêtre qui se déplaçait de maison en maison pour dire la messe en français. 

« On a vu ce que les familles étaient prêtes à sacrifier pour conserver le français, comme se séparer de leurs enfants », commente Renée Trépanier, ancienne directrice générale et chargée de la comptabilité au CCFPG. « Henri, c’est la pierre sur laquelle on a bâti notre maison », souffle-t-elle. 

La francophonie aux différentes cultures

Pendant soixante ans d’existence, le défi de faire communauté en milieu minoritaire a évolué. « Depuis les années 80, on a voulu s’ouvrir davantage aux francophiles. On propose des activités bilingues et on a des contacts avec de petites villes comme Quesnel », explique Renée Trépanier. Pour elle, c’est cet engagement dans la vie citoyenne qui a permis au CCFPG d’être choisi comme communauté accueillante. Pour les Jeux d’hiver du Canada 2015, elle était coprésidente du Comité des langues officielles avec la présidente du CCFPG.

La couverture du livre retraçant l’histoire du Cercle des Canadiens français de Prince George | Renée Trépanier

S’intégrer, sans oublier d’où l’on vient, est un défi fréquent des parcours d’immigration. 

En accompagnant des personnes à leur cérémonie de citoyenneté, Renée Trépanier est frappée par l’absence de référence à leur culture d’origine. « On parle beaucoup de l’intégration au Canada, mais c’est tout aussi important de conserver sa culture et sa langue d’origine. Les Canadiens français ont revendiqué la leur pendant des centaines d’années. » 

Pour Martine Guichard, la mission du Cercle est de briser l’isolement que peuvent connaître les nouveaux expatriés. « Parfois, nous avons des réfugiés politiques qui ont un bagage forcément plus lourd que d’autres. Il faut savoir tenir compte de ces réalités-là », précise la directrice du CCFPG. 

En même temps, elle doit faire face aux défis de la vie associative, soit le recrutement d’employés francophones et bilingues et le financement. Autant d’enjeux qui nourriront les pages du futur livre historique du Cercle, dont la publication est prévue en fin d’année.