Pour la série des articles sur les emplois verts, nous avons écouté les mots de Colienne Regout, fondatrice de Look4Loops (www.look4loops.com)
Colienne est bien des choses ! Fondatrice, consultante, éducatrice en économie circulaire, podcasteuse et maman, la Belgo-Canadienne est une infatigable entrepreneure de la durabilité. « Je suis arrivée à Vancouver il y a maintenant neuf ans et je suis devenue canadienne un certain 22 avril. J’avoue que c’était un chouette clin d’œil que de devenir citoyenne le Jour de la Terre ».
En sa qualité de consultante en circularité, Colienne accompagne les acteurs économiques dans la transformation de leur modèle d’affaires. Je lui ai demandé de bien vouloir définir l’économie circulaire. En bonne pédagogue, elle m’a répondu avec ce rire dans la voix qui la caractérise si bien : « Ah ! Je ne donne jamais la définition toute prête… je préfère que ça vienne naturellement de la part de l’auditoire. Lorsqu’on a compris le problème systémique de l’économie linéaire, la circularité se dévoile comme une évidence ». Avec un peu d’insistance, elle explique « En somme, c’est l’opposé du modèle économique (linéaire) fondé sur le triptyque Extraire-Fabriquer-Jeter ». De la ressource naturelle jusqu’au déchet, ce modèle s’exécute dans une frénétique course aux volumes avec une perte de valeur à tous les niveaux. Le problème du modèle linéaire, c’est qu’il ignore dans les grandes largeurs les limites en ressources de la planète mais aussi les risques que génère leur surexploitation jusqu’à l’épuisement. « C’est un système qui à terme ne fonctionne pas ».
Colienne Regout | Photo gracieusement offerte par Look4Loops
Au contraire, l’économie circulaire est un modèle économique alternatif fondé sur une opportunité de richesse tirée de la qualité régénérative des écosystèmes et la préservation des ressources tout au long de la chaîne de valeur. En économie circulaire, on revient à cette idée selon laquelle un bon produit ou service conditionne une bonne consommation s’il implique des objets conçus pour durer, être réparés, réutilisés, et en toute fin de chaîne être recyclés ou compostés. En économie circulaire le but de l’opération, c’est que la ressource qui a servi à fabriquer le produit conserve sa valeur le plus longtemps possible.
Avant d’en arriver à l’économie circulaire, Colienne était chargée de communication au Parlement européen. Un jour, elle est tombée dans la marmite des coulisses politiques. « À la pause déjeuner, il m’arrivait d’assister aux plénières ouvertes au public. J’y voyais l’influence considérables des lobbys financiers. C’est là que j’ai commencé à mesurer l’ampleur du problème de l’économie linéaire telle qu’on la conçoit habituellement ». À son arrivée à Vancouver, Colienne avait déjà géré de nombreux projets durables en ayant fait notamment ses armes auprès d’une organisation belge pionnière en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprise (RSE). « J’ai remarqué qu’au Canada il n’y avait pas encore une perspective écosystémique forte et que l’essentiel de l’approche environnementale restait tourné vers le traitement des déchets. Or, il faut remonter à la source ! C’est pour ça que j’ai lancé Look4Loops ». Colienne et moi-même partageons le même constat. L’Amérique du Nord aborde bien souvent le réel sous le prisme d’une culture de l’illimitisme et du consumérisme. « La première fois que j’ai vu un parent se promener dans la rue avec un porte-gobelet fixé sur la poussette (pour y embarquer le plaisir caféiné dans un gobelet à usage unique), j’ai été frappée. D’où je viens, lorsqu’on prend un café, on s’assied, on prend le temps, on déguste ». Le plaisir et l’art de vivre ne se consomment pas, ils s’apprennent.
Sur son podcast Unboxing Your Packaging, Colienne met de l’avant les bénéfices de la circularité en entreprise. L’économie circulaire ne serait-elle pas plus chère ? « Tout dépend de l’approche plus ou moins court-termiste. En effet, ce n’est pas forcément cheap en amont. Mais en aval, on peut réduire les coûts et créer de la valeur. Par exemple, si un lit pour enfant est pensé en termes de réutilisation et de modularité dès sa conception, le prix qu’on aura mis au départ sera synonyme de grosses économies à l’âge adulte ».
Pour découvrir de nombreux exemples inspirants, il faut participer aux ateliers de Colienne, dont la Fresque de l’économie circulaire ou encore écouter son Podcast dans lequel elle fait participer des spécialistes du monde entier. À toutes celles et ceux qui veulent s’engager dans la durabilité, elle leur souhaite d’entretenir leur passion, de défendre leurs valeurs et de rester authentiques, « car c’est comme ça qu’on s’attire la confiance des personnes de bonne volonté ». La maturité et l’expérience de Colienne en matière d’économie circulaire l’ont amenée à avoir sa propre devise : « Traiter les problèmes à leur source est mon point de départ. Penser hors des sentiers battus en faveur du vivant est mon art. Activer des partenariats innovants est mon étendard. »
Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’EcoNova Education et Conseiller des Français de l’étranger.
