La discrimination raciale fait partie du quotidien des minorités visibles en Colombie-Britannique, même si les relations sociales arrivent parfois à atténuer les méfaits de ce profilage.
Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
La récente étude « Réduction du choc de la discrimination : le rôle des liens sociaux dans l’atténuation des préjudices associés au racisme et à la discrimination », menée par Maire Sinha, analyste principale à Statistique Canada, jette un coup de projecteur sur l’importance primordiale des liens sociaux.
Parmi les personnes racisées interrogées, 45 % ont rapporté avoir vécu des expériences discriminatoires, et 81 % d’entre elles indiquent avoir fait face à de tels incidents à plusieurs reprises.
Lauren Pineault, porte-parole francophone de l’étude, souligne que ces expériences affectent la santé mentale et réduisent leur bien-être. « Le taux de mauvaise santé mentale est plus faible si les victimes entretiennent de bonnes relations sociales avec leur famille et leurs amis, par exemple. »
Nouveaux arrivants
Raya Avazova, agente d’établissement à l’organisme sans but lucratif Relais francophone de la Colombie-Britannique (RFCB), accompagne les nouveaux arrivants dans leur intégration en C.-B.
Elle fait part des injustices quotidiennes auxquelles font face les personnes racisées. « Souvent, ça se passe dès l’arrivée. »

Raya Navazova, agente d’établissement au RFCB, dit être à la fois témoin et victime de discrimination | Relais francophone de la Colombie-Britannique
L’agente d’établissement évoque le cas récent d’un étudiant ivoirien, à qui l’on a refusé l’achat d’une carte SIM parce que son passeport était jugé « inacceptable », et pour lequel elle a porté plainte. « Il a été humilié devant tout le monde, c’est une injustice et une discrimination », déplore-t-elle.
« Pour les immigrants francophones, minoritaires et souvent moins à l’aise en anglais, ces situations peuvent provoquer un choc, voire mener à la dépression », indique-t-elle, en précisant que les injustices surviennent également dans les milieux de travail et éducatifs.
La maîtrise de l’anglais joue un rôle crucial dans la discrimination. « Beaucoup arrivent au pays en pensant que le Canada est bilingue. Mais à Vancouver, ils se rendent compte que ce n’est pas le cas », dit-elle, en prenant pour exemple les services publics gouvernementaux, où l’absence d’agents parlant français peut aggraver le sentiment d’exclusion.
Pour faire face à ces injustices, Raya Avazova insiste sur la nécessité de bien connaître ses droits et d’avoir recours à un soutien adapté. « Le Relais francophone propose un accompagnement complet aux nouveaux arrivants. De plus, il effectue le suivi des plaintes de racisme en collaboration avec les avocats et la police, un service offert tant aux immigrants qu’aux citoyens canadiens. »
Canadiens de souche
Originaire du Cameroun, Pulchérie MBoussi a vécu une vingtaine d’années à Québec avant de s’installer à Victoria en 2010 pour apprendre l’anglais et poursuivre sa carrière en tourisme.
Fondatrice du Centre Issamba de la C.-B. en 2012, elle a ouvert une antenne québécoise en 2022. Son objectif : créer un pont entre les cultures africaines et la société canadienne par le biais d’événements et de festivals.
« Au lieu d’attendre que les autres viennent à ma rencontre, j’ai créé un espace où ils peuvent en apprendre davantage sur moi », explique-t-elle. « Quand on découvre ensemble la cuisine camerounaise et son foufou, par exemple, tout le monde apprend et la discrimination diminue. »

Pulchérie Mboussi a fondé le Centre Issamba à Victoria en 2012, mandaté depuis 2020 par le gouvernement de la C.-B. pour combattre la haine et le racisme grâce au projet BC Resilience | Centre Issamba
Pulchérie MBoussi souligne que l’intégration des minorités visibles peut être complexe. « Quand on m’aborde, c’est parfois de façon maladroite. Demander sans cesse à quelqu’un d’où il vient, ce n’est pas anodin : pour la personne à qui la question est posée, cela signifie qu’elle n’est pas perçue comme membre à part entière de la société. »
Elle ajoute que les francophones d’ascendance africaine de la C.-B. restent souvent en marge, que ce soit de la société anglophone ou de la communauté francophone locale. « Il faut arrêter de supposer que tout individu à la peau noire n’est pas Canadien », affirme-t-elle, rappelant que certaines familles sont installées ici depuis plusieurs générations.
Elle donne en exemple les défis des jeunes Africains de deuxième, troisième ou quatrième génération, souvent confrontés à des préjugés. « Quand on les ramène constamment à leur afrodescendance, alors qu’ils n’ont aucun lien ancestral direct, cela peut être traumatisant. »
Pulchérie MBoussi a choisi de contrer la discrimination par l’action en créant un espace pour que sa « communauté arrive à se découvrir et à être découverte ».
Pour plus d’informations : www.lerelaisfrancophone.ca et www.issambacentre.ca