Dans le cadre de sa tournée autogérée, nous avons eu la chance de visionner le film « Le VIVANT qui se défend ». Cet inspirant récit du vidéaste Vincent Verzat (fondateur de la chaîne internet Partager c’est Sympa) pose un regard croisé qu’il tire de son expérience professionnelle entre l’engagement militant et la démarche de reconnexion au monde sauvage.
Dès les premières minutes du film Le VIVANT nous sommes plongés, tambour battant, dans les manifestations internationales pour le climat. Il y a dix ans, l’accord de Paris visant à limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C avait enthousiasmé toute une partie de la population mondiale. Aujourd’hui, la cible des « un cinq » est dépassée et lourd est le bilan : en Europe les canicules de l’été dernier ont causé la mort de seize mille âmes[1]. En Amérique du Nord les fumées canadiennes de 2023 ont coûté la vie à quarante-deux mille amis[2].

Dans Le VIVANT, il est question du lien vital entre l’animal et son habitat naturel. | Photo de « Partager c’est sympa »
Par l’entremise du personnage de Vincent, on touche du doigt le désarroi de la communauté climat. Ce n’est pas faute d’avoir tout tenté : riverains, travailleurs, experts et citoyens informés, engagés et inclinés – disons-le… à gauche – résistent depuis des années par les voies démocratiques, dans la rue, devant les tribunaux et désormais sur les sites des projets industriels, à la destruction irréversible de la nature. Sur les lieux d’exploitation forestière, des ouvrages routiers ou aéroportuaires, les militants s’adonnent au sabotage et à la désobéissance civile en mettant leur corps en opposition aux machines. Lamentablement, leur courage et leur sacrifice sont violemment réprimés par les bâtons, les grenades et les boucliers de la police.
Alors que l’urgence écologique ne fait aucun doute, les conservatismes empêchent tout progrès. Sur une banderole peinte en rouge on peut lire « ON VA DROIT DANS LE MUR ». Le cortex préfrontal des militants (la région responsable de la détection des erreurs) n’est pas un pare-chocs, c’est un système anti-collision. Pas étonnant dans ces conditions que des militants déçus et battus souffrent de la dissonance, d’anxiété, voire de dépression.
Pour se soigner, Le VIVANT propose d’embrasser une autre approche : le naturalisme. Vincent raconte comment, après avoir constaté son épuisement professionnel, il s’est promis de partir à la rencontre des animaux sauvages qui habitent les territoires. Oiseaux, blaireaux, renards… pour avoir une chance de les filmer dans leur milieu, il faut apprendre à se camoufler, à ne laisser aucune trace, à ne faire aucun bruit et ne trahir aucune odeur. Il réapprend à pister, en étudiant de près les moindres traces d’un passage, les signes d’un terrier. Il réapprend à se fondre dans la nature, en silence et avec une patience qui soit capable d’épuiser la chance. Dans sa démarche, l’apprenti naturaliste renoue avec son propre instinct animal. Il se rêve dans une conflictualité bien réelle avec la police, aussi digne, adapté et puissant que la charge du sanglier.
Dans Le VIVANT, c’est le lien vital entre l’animal et son habitat naturel qui est raconté. Le morcellement continuel des habitats par les infrastructures humaines terrestres et aériennes ne laisse plus le moindre espace vital aux espèces. Peu à peu, le spectateur comprend que l’expansion du bâti coupe aussi son propre lien avec la terre. Activisme et naturalisme apparaissent de manière complémentaire. Avec l’approche militante, on s’affaire avec la foule, dans le bruit et le combat. Avec l’approche naturaliste, la solitude, le silence et la contemplation sont de mise. Ces deux aspects de l’engagement écologique s’auto-alimentent en même temps qu’ils forment une pensée politique. Le philosophe Baptiste Morizot, dans une tirade que l’on devine dirigée contre les collaborants du capitalisme ravageur, nous défend ainsi : « On n’est pas naïfs. C’est nous qui sommes matures. On n’est pas des rêveurs. C’est nous qui sommes sérieux. On n’est pas des terroristes. C’est nous qui luttons pour conjurer la peur ».
Le VIVANT qui se défend est un récit en faveur de la restauration de la vie, un appel à l’intelligence et à la mobilisation. Le système économique est ainsi fait qu’il est difficile d’échapper au jeu des entreprises qui dégradent, qui polluent ou qui détruisent. Mais l’histoire personnelle de Vincent a le pouvoir d’insuffler au spectateur le courage de renouer avec le monde sauvage. Qui sait, peut-être même pourrait-il aiguiser la sensibilité de certains, inspirer des actions en défense, encourager des actions en attaque, et peut-être même des métiers. À voir !
Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’EcoNova Education et Conseiller des Français de l’étranger.
1 https://doi.org/10.1029/2025EO250348
2 https://www.nature.com/articles/s41586-025-09482-1