FRANCOPRESSE – Le Syndicat des enseignants et enseignantes du programme francophone de la Colombie-Britannique (SEPF) demande la démission de cinq des sept membres du conseil d’administration du Conseil scolaire francophone. La raison : des décisions financières qui porteraient atteinte à la qualité de l’enseignement.
La demande a été formulée dans une lettre que le SEPF a adressée au conseil d’administration du Conseil scolaire francophone (CSF) le 4 juillet.
Lors de la réunion du conseil d’administration, le 27 septembre, la présidente du CSF, Marie-Pierre Lavoie, a confirmé que la lettre avait été reçue et qu’une réponse officielle suivrait dans les prochaines semaines.
Dans sa lettre, le SEPF demande la démission de Marie-Pierre Lavoie, Gaëtan Desrochers, Armelle Moran, Jacques Dufresne et Marie-Christine Claveau. Le syndicat exclut Chantal Fadous et Sacha Médiné parce que ceux-ci ont « exprimé leur désaccord face aux orientations budgétaires actuelles ».

« Un de nos grands reproches, c’est que le conseil d’administration dit : “On fait ça pour le futur”, mais on néglige les personnes qui sont dans le réseau actuellement », dit Maria Stinchcombe du SEPF. Photo : Courtoisie
Si les membres visés ne démissionnent pas, le SEPF consultera ses membres pour décider de la prochaine étape. « Je peux vous dire qu’à la publication de cette lettre-là, sur notre site et un partage avec nos membres, nous avons eu plusieurs retours très satisfaits que le syndicat ait pris cette démarche-là », affirme la présidente, Maria Stinchcombe, en entrevue avec Francopresse.
Un fardeau financier
La principale préoccupation du SEPF concerne l’impact financier de la bataille juridique du CSF contre le gouvernement de la Colombie-Britannique et la Commission scolaire de Vancouver.
Malgré une victoire partielle en Cour suprême, le CSF s’est dit déçu de certains aspects du jugement. Le Conseil a donc décidé de faire appel.
Rappel : Le retour devant les tribunaux du CSF
Malgré l’arrêt de la Cour suprême du Canada de juin 2020 – qui ordonnait à la Colombie-Britannique de financer au moins une dizaine d’écoles entièrement francophones dans un « délai utile » –, le Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique (CSF) n’a pas pu acquérir de terrains permanents pour les construire.
En aout 2024, le CSF a demandé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique d’ordonner la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour suprême du Canada et le respect de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et des libertés.
Cet article garantit notamment le droit des parents francophones en milieu minoritaire à une éducation dans leur langue pour leurs enfants, partout où un nombre suffisant d’élèves le justifie.
Dans son jugement, rendu en mai 2025, le juge ordonne à la province de donner des pouvoirs d’expropriation au CSF. Il ne garantissait cependant pas la propriété des terrains et des édifices et laisse entendre que le Conseil n’a pas bien géré le dossier.
Le syndicat s’inquiète de l’effet du fardeau financier de la cause sur l’éducation des jeunes francophones de la province. « Il y a une baisse constante de ressources et une augmentation des besoins. Il y a un épuisement qui se sent et on demande d’année en année d’en faire plus avec moins », explique Maria Stinchcombe.
La présidente du SEPF indique que même si aucune mise à pied n’a eu lieu, des départs à la retraite n’ont pas été remplacés. De plus, des budgets réduits il y a quelques années pour financer la poursuite n’auraient pas été réinstaurés, précise-t-elle en entrevue avec Francopresse.

« Je sais que pendant une des rencontres qu’on avait eues, on nous avait dit qu’il fallait donner un exemple au reste du Canada. En fait, je me demande, est-ce que c’est le devoir [d’un petit conseil comme le] CSF de représenter à l’échelle nationale ce que l’on peut faire? », s’interroge Véronique Fleury du SCFP. Photo : Courtoisie
La présidente du Syndicat des employés et employées de soutien du CSF (SCFP), Véronique Fleury, fait le même constat : « Avec les dépenses budgétaires pour la poursuite juridique, [les services aux élèves ont] été réduits au strict minimum. » Sans demander lui-même la démission de membres du conseil, le SCFP est en accord avec la lettre du SEFP.
Demandes pour plus de transparence
Si les deux présidentes syndicales disent ne pas être contre la revendication des droits des francophones, elles déplorent avant tout le manque de transparence du CSF.
Elles racontent la même histoire : le conseil scolaire n’a consulté aucun partenaire avant de poursuivre le gouvernement et le conseil scolaire anglophone. Pendant que le CSF réfléchissait à la possibilité de porter en appel le jugement rendu en mai 2025, ils ont finalement obtenu une rencontre de consultation.
« Lorsqu’on nous a consultés à la fin de l’année scolaire, cinq des six partenaires avaient dit non », relate Véronique Fleury. À la fin juin, le CSF confirmait qu’il faisait appel.
Selon Maria Stinchcombe, les organisations qui ont participé à la discussion sont les deux syndicats, le Regroupement des directions d’écoles francophone, la Fédération des parents francophones (FPFCB) de la Colombie-Britannique, le Conseil jeunesse de la Colombie-Britannique et la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB).
Dans un article de Radio-Canada publié en juin, les porte-paroles de la FPFCB et de la FFCB affirmaient que le CSF n’avait pas d’autres choix que de faire appel. Les deux organismes ont refusé les demandes d’entrevues de Francopresse.
Le coût inconnu de la justice
Le SCFP aimerait également voir le contrat avec la firme d’avocats qui a défendu la position du conseil ou au moins savoir combien la poursuite a couté jusqu’à présent. Malgré des demandes d’accès à l’information et des conversations avec le CSF, Véronique Fleury dit attendre encore la réponse.
Lors de la réunion du conseil d’administration du 27 septembre, le secrétaire-trésorier par intérim, Bertrand Dupain, a annoncé que les états financiers 2024-2025 «font état d’un déficit [final] de 3,4 millions», plus bas que les 4,7 millions de dollars de déficit initialement envisagés. Il n’a pas précisé la source du déficit.
Il a ajouté que des discussions sont en cours avec la province pour rembourser 1,4 million par année pendant trois ans.
Francopresse n’a pas reçu de réponse du CSF pour une demande d’entrevue sur le sujet.
À lire aussi : Difficile pour les conseils scolaires francophones d’exercer leurs pleins pouvoirs