le Samedi 1 novembre 2025
le Vendredi 31 octobre 2025 19:35 Initiative de Journalisme Local

Réhabiliter la nature avec Nuqpu : une expertise autochtone remise au goût du jour

Nupqu est une entreprise qui redéfinit la restauration écologique grâce aux plantes indigènes | Nupqu
Nupqu est une entreprise qui redéfinit la restauration écologique grâce aux plantes indigènes | Nupqu
Réhabiliter la nature avec Nuqpu : une expertise autochtone remise au goût du jour
00:00 00:00

Dans un domaine où la recherche est encore balbutiante, l’entreprise autochtone Nupqu, établie dans la région des Kootenays en Colombie-Britannique (C.-B.), redéfinit la restauration écologique en cultivant des plantes indigènes.

Marie-Paule Berthiaume – Initiative de journalisme local – Journal La Source

Nupqu, qui signifie « ours noir » dans la langue de la Première Nation Ktunaxa, est une entreprise autochtone spécialisée dans la gestion des terres et des ressources naturelles. Elle vient tout juste d’inaugurer de nouveaux locaux et un laboratoire de semences à Cranbrook. 

Nathalie Redman est la responsable de la pépinière chez Nupqu. « La protection et la réintroduction des espèces locales sont au cœur de notre mission. L’une de nos divisions consiste en une pépinière de plantes indigènes. Nous gérons l’ensemble du processus : de la collecte des graines au nettoyage, aux tests et au stockage, jusqu’à la culture des plantes. »

Elle souligne que la région des Kootenays, tout comme d’autres régions, a subi une exploitation intensive des ressources forestières et minières, laissant derrière elle d’énormes étendues de terres dénudées. « Les entreprises sont maintenant tenues de respecter des règlements de réhabilitation des terres et plusieurs d’entre elles cherchent à dépasser les normes minimales. »

Un secteur en développement

Nathalie Redman est responsable de la pépinière de Nupqu et spécialiste en semences indigènes | Nupqu

Selon Nathalie Redman, le secteur des semences d’arbres indigènes, en particulier celles des grands conifères destinés à la reforestation, est bien établi. En revanche, le secteur des semences destinées à la strate inférieure de la forêt, comprenant plantes et arbustes indigènes, reste largement inexploité.

« Cette disparité s’explique par le défi lié à la grande variété des espèces composant le sous-bois, chaque espèce ayant des besoins uniques », ajoute l’experte en semences.

Bien que Nupqu s’engage dans la recherche pour inclure des espèces indigènes dans les bases de données scientifiques, l’entreprise admet que la restauration écologique s’appuie sur la sagesse écologique autochtone : « Ces plantes ont persisté dans notre environnement pendant des milliers d’années. Notre rôle est de préserver leur génétique locale et de les réintroduire dans les écosystèmes. »

Avec un inventaire de plus de 600 variétés de graines et une production annuelle pouvant atteindre 100 espèces, Nathalie Redman positionne Nuqpu comme un acteur majeur de la restauration des écosystèmes, tant au niveau local qu’au niveau provincial et national.

Nuqpu se distingue également par sa capacité à offrir des semences en quantité industrielle. « Nous ne cultivons pas 50 plants, mais 50 000, 100 000, voire plusieurs centaines de milliers », précise l’experte en semences. « Chaque année, Nuqpu et ses partenaires produisent en moyenne 2,5 millions de plants indigènes destinés à la réhabilitation écologique. »

Des projets de restauration

Le ministère des Transports et des Infrastructures de la province. s’efforce de réduire l’impact écologique de ses projets. Ainsi, dans le cadre du projet Kicking Horse Canyon – phase 4 près de Golden, l’entrepreneur principal a collaboré avec Nupqu pour faire pousser et planter des semis indigènes.

Le canyon Kicking Horse, situé à l’est de Golden, est l’une des sections les plus pittoresques et escarpées de la route Transcanadienne | flickr, B.C. Ministry of Transportation and Transit

« Ces plantations contribuent  au contrôle de l’érosion, à la réduction des espèces invasives, à la restauration des habitats fauniques et à la renaturalisation progressive des zones perturbées », indique le ministère. « Nupqu a également été mandatée pour le déboisement à l’étape initiale du chantier, et sa connaissance du territoire s’est avérée essentielle pour la revégétalisation. »

L’entreprise Elk Valley Resources (EVR), spécialisée dans l’extraction de charbon métallurgique, s’engage également dans des partenariats avec des entreprises locales telles que la pépinière autochtone Nupqu. « En 2024, grâce à l’aide de Nupqu, EVR a planté 2,5 millions de semis indigènes dans la vallée de l’Elk. Elle envisage d’élargir cette collaboration en intégrant les connaissances autochtones et en favorisant le partage des avantages économiques créés par sa démarche de restauration des écosystèmes. »

Elk Valley Resources est une entreprise engagée dans l’extraction du charbon métallurgique | Glencore Canada

Vers plus de transparence et de collaboration

« Il est crucial de consulter systématiquement les groupes autochtones avant de décider de rendre au sol ce qu’on a enlevé. Notre objectif est de favoriser une industrie dirigée par les Premières Nations », soutient Nathalie Redman.

Nuqpu offre donc des formations pour aider d’autres communautés autochtones à lancer des projets semblables. « L’accès au financement et aux infrastructures demeure un défi, mais nous partageons nos expériences, nos erreurs comme nos succès, afin de les appuyer dans leurs initiatives durables », explique la responsable de la pépinière.

L’entreprise collabore également avec l’Université de la Colombie-Britannique et la Doug Fir Society pour mettre en place une banque provinciale des semences rares de la C.-B., dans le but de préserver la biodiversité.

Alors que l’industrie des pépinières est généralement caractérisée par la concurrence et le secret de ses procédés, Nuqpu adopte une approche radicalement différente en prônant la transparence et le partage. « Nous souhaitons divulguer nos savoirs, car ces plantes sont essentielles pour assurer la pérennité de milieux naturels sains pendant des générations », indique Nathalie Redman.