
L’entrée du centre culturel francophone de Vancouver | Crédit : Suzanne Leenhardt
Si la pandémie de la COVID-19 paraît lointaine, ses répercussions sur les organismes francophones de la Colombie-Britannique se font encore sentir. Malgré la relance des projets, ils subissent l’inflation comme le reste de la société, sans mentionner la hausse de l’immobilier. Annulation et report parfois d’activités culturelles, incertitude des financements… les inquiétudes quant à leur survie persistent encore.
Suzanne Leenhardt –IJL- Réseau.Presse – Journal La Source
Un tout nouveau centre de santé communautaire francophone ouvrira en octobre 2024 à Vancouver. L’annonce faite par l’organisme RésoSanté avec le ministère provincial de la Santé le 15 juin dernier, était attendue depuis longtemps. Dans les tuyaux depuis plusieurs années, ce projet a été retardé de deux ans en raison de la pandémie.
Comme RésoSanté, les activités et les projets des organismes francophones de la province ont repris après la pandémie mais malgré la remise à flot, certains ont encore du mal à faire perdurer leur dynamique.
« On travaille dans le communautaire, on a besoin de lien social »
Dans le monde du travail, le premier changement qui vient à l’esprit quand on pense à l’après-pandémie, c’est bien sûr la persistance des réunions en visioconférence et du télétravail. Aux quatre coins du globe, les entreprises ont dû se former aux outils numériques, et bien souvent ils ont pérennisé leur utilisation. C’est le cas de la Fédération francophone de la Colombie-Britannique qui a renouvelé son stock d’ordinateurs portables, mis en place l’accès à un serveur à distance et autorisé trois jours de télétravail par semaine. “Certains étaient ravis de retourner au bureau, d’autres ont préféré le télétravail pour concilier vie personnelle et vie professionnelle”, témoigne Emmanuelle Corne Bertrand, la directrice de la FFCB. Elle voit aussi des aspects positifs aux réunions à distance, notamment avec les fonctionnaires d’Ottawa, qui permettent de ne plus prendre l’avion et ainsi réduire l’empreinte carbone.
Porte-parole des organismes francophones de la province, la directrice connaît bien la situation des membres partenaires de la fédération et les difficultés auxquelles ils font face. « On travaille dans le communautaire, pas dans la tech », on a besoin du lien humain”, reconnaît-elle. Les modifications d’organisations internes n’ont pas eu les mêmes impacts en fonction du secteur professionnel.
La culture en souffrance
À l’échelle mondiale, le constat est unanime : le secteur de la culture a pris un coup après la pandémie de la COVID-19. « Anglophones et francophones confondus », précise Jean-François Packwood, directeur général du Conseil culturel et artistique francophone de la Colombie-Britannique (CCAFCB). D’une part, les confinements ont provoqué une pénurie de main-d’œuvre des métiers techniques comme les ingénieurs de son et lumière dont la majorité se sont reconvertis. De l’autre, les habitudes de consommation ont changé : « Nos partenaires nous disent que l’envie de se rassembler en présentiel est revenue mais que le public s’inscrit à la dernière minute aux évènements, ce qui génère un certain stress pour un organisateur » , pointe le directeur de l’organisme d’appui et de soutien du milieu culturel.
L’augmentation des prix, même si elle n’est pas liée directement avec la pandémie, a aussi des répercussions directes sur l’organisation d’évènements culturels. Le CCAFCB a vu ses budgets “transport” et “hébergement” pour les artistes doubler et doit alors s’adapter. « On regarde si on peut donner la formation en ligne, moins cher, on réduit le nombre de jours, on cherche d’autres solutions », précise le directeur général du CCAFCB.
À titre d’exemple, la 35e édition du festival d’été du Centre culturel francophone de Vancouver, qui d’habitude se déroule en extérieur sur la 7e avenue, s’est tenue dans des salles de spectacles. En cause : la hausse exponentielle du prix du matériel tel que les chaises, les tentes ou encore les clôtures. Pour une journée de location, le centre culturel aurait dû débourser 80 000$ . « C’est 10% du budget d’opération pour l’année», souligne le directeur général et artistique Pierre Rivard, qui regrette la “convivialité” qu’apportait l’évènement extérieur.
Face à cette situation, la directrice de la FFCB se dit « inquiète pour la santé mentale des directions d’organisme. Elles se sont épuisées pour tenir leur organisme à flot, n’ont pas pris de vacances pendant la pandémie, et les financements n’ont pas augmenté proportionnellement à la hausse des coûts » , alerte-t-elle. En octobre 2022 déjà, un rapport intitulé « Éviter le point de rupture», produit par la Fédération des communautés francophones et acadienne, alertait sur la situation.