Recollection de mémoires interdites : La place du Moyen-Orient dans l’art contemporain

Dans les communautés fermées du géant pétrolier Aramco, ou simplement dans son pays hôte l’Arabie Saoudite, la photographie et la vidéo sont sévèrement règlementées. Dans un univers où la documentation est souvent considérée comme de l’espionnage, les images conservées de cette région du Golfe restent vagues et insuffisantes. Minutes from a Second Story est la toute nouvelle exposition qui sera présentée au Centre A dès le 13 septembre par l’artiste Hajra Waheed.

Posant un regard sur la place de l’art moderne au Moyen-Orient, cette exposition fera aussi partie d’une conférence présentée par l’invité Hammad Nasar, curateur et écrivain à la tête du Asia Art Research à Hong Kong, le 19 septembre prochain au Djavad Mowafaghian World Art Centre.

L’Asie de l’Ouest

Dans les dernières années, l’Asie a pris une part croissante sur la scène de l’art contemporain. Jouissant d’une plus grande visibilité, des artistes venus des quatre coins de l’Orient sont présentés dans les galeries locales et occidentales. C’est d’ailleurs le mandat du Centre A, situé dans le Chinatown : promouvoir des artistes asiatiques venus d’ici et d’ailleurs.

Comme l’expose Haema Sivanesan, conservatrice de l’exposition, « lorsque l’on pense à l’Asie, on imagine le Japon, la Chine ou encore la Corée, mais rarement les pays du Moyen-Orient ».

« Cette réalité est encore plus vraie à Vancouver », rajoute-elle, « connue pour son importante communauté de l’Asie de l’Est ».

Pourtant, d’un point de vue géographique, le Moyen-Orient fait bel et bien partie du continent asiatique, ou encore, de l’Asie de l’Ouest. « Le discours autour de l’art contemporain en Asie est très récent, » explique Haema, « et la venue de Hammad Nassar est l’opportunité parfaite pour ouvrir la conversation sur le sujet ».

Depuis des années, ce dernier se préoccupe du rôle que joue le Moyen-Orient au sein de la scène artistique asiatique. Il dirige l’important centre d’archives contemporain Asia Art Archive dont l’une des tâches principales consiste à engager les communautés à repenser l’art dans la région. Maintenant basé à Hong Kong, Nassar observe d’un regard critique les transformations culturelles à l’intérieur du croissant fertile.

Selon Alize Zorlutuna, qui vient tout juste de terminer une maîtrise en Beaux-Arts à l’Université Simon Fraser, « il s’agit d’un sujet controversé. » « En tant que femme turque qui travaille avec les théories Queer et l’esthétique islamique en Turquie, je me pose souvent la question : mais qu’est-ce que le Moyen-Orient ? », confie-t-elle.

Car s’il existe des différences culturelles importantes entre le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient, c’est tout aussi vrai entre la Perse et le monde arabe. « Toutefois, je suis ouverte à collaborer avec des centres et galeries étiquetés comme « asiatiques » car dans un sens ils contribuent à la promotion du multiculturalisme en Occident » rajoute-t-elle.

Recoller les mémoires avec Hajra Waheed

Tandis que Nassar se questionne sur la globalisation de l’art au Moyen-Orient, l’artiste Hajra Waheed documente la vie mondaine et antagoniste des milieux expatriés dans les pays pétroliers du Golfe. Waheed, qui a passé des années importantes de sa jeunesse dans une communauté fermée de l’Arabie Saoudite, raconte au travers de vidéos, collages et autres médiums l’univers cloîtré et censuré dans lequel elle a grandi, en établissant des parallèles avec la réalité actuelle de cette région.

Waheed présente une série de collages nommés The Scrapbook Project sur lesquels on peut observer des scènes domestiques aux allures américaines qui contrastent avec des paysages désertiques et islamiques.

Pour Haema, « l’usage du collage comme médium reflète l’absence de souvenirs tactiles. À l’aide d’images trouvées, l’artiste reconstruit les souvenirs qu’elle garde de cette période. […] D’un autre côté, des symboles comme les grues de construction qui apparaissent à plusieurs endroits nous rappellent la course vers la modernité qui existe dans les pays du Golfe », ce qui fait le lien avec la conversation qu’entretiendra Hammad Nassar.

« Vancouver est reconnue mondialement pour la qualité de son discours artistique » commente Am Johal, Directeur de l’engagement communautaire à SFU Vancity Office et collaborateur de la conférence du 19 septembre. Pour Johal : « Il est primordial de pouvoir collaborer avec de petites organisations telles que le Centre A et leur fournir ainsi un espace dans le centre de la ville qui encourage les discours progressifs, culturels ou encore…controversés », conclut-il.

Minutes from a second story
Du 13 septembre au 2 novembre
Centre A
2 West Hastings St., Vancouver
http://www.centrea.org

Conférence d’Hammad Nasar sur les questions portant sur la géographie, les nations et les grands ensembles
Jeudi 19 septembre à 19h
Djavad Mowafaghian World Art Centre, salle 2555
Goldcorp Centre for the Arts
Simon Fraser University