Entre passé sombre et avenir prospère, l’héritage asiatique est à l’honneur

A la suite du travail mené par le Vancouver Asian Heritage Month Society (VAHMS) dès 1996 en Colombie-Britannique, le mois de mai est depuis 2001 officiellement reconnu comme le mois de l’héritage asiatique dans tout le Canada. Le festival ExporAsian, qui regroupe plus d’une trentaine d’événements dans la ville de Vancouver, est l’occasion par excellence de rendre hommage aux legs culturels asiatiques. Un siècle après l’épisode douloureux du Komagata Maru, ces festivités permettent de porter un autre regard sur l’histoire de ces immigrants.

Avec ses 33,5 millions d’habitants (statcan.gc.ca), le Canada est le moins peuplé des pays du G8, et à elle seule l’agglomération de Tokyo compte plus d’habitants (35 millions). Cela ne l’empêche pas de compter la plus forte croissance démographique de ce cercle très fermé, avec 5,9 % de hausse entre 2006 et 2011, preuve de sa bonne santé économique. Le 2e plus grand pays au monde est devenu un modèle d’intégration réussie où l’accroissement migratoire joue un rôle prépondérant. Teresa Wat, ministre du commerce extérieur et du multiculturalisme en Colombie-Britannique depuis juin 2013, abonde en ce sens : « Le Canada est un pays construit par des immigrants donc nous sommes tous, excepté les Premières Nations, des immigrants. La plupart sont venus d’Europe. Les Asiatiques ont, eux, été attirés en Californie par la ruée vers l’or, puis ont eu écho de la construction du chemin de fer ici à Vancouver. »

A la fin du XIXe siècle, la voie ferrée est une priorité pour l’unification de la nation canadienne. L’entrée de la Colombie-Britanique au sein de la Confédération en 1871 est d’ailleurs liée à la promesse d’un chemin de fer transcontinental dans les dix années à venir. Le manque de travailleurs qualifiés retarde les travaux, d’où le recours controversé à des milliers d’ouvriers chinois. « Les Canadiens ont conscience que sans l’apport de l’immigration, le pays n’aurait pas pu continuer son développement. Mais cela n’a pas toujours été le cas », conclut-elle.

Retenir les leçons du passé

Depuis le début du XXe siècle, le Canada n’a cessé de profiter de son ouverture sur le Pacifique pour développer ses liens avec l’Asie. De nouveaux migrants, pas mieux lotis, sont donc arrivés. Le choc des cultures déboucha sur l’adoption de mesures discriminatoires et racistes comme le stipule Vivienne Poy, présidente d’honneur du VAHMS en tant que sénatrice – de Toronto en Ontario entre 1998 et 2012 – qui a porté le projet au Sénat. Elle évoque ces oubliés de l’histoire : « Les Chinois sont ceux qui ont le plus souffert de discrimination avec la head tax de 1885 » qui instaurait un paiement de 50 dollars par tête (puis 500 dollars en 1903), ce qui limita, par la force des choses, leur arrivée sur le territoire. Le cas des Indiens n’est pas plus enviable si l’on se réfère au fameux cas du Komagata Maru. Ce cargo transportant 376 passagers s’est vu refuser l’accès au Canada en 1914.

Teresa Wat, ministre du commerce extérieur et du multiculturalisme de Colombie-Britannique⎜Photo par James Wheeler

Teresa Wat, ministre du commerce extérieur et du multiculturalisme
de Colombie-Britannique⎜Photo par James Wheeler

« Ne pouvant arrêter l’immigration venue d’un pays faisant partie de l’Empire Britannique (les Indiens sont au début du siècle plus de 5 000 à travailler au Canada, surtout dans l’exploitation forestière ou l’agriculture), le gouvernement adopte en 1908 un règlement qui stipule que l’immigration doit se faire sans escale à partir du pays d’origine » ce qui n’est pas le cas pour ce trajet. Après deux mois d’attente dans le port, le cargo dut faire demi-tour.

Les Japonais ont également subi les discriminations du Canada lors de la Seconde Guerre mondiale. Après les attaques du Japon à Pearl Harbor, le gouvernement utilise la Loi sur les mesures de guerre pour envoyer plus de 200 000 personnes, dont beaucoup sont citoyens canadiens, dans des camps de détention ou de prisonniers de hgg.

La prospérité économique passera par l’Asie

Ce passé sombre ne doit pas masquer le présent : les nouveaux migrants se font plus nombreux ces dix ou vingt dernières années, en particulier pace que les mentalités ont changé des deux côtés.

C’est dans l’intérêt du Canada, pour sa prospérité future, d’assimiler au mieux les futurs acteurs du commerce mondial. Teresa Wat s’explique : « L’économie mondiale s’est déplacée vers l’Asie et nous avons de la chance d’être sur la Côte Ouest. Ces économies émergentes sont à la recherche de ressources naturelles, chose que nous possédons avec nos 150 ans de réserves mondiales de gaz. La population asiatique est donc notre principal atout pour le futur. Ces personnes qui comprennent les cultures, parlent différentes langues, agissent comme un pont entre le Canada et l’Asie, et peuvent nous aider à attirer de nouveaux investissements. »

C’est à Beverly Nann, vice présidente du VAHMS, que revient le mot de la fin, qui résume le sentiment général : « L’enjeu est l’accueil des nouveaux arrivants. Il ne faut pas lésiner sur les moyens. La manière dont nous réussissons à vivre ensemble est notre plus grande contribution au monde : oui on peut être un pays cosmopolite et prospère. »

Pour en savoir plus sur les événements proposés tout au long de ce mois de mai à Vancouver, accédez à la programmation directement sur www.explorasian.org/2013-festival-calendar-2