Quand il faut tourner la page !

Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.*

Ah les parfums de la rentrée. L’odeur de cuir du nouveau sac d’école, rempli de blocs-notes et de livres neufs…Oh ! Il doit y avoir une erreur chronologique. Qui aujourd’hui achète un sac d’école en cuir à ses enfants? Il s’agirait plutôt de sac à dos en matière synthétique, rempli de blocs-notes, va toujours, mais de livres neufs ? Encore faudrait-il savoir où les trouver, parce que la dure réalité est qu’à Vancouver il n’est plus possible de se procurer des livres en français. Que ce soit des livres scolaires ou tout simplement les derniers titres de la littérature française ou québécoise.

La réalité...c’est qu’il est maintenant difficile de se procurer des livres en français. | Photo par Let Ideas Compete

La réalité…c’est qu’il est maintenant difficile de se procurer des livres en français. | Photo par Let Ideas Compete

Mais ça n’a pas toujours été comme çà. Dans les années 70, le Bouquineur, rue Robson, tenu par Linda Ismert était un des lieux de rencontre incontournables de la francophonie et des francophiles. On y trouvait toutes les dernières parutions de l’édition française et québécoise. J’ai encore un ou deux Astérix, que j’y ai achetés en 1976 et 1977. Puis, à la fin des années 80, c’est Manhattan’s qui prend la relève sous la direction éclairée de Marc Fournier, aujourd’hui populaire DJ et homme de radio. Duthie’s, qui est en fait le propriétaire de Manhattan’s, le déplace avec ses livres en français au coin de Georgia et Granville quand le nouveau Bullum’s abandonne le local après y avoir fait des efforts pendant un an à peine. On sentait déjà que Chapters ferait des victimes.

Mais le sort de Duthie’s est malheureusement le même que celui de son prédécesseur. Ils abandonnent à leur tour cet espace immense qui est aujourd’hui un London Drugs. Cet immeuble était à l’origine un magasin de la célèbre bijouterie Birks. On passe donc des bijoux à la littérature aux friandises aux médicaments aux papiers mouchoirs ! Triste dégringolade pour ce bel immeuble, et triste sort pour cette courageuse tentative.

Cette fois, Marc Fournier s’associe à son beau-père qui se prépare à laisser sa librairie multilingue Sophia Books, de la rue Hastings, à deux portes du Vancouver Pen Shop et du disquaire Sikora’s, pour y donner un souffle littéraire francophone. Voilà qui est un bon voisinage. Les écoles d’anglais langue seconde qui sont dans le quartier et le campus centre-ville de SFU lui assurent une certaine clientèle de gens qui cherchent des titres dans leur langue maternelle, surtout le japonais ou le coréen, alors que les francophones et francophiles prennent l’habitude de lui rendre fidèlement visite.

Mais les Jeux olympiques d’hiver de 2010 scellent le destin de la librairie Sophia. La rue Hastings est désignée voie exclusive pour les véhicules d’urgence, au cas où. Donc pas de circulation non autorisée, plus de clients. Son chiffre d’affaires en février 2010 est de 12% de celui de 2009 et, en plus, il sait que le loyer passera de 4 200$ à 6 000$ par mois. C’est fini !

Il est très ironique que Chapters ait récemment été obligée de faire face, à son tour, à une compétition féroce et brutale : celle de Amazon! C’est ce qui l’a forcée de fermer les portes de sa librairie au coin des rues Robson et Howe, celle-là même qui avait fait tant de mal aux petits indépendants du centre-ville tels que Manhattan’s et Duthie’s.

Alors, que peuvent faire ceux qui comme vous et moi veulent toujours bouquiner en français ?
Ceux qui désirent feuilleter quelques titres peuvent se rendre au UBC Bookstore de l’université du même nom. Il y a un choix assez vaste, de titres classiques et de nouveautés en plus des titres requis pour les professeurs pour leurs cours de la session d’automne. Il y a aussi quelques titres chez 32 Books sur Edgemont Boulevard à North Vancouver. Mais la destination de choix est Munro’s Books, à Victoria. Fondée en 1963 par Jim Munro, alors l’époux de la célèbre écrivaine Alice Munro, la librairie est aujourd’hui installée dans une ancienne succursale de la Banque Royale, datant de 1903, située rue Government street à quelques coins de rue de l’Assemblée législative où Munro’s Books a emménagé en 1984. C’est sans contredit la plus belle librairie de la Colombie-Britannique, qui fait l’effort d’offrir quelques centaines de titres contemporains et classiques en français. Juste pour çà, ça vaut le déplacement. Sinon, vous pouvez passer vos commandes en ligne. service@munrobooks.com. Tout comme le UBC Bookstore, ils les rempliront avec plaisir et vous aurez la satisfaction d’encourager une entreprise britanno-colombienne. Faute de quoi Renaud-Bray vous expédiera aussi votre commande spéciale.

Pour les revues et journaux, il faudra vous contenter des quelques titres que Chapters sur Granville tient toujours, ou l’ancien Mayfair, juste à côté sur Broadway, qui offre encore quelques magazines en français.

Sinon, il faudra vous mettre au numérique et les lire sur Internet.

Le seul avantage, c’est que cela ne salit pas les doigts quand il faut tourner la page !

* La Bohème, Charles Aznavour
P
S : remerciements à Louis Anctil

www.munrobooks.com
www.bookstore.ubc.ca