L’avenir des grands immeubles est en bois !

En 1885 les piétons de Chicago s’inquiétaient des risques qu’ils couraient lorsqu’ils passaient devant le Home Insurance Building, le premier immeuble qui a donné naissance à l’expression gratte-ciel qui venait d’être construit. La crainte était qu’il s’effondre puisque jamais encore on n’avait construit un édifice de cette hauteur. Imaginez, il ne faisait que 42 mètres et ne comptait que 10 étages mais la question était de tenter de comprendre comment ses constructeurs avaient fait pour qu’il puisse tenir debout et que l’on s’y sente en sécurité en dedans comme devant. Voilà quelques unes des questions que l’on aurait pu entendre à l’annonce de la construction sur le campus de UBC du Brock Commons, une tour de logements de 18 étages, haute de 53 mètres et entièrement construite en bois en faisant ainsi le plus haut immeuble entièrement en bois au monde ! On peut voir l’immeuble qui est déjà érigé sur le campus et qui sera prêt à être occupé par 400 étudiants pour la rentrée de 2017. Mais comme on s’inquiétait de la solidité d’un immeuble de dix étages en pierre en 1885, aujourd’hui on se questionne plus sur la solidité des immeubles de plus de 10 étages en bois et de leur performance en cas de tremblement de terre ou d’incendie.

Brock Commons est une nouvelle residence universitaire à UBC qui sera l’un des immeubles en bois les plus hauts au monde une fois achevé. | Photo d’UBC

Brock Commons est une nouvelle residence universitaire à UBC qui sera l’un des immeubles en bois les plus hauts au monde une fois achevé. | Photo d’UBC

Comme à la fin du 19e siècle, ce sont les avancées technologiques qui permettent maintenant d’atteindre de nouvelles hauteurs que l’on croyait impossibles jusqu’à aujourd’hui. Il est maintenant possible de fabriquer en usine, dans un environnement sec et à l’abri des intempéries, des panneaux de bois laminés croisés pour en faire des murs et des planchers ou des blocs lamellés et collés pour en faire des poutres. Les panneaux peuvent atteindre jusqu’à 300 mm d’épaisseur, varier de 3 mètres de largeur par 15 mètres de longueur. Quant aux poutres, elles peuvent atteindre jusqu’à 175 mm de largeur ou plus si elles sont doublées selon l’utilisation prévue. Pour vous aider à comprendre la rigidité et la solidité de ces panneaux qui deviendront murs, planchers, poutres et colonnes, imaginez le principe des pans en briques Lego que vous doublez en épaisseur pour ériger de grandes structures, avec par exemple des briques perpendiculaires aux autres à intervalles réguliers.

C’est ce type d’avancée qui permet aux architectes et aux ingénieurs spécialisés dans les grands ouvrages en bois de concevoir et de réaliser des immeubles dont la taille rivalise avec les structures de béton et d’acier. D’ailleurs il existe à Vancouver deux entreprises qui se spécialisent dans la construction de grands immeubles en bois, soit la firme d’ingénierie Equilibrium sous la direction des ingénieurs J. Eric Karsh et Robert Malczyk et la firme d’architectes MGA sous la direction de Michael Green. Les deux font figure de chef de file au Canada et ailleurs dans le monde et ont collaboré ensemble sur le Wood Innovation and Design Centre de Prince George et le Ronald Macdonald House de Vancouver.

Un des éléments qui contribuent à la solidité de ces grands ensembles est dû au fait que l’ensemble de ces éléments sont préfabriqués en usine, réduisant de beaucoup le temps passé sur le chantier de construction, puisqu’une fois sur place il ne s’agit que d’assembler le tout. Ainsi les tolérances et les spécifications stipulées dans les plans et devis sont atteintes avec autant de précision que pour les poutres en acier. Pour ce qui est de la question de la résistance aux tremblements de terre, la rigidité atteinte est aussi grande que celle du béton selon les ingénieurs et architectes qui se spécialisent dans la construction des grands immeubles en bois. Pour ce qui est de la résistance au feu par exemple les standards que le Brock Commons de UBC doit atteindre vont au-delà de ceux requis pour un immeuble en béton et acier de même taille.

La sensation de bien-être qui se dégage des beaux ensembles en bois se retrouve aussi dans ces grands ouvrages qui contribuent en plus à la réduction des émanations de GES puisque le bois séquestre ces gaz au lieu d’en émettre comme c’est le cas du béton.

Pour voir à quoi ressemble ces grands ensembles de bois, en plus d’aller voir l’immeuble Brock Commons à UBC, allez jeter un coup d’oeil au nouvel immeuble Telus Gardens sur la rue Georgia pour y admirer le superbe auvent en bois lamellé croisé qui semble onduler sous la brise. Ensuite il vous faudra surveiller le projet conçu par l’architecte japonais Shigeru Ban dont le concept architectural vient d’être approuvé par le conseil de ville. Il s’agira de déposer sur une base de 12 étages construite en béton et en acier, un immense triangle en bois de 7 étages. Le tout complétera le quadrilatère où se trouve actuellement l’Evergreen Building d’Arthur Erickson, à l’angle de West Pender, West Georgia et Jervis, ce bel immeuble tout en terrassement et cascades de béton et de verdure, qui est presque tombé sous les marteaux piqueurs des démolisseurs mais qui revivra de belle manière à côté de ce nouvel immeuble spectaculaire.