Meryl McMaster : La fabrique de l’identité artistique

Viage par Meryl McMaster, 2010. Digital chromogenic print, 24” x 24”. | Photo par Meryl McMaster

« Meryl McMaster est probablement l’une des plus importantes jeunes artistes, indigènes ou non, travaillant actuellement au Canada » a déclaré, Jonathan Lockyer, commissaire de l’exposition Wanderings présentée en 2016 à Artspace en Ontario. Se fondant sur les tensions intrinsèques à son double héritage aborigène et européen, l’artiste de 27 ans basée à Ottawa reconstruit son identité dans des autoportraits intemporels minutieusement mis en scène, créant un récit visuel de l’être et du devenir.

Depuis l’obtention de son Bachelor of Fine Art à l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario en 2010, Meryl McMaster a présenté plusieurs expositions, notamment au Musée national des Indiens d’Amérique de New York, au Musée des arts natifs contemporains de Santa Fe en 2015 et a effectué une résidence à Détroit.

En 2016, elle est désignée par le site Hyperallergic comme « une artiste qui, avec une imagerie marquée et saisissante, explore les couches de l’identité ». Elle a été nominée pour le Sobey Art Award et exposée à la Carleton University Art Gallery (CUAG), un honneur rare pour une artiste si jeune. Jouissant d’un intérêt grandissant, elle débute 2017 en présentant Confluence, comme une rétrospective prématurée, mais déjà consistante, à la Richmond Art Gallery à partir du 14 janvier. « C’est la première fois que j’expose dans le grand Vancouver. C’est formidable de pouvoir montrer mon travail à un nouveau public », se réjouit-elle.

Un travail pluridisciplinaire sensible

L’exposition rassemble trois séries de travaux. « C’est une vue d’ensemble de ce que j’ai produit au fil des années, comprenant également mes travaux les plus récents. »

Dans Ancestral (2008–2010), projet commencé lorsqu’elle était encore étudiante, elle peint son propre visage – et celui de son père, l’artiste et conservateur Gerald McMaster – en blanc, et projette sur ces toiles vierges des peintures et photographies d’indigènes et d’animaux réalisées au 19e et au début du 20e siècle par Edward Curtis, Will Soule et George Caitlin. Les sujets morts depuis longtemps semblent ressuscités.

Avec In-Between Worlds (2010–2015), Meryl passe du studio à l’extérieur, ajoutant à son travail photographique la sculpture et la performance pour souligner le caractère composite de l’identité – un réassemblage de morceaux épars. Mettant la nature à son service, elle fabrique des talismans, des accessoires – collerette de papier journal majestueuse et hors cadre dans Aphoristic Currents, souliers-radeaux dans Viage, et des costumes élaborés qui, à l’image de griffes de bois dans Sentience, deviennent des extensions du corps.

La série Wanderings (2015) mêle des instants de récits, comme Phantom Silence ou Time’s Gravity, à de riches études de couleur. Dans Under the Infinite Sky, inspiré par les ruines incas du Machu Picchu, une accumulation de bols bleu cobalt contraste avec le rouge de son bras tendu et la neige blanche recouvrant le sol.

La main qualifiée d’une créatrice est évidente tant dans l’exécution photographique que dans la réalisation de costumes faits main : accessoires en corde, nattes de tissu, coiffes faites de ramures, d’oiseaux, d’abeilles, de brindilles et de feuilles, de mousse, de bois d’animaux – toujours accompagnée d’un dispositif rouge : fil de laine, signets, peau peinte. Ces autoportraits sont pour Meryl le moyen d’habiter complètement son propre soi pluriel, incarnant l’idée de survivance à travers le prisme de l’identité. Cheyanne Turions, conservatrice indépendante, écrit dans le catalogue d’exposition « ce n’est pas le monde qu’elle nous montre, en soi, mais notre lutte pour ancrer et transformer nos propres identités à l’intérieur de celui-ci. »

Impliquer le monde non indigène

L’artiste explique dans le catalogue qu’il n’y a pas seulement « une lecture » de son travail et souhaite que chaque spectateur « puisse entrer dans ces images quelles que soient ses opinions et son expérience ». « Je veux faire des images accessibles aux aborigènes, mais également aux personnes de toutes cultures. Je pose des questions sur lesquelles tout un chacun peut s’interroger » confiait-elle à Peter Simpson dans une interview en 2015. « Confluence a été conçue pour présenter différentes séries qui développent des idées et des thèmes complémentaires. J’espère que leur découverte provoquera un moment introspectif chez chaque spectateur, une réflexion sur la perception de soi. »

L’imagerie contemplative de Meryl McMaster crée des espaces esthétiques riches de symboles, pour réfléchir à des questions complexes sur l’identité, l’histoire, le colonialisme et le droit à l’autodétermination. Elle bâtit ainsi avec résolution les fondements d’une identité artistique puissante. Cette expérience est ouverte à tous et son attrait est impérieux.

 

Confluence de Meryl McMaster du 14 janvier 2017 au 19 mars 2017 à la Richmond Art Gallery.

Évènement gratuit.

 

Richmond, le parti pris de l’héritage culturel

La ville de Richmond développe une importante vie culturelle à travers la multiplicité des lieux de culture qu’elle offre au public et la large palette d’artiste qu’elle choisit de mettre en lumière. Si elle invite régulièrement des artistes de renommée internationale, la ville fait aussi le choix évident de promouvoir l’héritage culturel et artistique local.

Ainsi, l’exposition Confluence de Meryl McMaster, initialement conçue par Heather Anderson, conservatrice de la CUAG à Ottawa, sera exposée à la Richmond Art Gallery dans le cadre d’une tournée à travers le Canada.
« Le travail de Meryl est un rappel constant que nous jouons tous un rôle, soit en maintenant, soit en détruisant l’héritage actuel ou les effets du colonialisme au Canada. » affirme Peter Simpson, journaliste pour le Ottawa Citizen. En ajoutant cette artiste première nation à sa programmation, la ville maintient son engagement et encourage la diffusion d’un l’héritage culturel et artistique national.