Le cirque : ascension de l’art total

Maintenant, les arts du cirque font partie de la culture en tant que telle. | Photo de Les Transportateurs de rêves

Je suis assis bien confortablement dans la salle de spectacle, le rideau s’ouvre. Au loin, une très grande silhouette se dessine. Au maquillage exagéré et au costume extravaguant, elle pousse quelques notes aiguës bien maîtrisées. Au moment même, des bonshommes à la démarche douteuse font leur entrée. Sans prétention, ils entament une série de pas savamment chorégraphiés, parsemés de quelques sauts habilement effectués. Soudain entrent, des côtés cour et jardin, des tricycles exécutant habilement des acrobaties extrêmes.

Où suis-je ? Suis-je à un concert de musique ? un spectacle de danse ? une pièce de théâtre ? une performance sportive ? Rien de tout cela ; mais tout en même temps. Bienvenue au cirque !

Longtemps considéré comme le parent pauvre du domaine artistique, le cirque – préférablement appelé aujourd’hui les arts du cirque – a su faire un pied de nez aux disciplines artistiques les ayant amplement nargués. Jonglerie, acrobatie, équilibrisme, art clownesque… longtemps perçues comme un « art » de second rang, ces « disciplines » composant les arts du cirque s’affirment davantage, et ce, de façon plus spectaculaire depuis les 30 dernières années. Mais pourquoi cet « art total » gagne-t-il soudainement en popularité dans la province et au pays ?

Le visage du cirque a changé au cours des dernières décennies. | Photo d’Isabelle Kirouac

Plus d’adeptes des arts circassiens

« Maintenant, les arts du cirque font partie de la culture en tant que telle. Ils ont pris énormément de place, notamment avec l’avènement du Cirque du Soleil dans les années 80. Il y a aussi tout le travail de fond qui s’est fait par les troupes, par les individus qui vont maintenant dans les écoles et qui font des travaux parallèles au cirque. Avant, les gens disaient qu’ils pratiquaient le cirque ; maintenant ils disent qu’ils pratiquent les arts du cirque », affirme monsieur Benoît Ranger, l’un des pionniers du cirque au Canada, pour expliquer cette popularité croissante des arts du cirque au pays depuis une trentaine d’année.

Ce dernier renchérit : « La dénomination “amuseur public” mise de l’avant au cours des années 70 a permis de reconnaître qu’il s’agissait d’un véritable métier. Nous avons appris à découvrir les arts du cirque. Nous sommes allés en Orient et en Europe afin de ramener les techniques utilisées là-bas pour ensuite les diffuser, les propager ici. On a démocratisé les arts du cirque, les rendant ainsi plus accessibles. »

Même tendance en Colombie-Britannique ?

Ces arts circassiens ne semblent toutefois pas séduire pareillement les Canadiens de l’est et de l’ouest.

« Oui, en général les arts du cirque sont plus populaires mais cela dépend où. En Colombie-Britannique, cela gagne tranquillement en popularité mais pas aussi vite qu’au Québec où il y a l’École nationale de cirque, le Cirque du Soleil, le Cirque Éloize, le festival de cirque. À Vancouver, il n’y en a pas autant. Il y a quelques compagnies et quelques écoles, mais ce n’est pas aussi développé que dans l’est du pays », partage Isabelle Kirouac, une artiste québécoise de scène professionnelle formée notamment en technique d’échasses acrobatiques et vivant maintenant à Vancouver.

En matière d’art circassien, la Colombie-Britannique s’est beaucoup inspirée de ce qui se faisait au Québec. « Il y a une grande croissance depuis les dernières années puisque nous allons maintenant dans les écoles, on loue des arénas dans les villes pour faire nos ateliers; il y a une demande grandissante », avance Benoît Ranger lorsqu’on lui demande de commenter la situation de cet art dans la
province.

Le cirque, une différence de langue ?

Il semble que les arts du cirque soient pratiqués différemment selon la langue. À ce propos, Benoît Ranger affirme : « L’influence européenne ou asiatique est très forte pour nous. Il y a beaucoup d’émotions dans ce que nous faisons. On travaille collectivement. En anglais, ils vont un peu plus dans la performance et l’unicité avant d’aller dans le travail collectif ».

Vraisemblablement, il est possible d’affirmer que le visage du cirque a changé au cours des dernières décennies et rejoint maintenant l’artiste multidisciplinaire. Aux arts circassiens se marient maintenant le chant, la danse, la musique…tout cela dans le but d’offrir un spectacle flamboyant de plus en plus en demande par le public. Il est d’ailleurs courant maintenant d’intégrer les arts du cirque dans un spectacle, autrefois composé d’une seule discipline. Preuve que le cirque est maintenant un « art » populaire.

Infos :

www.rendez-vousvancouver.com

www.threelittlereddots.org

Benoît Ranger et Les Transporteurs de rêves

Si c’est au Québec que Benoît Ranger a contracté le virus du cirque, c’est en Colombie-Britannique qu’il le diffuse désormais. À la tête de la compagnie Les Transporteurs de rêves, Benoît a lancé depuis plus de six ans un programme pédagogique auprès d’écoles de la Colombie-Britannique. Il anime un camp estival où les participants étudient et pratiquent les arts du cirque, en français. Cette année, il parcourra cinq villes de la province : Kamloops, Victoria, North Vancouver, Ucluelet et Rossland.

Isabelle Kirouac et Three Little Red Dots

Aux arts circassiens se marient maintenant le chant, la danse,
la musique… | Photo d’Isabelle Kerouac

Née au Québec, Isabelle Kirouac est une artiste formée en technique d’échasses acrobatiques, danse contemporaine et musique. Directrice de la compagnie Three Little Red Dots, elle a récemment dirigé le spectacle Comme des maisons à travers un kaléidoscope, une performance à mi-chemin entre la danse, le théâtre et le nouveau cirque. En ce qui a trait plus particulièrement au cirque, elle s’est illustrée comme échassière de renommée et enseigne cette discipline partout à travers le monde en plus d’être instructrice de cirque au Still Moon Arts Festival à Vancouver, depuis maintenant plusieurs années. Cet été, elle sera en tournée dans la province avec son spectacle multidisciplinaire Habitats.