Un voyage révélateur

Les mille et une origines des habitants de Vancouver.

Quand j’ai commencé à cogiter sur un PVT (permis vacances-travail) mon but premier était de vivre une expérience, de découvrir une nouvelle culture, de connaître la vie à l’autre bout du monde.

Après une longue réflexion, je me suis décidée à tout lâcher et à m’envoler pour le
Canada. J’ai déposé ma candidature et, grâce à la chance, j’ai obtenu mon permis de travail. Visa en poche, il ne me restait plus qu’à choisir ma ville de résidence. Bien entendu, en tant que francophone, j’avais beaucoup entendu parler du Québec, dont l’accent chantant réjouit les oreilles des francophones européens. Mais mon second but en quittant mon pays natal était d’améliorer mon anglais et peut-être même d’enfin réaliser mon rêve : devenir bilingue. J’ai donc cherché la partie anglophone sur la carte géographique du Canada et j’ai choisi une ville qui me permettrait d’accéder à la nature sans voiture. Vancouver !

Je m’étais renseignée sur cette cité côtière et j’avais lu qu’elle accueillait beaucoup d’immigrants et une grande diversité culturelle, ce qui m’a charmée car j’aime les atmosphères bigarrées. Mais je n’avais pas imaginé à quel point elles l’étaient.

J’étais à Vancouver depuis bientôt 4 mois quand j’ai fait face à une constatation qui m’a rendue perplexe. Je ne connaissais rien du Canada et n’avait aucun ami canadien. Pourtant, j’habitais dans un condo, j’avais un travail et je faisais du volontariat. Je vivais à Burnaby mais j’avais l’impression de traverser Beijing pour me rendre au supermarché. Dans ma rue, j’avais vainement cherché un bon burger, pour finalement atterrir dans un restaurant de sushis. Parfois, dans le bus, j’étais la seule à ne pas avoir les cheveux noirs.

Attention, je ne veux pas de quiproquo ! J’adore la culture, la philosophie et la nourriture asiatique. J’ai vécu des instants mémorables en Chine, je suis fan du Japon et une partie de mon cœur se trouve pour
toujours au Vietnam. Et j’avoue être enchantée d’avoir accès à tout cela à Vancouver, car dans ma petite Belgique c’est plutôt difficile.

Mais dans ma tête je pensais « Est-ce vraiment ça le Canada ? ». Je me demandais où était le Canadien grand et fort, qui part chasser le caribou dans les forêts enneigées et rentre chez lui déguster une poutine en famille ? Ou la Canadienne trop gentille qui va voir jouer son équipe de hockey préférée et s’excuse auprès des supporteurs de l’équipe perdante ? Je caricature à l’excès mais vous m’aurez comprise : c’étaient ces personnes imaginaires que je croyais rencontrer en venant m’installer ici. J’étais allée de l’autre côté de l’océan pour découvrir le Canada et sa culture, et j’avais l’impression d’échouer.

Mais je faisais fausse route, car mon erreur était de penser savoir ce que devait être le Canada et comment devaient se comporter ses habitants. J’ai commencé à me poser les bonnes questions : Qu’est-ce qu’un « vrai » Canadien ? Quand devient-on vraiment canadien ? Quelles sont les différences entre les Canadiens et les immigrants ?

C’est à cet instant que je me suis rendu compte que tous ces concepts et ces personnages imaginaires n’étaient que des constructions d’idées reçues et de préjugés, fabriquées au fil des années par ce que j’avais pu lire dans les médias et ce qu’on m’avait montré dans les films et les séries. Ce Canada fantaisiste n’existait que dans mon esprit et je devais en faire le deuil pour comprendre réellement le cœur de cette nation.

Je me suis liée d’amitié avec des expatriés de dizaines d’origines différentes. Nous sommes tous curieux l’un de l’autre et nos rencontres sont toujours pleines de rires et de gentillesse. Nous parcourons le Grand Vancouver et découvrons sa nature – et ses restaurants – ensemble. Aucun de nous n’est de nationalité canadienne (du moins pour l’instant) et ça n’a aucune importance. Car j’ai compris ce qu’est la culture canadienne. Ce sont les immigrants qui font le Canada d’aujourd’hui, et le Canada qui en fait des Canadiens.

Depuis, je ne cherche plus le Canada des caribous et du sirop d’érable. Et je vis le Canada pluriel, celui dont la culture est l’addition de celles de ses citoyens.