L’UNESCO vient de déclarer l’année 2019 « Année internationale des langues autochtones ». Un coup de projecteur important pour cet enjeu particulièrement prégnant au Canada et en Colombie-Britannique.
En promulguant sa résolution 71/178, l’Organisation des Nations Unies a chargé l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) de « construire et piloter un plan d’action pour faire de l’année 2019 l’Année Internationale des langues autochtones ».
Pour les Nations Unies et l’UNESCO, la vitalité de ces langues est en effet un enjeu majeur. « Par les langues, les gens participent non seulement à leur histoire, leurs traditions, leur mémoire, leurs modes de pensée, leurs significations et leurs expressions uniques, mais plus important encore, ils construisent leur avenir ». Participer à leur préservation et à leur développement permet ainsi d’agir concrètement dans les domaines de « l’éducation, du développement scientifique et technologique, de la biosphère et de l’environnement, de la liberté d’expression, de l’emploi et de l’inclusion sociale ».
Les langues autochtones au Canada
Au Canada et lors du Recensement de 2016, 228 765 personnes parlaient une langue autochtone à la maison. Un chiffre qui cache une diversité très importante : on dénombre en effet plus de 60 à 70 langues autochtones regroupées en 12 familles linguistiques distinctes. Parmi ces langues, « les dix langues autochtones les plus souvent déclarées représentaient près de 90 % de la population ayant pour langue maternelle une langue autochtone » et trois d’entre elles (les langues cries, l’inuktitut et l’ojibwé) en représentent les deux tiers.
Maintenir et revitaliser ces langues constitue un enjeu majeur qui fait l’objet de mesures prises par le gouvernement fédéral canadien, notamment grâce au Programme des autochtones du Ministère du Patrimoine canadien. Ce programme propose des financements aux organisations autochtones autour de deux volets distincts dont « l’Initiative des langues autochtones » qui « soutient la préservation et la revitalisation des langues autochtones par l’entremise de projets et d’activités communautaires ». Ce volet bénéficie aujourd’hui d’une enveloppe annuelle de près de 20 millions de dollars.
Un enjeu très important en Colombie-Britannique
En Colombie-Britannique, le First Peoples’ Cultural Council a reçu un mandat pour solliciter les financements, accompagner les porteurs de projet et piloter des projets transversaux pour la revitalisation des langues autochtones. Aliana Parker, Coordinatrice des programmes « Langues » au First Peoples’ Cultural Council énumère ainsi trois priorités : « développer le nombre de personnes parlant leur langue maternelle, documenter les langues autochtones par des projets de recherche sur cette thématique et enfin accompagner et soutenir les communautés. »
Elle précise que « conserver ces langues et participer à leur revitalisation est un enjeu majeur. Ce sont les langues des premières nations, les langues originelles de ce territoire, c’est une part très importante de notre héritage canadien ».
La diversité des langues autochtones en Colombie-Britannique est par ailleurs impressionnante. On dénombre ainsi 203 communautés parlant 34 langues autochtones différentes. Néanmoins, seulement 3% des populations autochtones sont aujourd’hui bilingues avec leur langue maternelle. C’est une des raisons qui a poussé le gouvernement provincial à soutenir et mandater le First Peoples’ Cultural Council. En 2018, ce sont ainsi 50 millions de dollars qui ont été alloués pour la mise en place de projets pour la revitalisation et le maintien des langues autochtones. Si d’autres provinces canadiennes sont aussi très dynamiques, la Colombie-Britannique apparaît ainsi particulièrement volontariste.
L’UNESCO face à une situation d’urgence
L’UNESCO s’est emparée depuis longtemps des enjeux liés aux populations autochtones, qui représentent 370 à 500 millions d’habitants dans le monde. Depuis 1982, la Journée Internationale des Peuples Autochtones est ainsi célébrée chaque année le 9 août. Avec la résolution 71/178 qui proclame l’année 2019 Année internationale des langues autochtones, les Nations Unies ont souhaité « attirer l’attention sur la perte critique des langues autochtones et l’urgente nécessité de préserver, revitaliser et promouvoir les langues autochtones ».
Cette situation d’urgence est dans une moindre mesure partagée en Colombie-Britannique. Pour Aliana Parker, « beaucoup de travail a déjà été effectué mais il reste encore tellement à accomplir ». Malgré tous les efforts consentis, « la situation reste très critique pour les langues des premières nations ». Elle se félicite néanmoins de voir l’UNESCO se saisir de cette question : « nous sommes pleins d’espoir. Le moment est parfait car cela va offrir davantage de visibilité à nos problématiques et à nos actions ».
Un programme encore en attente
Très concrètement et concernant les projets qui vont être menés par l’Unesco, les contours sont encore assez flous. Le lancement officiel de l’Année Internationale des langues autochtones se tiendra à la fin du mois à Paris. Si des actions concrètes seront probablement annoncées, il s’agira avant tout d’un coup de projecteur et d’un soutien de l’organisation internationale auprès de toutes les structures qui agissent sur le terrain.
Cela tombe très bien mais il faut que cet investissement perdure dans le temps car, conclut Aliana Parker, « c’est un projet à très long terme, l’échelle est générationnelle ». Elle finit tout de même par avouer qu’un « événement d’envergure va être organisé en 2019 » mais refuse pour l’instant d’en dire plus. Très probablement une belle surprise en perspective et un formidable écho régional pour l’Année internationale des langues autochtones !
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