Les maths et moi

Les mathématiques, je l’admets sans embarras, n’ont jamais été mon fort. Surtout l’arithmétique qui, pourtant bien plus simple que l’algèbre ou la géométrie, m’a donné beaucoup de fil à retordre. Très tôt, dès ma plus tendre enfance, mes parents se sont vite aperçus que les chiffres et moi n’étions pas faits l’un pour l’autre. Mes années scolaires n’ont fait que confirmer ma profonde inaptitude à saisir cette science des nombres. Je mérite, sans que cela m’irrite, un bon zéro en la matière.

Et pourtant, depuis le résultat des dernières élections fédérales je m’obstine, malgré mon sérieux handicap, à donner un sens aux chiffres qui ont été divulgués. Pour ce faire je fais appel aux quelques restes qu’il me reste de mes études consacrées aux additions, aux soustractions, aux multiplications et aux divisions qui ne représentent qu’une fraction de mon ignorance en tout (échec et mat).

D’après mes calculs, si je fais l’addition (que je n’ai pas l’intention de payer), le Bloc québécois, les conservateurs et les verts (de peu) ont, vous l’avez constaté, puisque vous lisez les journaux, augmenté leur nombre de sièges au parlement. Qui plus est : le parti d’Andrew Scheer, comparé aux autres partis, a obtenu la faveur du vote populaire ce qui ne lui confère pas pour autant le droit d’exercer le pouvoir. Les chiffres parfois peuvent donc mentir. Un mensonge, cela va de soi, qui fait l’affaire des libéraux.

D’autre part, je ne vous apprends rien, ces mêmes libéraux et les néo-démocrates ont perdu des plumes. Je viens de vous entraîner bien intentionnellement dans l’espace négatif de la soustraction. À moins que cela vous déplaise, examinons ensemble les dommages causés au sein des deux partis en déficit. Les libéraux avaient 177 sièges au début de la campagne; ils en ont maintenant 156, loin des 170 sièges requis pour obtenir la majorité parlementaire. Une perte de 21 sièges. Ça fait mal. Les conservateurs de leur côté en ont obtenu 122; une augmentation de 27 sièges, m’indique ma machine à calculer.

Quant au NPD, il fallait s’y attendre, le parti a subi un sérieux revers avec 15 sièges en moins par rapport aux résultats de 2015. Ceci toutefois ne devrait pas empêcher Jagmeet Singh d’exercer un certain pouvoir sur les orientations des affaires gouvernementales. Le chef néo-démocrate, il faut le reconnaître, a réussi à limiter les dégâts. Il revient de loin et mérite notre admiration. Le pire a été évité.

Donc après toutes ces soustractions et une certaine frustration, Justin Trudeau se retrouve à la tête d’un gouvernement minoritaire. À bien y penser, je ne vois pas ça d’un mauvais œil. Un gouvernement en baisse mérite qu’on le tienne en laisse. Avec la nouvelle configuration parlementaire, le premier ministre sera bien obligé de revoir son comportement qui, depuis les débuts de sa voie ensoleillée, laissait à désirer. Comportement qui de toute évidence lui a coûté des sièges. Échec électoral qui repose principalement, sinon entièrement, sur ses épaules.

Après avoir flirté avec les additions et les soustractions, passons aux principes de la multiplication. Jésus, à son époque, nous avait montré l’exemple de la multiplication avec cinq miches de pain et deux poissons pour nourrir cinq mille personnes. Le Bloc québécois, excusez la comparaison, sans faire appel à un miracle s’est pour sa part offert un bon morceau du gâteau au Québec en triplant son effectif à l’assemblée nationale. Chapeau, Monsieur Blanchet. Je ne peux que multiplier mes courbettes envers une stratégie si bien
huilée.

Dans la même veine mathématique, abordons avec audace le champ de la division. Le pays, à en juger les résultats du dernier scrutin, serait divisé. L’Alberta et la Saskatchewan, en marge des autres provinces, n’ont élu aucun libéral. Elles se retrouvent isolées, abandonnées. Il est question, l’idée me semble folle, d’aliénation. De surcroît, les campagnes et les villes, autre source de division, brandissent des couleurs différentes. Le rouge et le bleu, à en croire la nouvelle carte électorale, se regardent en chiens de faïence. Au sein des partis, la divergence règne : doit-on pousser les chefs de parti vers la sortie ? Question qui pour l’instant demeure sans réponse. Alors, qu’on se le dise : aussi regrettable que cela puisse paraître, un pays divisé ne peut avoir de grandes visées.

Comment le premier ministre en sursis va-t-il se sortir de cette ornière ? Compte-t-il diviser pour régner ? Et pour combien de temps ? Sera-t-il en mesure de résoudre le problème de la quadrature du cercle ? Quelques surprises nous attendent au tournant. Machine à calculer en poche, comptons là-dessus. Une ère nouvelle commence : à vos marques, prêt, c’est parti.