Le moi du mois

Janvier vient de passer. Déjà. Je n’en reviens pas. 2019 paraît si loin. Le temps file, disait ma mère couturière. Nous voilà maintenant en février, un mois dans tous ses états. Un mois pas comme les autres. Un mois avec une particularité : le seul de son espèce ayant moins de 30 jours. De plus, février est l’unique mois qui peut se passer de pleine lune. Un mois qui se demande parfois ce qu’il fait là. Avant l’apparition du calendrier julien, février, tout comme janvier, n’avait pas droit au chapitre. Le mois, tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’existait pas. Avouez qu’un tel état de choses, être ou ne pas être, peut affecter le moral et votre psychisme. Ce ne semble pas être le cas de février qui, depuis sa naissance, assume son originalité avec grande insouciance et persévérance.

Février ne craint pas les changements. Tous les quatre ans, contrairement à ses immuables collègues, le mois varie. Afin de remettre les pendules à l’heure et de nous faciliter la tâche, un jour de plus lui est alloué. Cette journée supplémentaire ne représente pas un fardeau pour ce cher mois qui ne demande pas mieux que de rendre service. Février s’adapte. Ce qui n’est peut-être pas le cas des personnes nées le 29 de son mois qui doivent attendre tous les quatre ans avant de fêter leur anniversaire.

Vous l’avez compris, j’ai un faible pour ce mois qui nous donne quatre semaines de sept jours soit un total de 28 jours. Un chiffre rond, logique, clair et net vous en conviendrez. Un mois donc pas compliqué. Un mois qui ainsi facilite les choses. Un mois juste. Un mois court qui en dit long. Un mois qui aime la fête. Pensez à tous ces carnavals de par le monde célébrant le Mardi gras. Un mois qui s’éclate. Un mois sans égal, un mois sans égo. Un mois qui n’a peur de rien. Un mois en plein hiver qui ne s’est pas encore débarrassé de son manteau. Un mois patriotique (le 15, journée nationale du drapeau canadien) et traditionnel (le 17, consacré à la famille). Mais aussi un mois de bon augure car il annonce le printemps le mois suivant.

« Nous voilà maintenant en février, un mois dans tous ses états. Un mois pas comme les autres. »

Février peut se regarder dans la glace sans gêne. Face à son miroir le mois ne perd jamais la face. Il peut être fier. Sa courte taille ne l’empêche pas d’accomplir des merveilles. Février est un mois bien occupé. Jetez un coup d’œil à son calendrier. D’emblée, rappelons que février est le mois de l’histoire des Noirs. Le thème cette année : « Canadiens d’ascendance africaine : guidés par le passé, marchons vers l’avenir ». Un programme prometteur qui devrait s’étaler, je suggère, à l’année longue.

Petit rappel : au début du mois, le 2, nous avons eu droit au Jour de la marmotte. Une drôle d’histoire cette coutume qui consiste à croire que si la marmotte ce jour-là sort de son trou et voit son ombre, c’est mauvais signe : six semaines de temps hivernal de plus, nous prévient-on. Sacrée marmotte ! me suis-je permis de marmonner en me rendant compte que nous sommes assez idiots pour donner à ce rongeur de pacotille le droit de faire la pluie et le beau temps.

Et puis en février, le 14 pour être précis, on ne peut l’oublier, nous célébrons la Saint-Valentin. Attention amoureux transis, préparez vos baisers. Surtout n’oubliez pas la boîte de chocolats que vous aurez la gentillesse de déposer devant ma porte. Pendant ce temps-là, Valentino devrait en profiter pour soulager les cœurs brisés. Allez ! Trinquons à nos amours.

Février, finalement, pour conclure, je m’adresse directement à toi, ce mois qui m’émeut. J’ai constaté avec effroi que trop de dictons te traitent à la légère, souvent accompagnés par un excès de dérision pour le moins regrettable. En voici quelques exemples trouvés sur le site de Wikipédia (je n’invente rien) : « Il vaut mieux un renard au poulailler qu’un homme en chemise en février » ou encore « Mieux vaut un loup dans le troupeau qu’un mois de février trop beau ». Ces expressions irrévérencieuses en guise de boutades, dont la signification parfois m’échappe, démontrent un total manque de respect à ton égard. Elles m’offusquent au plus haut point. Tu mérites mieux. Pour toi j’ai donc façonné des mots plus doux, plus alléchants, pas du tout méchants : « En février mets le pied à l’étrier si tu ne veux pas marcher dans le fumier ». Plus gentil encore : « Cessez de prier en février, de plain-pied, plutôt, riez ».

Ces quelques paroles sensibles, concoctées avec plaisir et délicatesse, devraient mieux convenir à ce mois tant chéri. Elles devraient l’amadouer car je sais que février est un mois à retardement qui peut exploser à tout moment.