Un long travail de mémoire et de guérison pour les Japonais

Le 3 mars 2011, trois tragédies d’une magnitude inimaginable frappent la région orientale du Japon l’une après l’autre : d’abord un séisme de 9,1 sur l’échelle de Richter; le séisme déclenche ensuite un tsunami dont les vagues franchissent jusqu’à 10 kilomètres à l’intérieur des terres; enfin, un accident a lieu à la centrale nucléaire de Fukushima.

Dénommé depuis comme le « 3.11 », cette date marque non seulement le jour de la catastrophe mais aussi le moment où a commencé le long et difficile processus de guérison.

A Future for Memory : Art and Life after the Great East Japan Earthquake (Un avenir pour la mémoire : l’art et la vie après le grand tremblement de terre dans l’est du Japon), une nouvelle exposition au Musée d’anthropologie de l’Université de Colombie Britannique (MOA), présentée du 11 février au 5 septembre, commémorera le 10e anniversaire du 3.11 avec une série émouvante d’œuvres touchant au pouvoir transformant de l’art à la suite d’une telle dévastation.

Les débris comme vaisseaux de la mémoire
Selon Fuyubi Nakamura, conservatrice pour l’Asie au Musée d’anthropologie et directrice d’A Future for Memory, l’exposition découle de son expérience personnelle dans la région, où elle s’est impliquée en 2011 dans les activités de secours et de relèvement dans la préfecture de Miyagi, l’endroit qui a subi le plus grand nombre de victimes. La scène qu’elle y trouve l’amène à reconsidérer la relation entre les objets et la mémoire.

« La ville était pleine de débris lorsque j’y suis allée pour la première fois », confie-t-elle. « Ce que nous appelons « des débris » est en fait constitué des effets personnels de quelqu’un, et nous avons continué à les rencontrer pendant que nous nettoyions les routes ».

Fleur: magnolia du sud/Lieu: Ukedo, ville de Namine, de la Série Sacrifice.

Parmi ces objets, les bénévoles retrouvent des milliers de photos et d’albums de famille et décident de commencer à les garder et à les nettoyer.

D’objets personnels, ces photos et ces albums sont passés à être des « débris » – gareki en japonais. Or, une fois que le travail de récupération et de nettoyage commence, ils se transforment à nouveau, cette fois-ci en des omoide no shina ou « objets de mémoire ».

De là les questions dans le panneau d’introduction qui ouvrira l’exposition : « Que chercherions-nous si notre ville natale était emportée ? Comment la mémoire peut-elle être tracée sous une forme matérielle ? » demande Fuyubi Nakamura.

Les vestiges de l’intangible
A Future for Memory présentera le travail de huit artistes, organismes et institutions japonais. L’un de ces travaux vient du groupe « Omoide Salvage » qui s’est engagé à restituer à ses propriétaires des milliers de photos récupérées. À ce jour, le groupe a rendu environ 450 000 photos. Le point de mire du travail présenté au Musée d’anthropologie sera le projet Lost & Found, soit environ 5 000 photos trop endommagées mais qui, au lieu d’être détruites ou jetées, servent à partager l’expérience de ceux qui font ce travail de récupération.

Un autre projet lié à l’exposition est tiré du travail documentaire effectué par le musée d’art Rias Ark, au Japon. Les conservateurs du musée, eux-mêmes des survivants qui ont perdu leur maison, ont travaillé pendant deux ans après le 3.11 pour recueillir des objets et documenter la destruction dans les zones affectées. En avril 2013, le musée a ouvert une exposition permanente pour présenter les matériaux collectés. Les photos, sélectionnées en étroite collaboration avec les conservateurs du musée, aident à « en apprendre davantage sur le pouvoir destructeur de la nature », explique Fuyubi Nakamura.

Dans un projet intitulé Sacrifice Series, Atsunobu Katagiri, un kadō-ka (maître d’ikebana), a créé des arrangements floraux avec des fleurs et des plantes sauvages qu’il trouvait parmi les débris ou des arrangements faits avec des objets de la collection du musée de la ville de Minamisōma. Des photographies de ces œuvres d’art passagères seront aussi présentées dans l’exposition.

Tel que l’explique Fuyubi Nakamura, « je tiens à montrer la régénération de la nature, car il y a eu un souffle de vie après la catastrophe : les fleurs ont fleuri et les arbres ont continué à pousser. Même en pleine catastrophe, les gens ont le désir de créer et de s’exprimer – tout comme la nature ».

En ce qui est du titre évocateur de cette exposition, Fuyubi Nakamura offre cette dernière réflexion : « Le titre de cette exposition découle de l’idée que la « mémoire » ne tient compte pas nécessairement que du passé, mais aussi de son ampleur sur nous aujourd’hui et dans le futur, ainsi que comment la création de liens aidera à transmettre ces souvenirs aux générations futures ».

Pour plus d’informations, veuillez visiter www.moa.ubc.ca