Le langage universel des Meydan

« Je pense que la transformation de la façon dont nous interagissons avec notre environnement social immédiat, tel qu’il est, entraîne la transformation, l’estompement et la compréhension du lien entre les objets quotidiens et les œuvres d’art. »

Au cours de l’exposition Meydan, Derya Akay, artiste canadien·ne d’origine turque, nous invite à redécouvrir des objets du quotidien et à repenser une scène de marché comme une œuvre colorée et parfumée.

Ambiance animée

Occupant le premier étage de la Polygon Gallery jusqu’au 1er août 2021, cette installation artistique s’inspire des Meydan, ces places de marché publiques que l’on retrouve en Turquie où les gens s’affairent, achètent, échangent et s’entraident dans une ambiance animée renforçant les liens de toute une communauté. « C’est l’un de mes endroits préférés. Je me sens réconforté.e par le simple fait de parcourir les allées des supermarchés ou d’être seul.e et de regarder les objets exposés sur les marchés. J’aime l’action solitaire de regarder, de trouver, d’observer, de comparer : les aspects sensuels comme les odeurs de nourriture, le brouhaha ainsi que l’aspect social d’apprendre des vendeurs [et] des producteurs sur leurs marchandises », confie l’artiste. Cette effervescence autour des étalages où les odeurs, les couleurs et les saveurs se répondent en saisissant les passants est une expérience unique, une atmosphère très marquante qu’Akay a recréée dans cette installation interactive. « J’essaie d’intégrer les différents sens dans l’exposition. En renouvelant les fleurs et les fruits tout au long de l’exposition, j’essaie constamment d’avoir différents parfums dans l’espace. Je cuisine régulièrement [à la Polygon Gallery], ce qui, bien que la cuisine soit à l’étage, ajoute à l’aspect olfactif et gustatif », explique l’artiste. Le public peut ainsi évoluer dans un espace dynamique, une œuvre vivante où les fleurs s’ouvrent et se fanent naturellement et où de nouveaux fruits sont ajoutés selon la saison, rappelant le temps qui s’écoule et la beauté éphémère des objets du quotidien.

Le simple fait de parcourir les allées des supermarchés peut procurer une sensation de bonheur. | Photo de Polygon Gallery

Fluidité

Et Akay participe activement dans cette œuvre en constante évolution, imprégnant l’espace de sa présence et offrant des denrées alimentaires que chacun·e peut emporter. Par cette simple interaction, l’artiste souligne la fluidité qui existe entre l’objet commun et périssable et l’art, révéré et pérenne. C’est à cause de l’aspect interactif et changeant de Meydan que l’artiste conseille plusieurs visites de l’exposition, pour avoir la chance d’interagir avec un élément découvert qui était absent ou passé inaperçu lors de la visite précédente, mais aussi de visiter cette installation à son propre rythme et à sa manière, avec un état d’esprit différent selon le jour, afin de vivre une expérience artistique différente. Cette installation permet également d’apprécier la richesse des échanges et l’importance des interactions parfois simples comme échanger des marchandises ou quelques mots, mais qui sont essentiels au dynamisme d’une communauté.

Une bonne occasion de trouver, observer et comparer les aspects sensuels. | Photo de Polygon Gallery

Construire des liens

L’exposition, prévue au départ pour mai-juin 2020, a été retardée à cause de la situation sanitaire. Mais même si la pandémie a rendu les thèmes abordés par Meydan encore plus éloquents, « l’idée de l’exposition mijote depuis avant la pandémie. Cette exposition est probablement une version de l’accumulation d’idées depuis 2014 », précise Akay pour qui la pandémie a mis en évidence les faiblesses et les forces de l’organisation communautaire et de la collectivité. « Je pense que beaucoup de gens partagent le sentiment d’urgence qui se manifeste dans la volonté de construire des liens communautaires plus forts, plus denses et réciproques partout dans le monde. Cela m’a également montré le pouvoir de l’accessibilité grâce à l’utilisation de la technologie, et à quel point les choses changent lorsque nous donnons la priorité à l’accès pour tous et toutes en tenant compte d’une variété de besoins. La pandémie m’a également appris à écouter mes douleurs, à ralentir, à me reposer et à guérir pour laisser place à l’inconnu », conclut l’artiste. Car s’aventurer dans ce Meydan relocalisé est l’occasion d’échanger, d’apprendre et de constater qu’au-delà des différences culturelles et des différents parfums et objets retrouvés sur une place de marché, une main tendue reste un langage universel.

La Polygon Gallery, située à North Vancouver, est ouverte du mercredi au dimanche de 10 h à 17 h, avec des horaires prolongés le jeudi, de 10 h à 20 h. Derya Akay y est principalement présent.e le jeudi. Plus d’informations sur : www.thepolygon.ca