Henry Tsang illumine une douloureuse page d’histoire

Le projet Hastings Park a commencé alors que Henry Tsang, artiste et professeur associé à l’Université Emily Carr, avait été commissionné par la fondation Vancouver Heritage pour réaliser une fresque sur le bâtiment de CBC Radio et qu’il a été au contact de certains documents d’archives.

« Je suis tombé sur des documents concernant les camps de Japonais canadiens durant la Seconde Guerre mondiale et ça m’a fait penser à Hastings Park, à la façon dont ils ont été parqués là temporairement. Ils ont été forcés de vivre là avant d’être envoyés dans des camps au fond du pays, loin des côtes », explique-t-il.

Hastings Park est une installation qui va immerger le participant dans l’image grâce à des procédés et des angles d’approche pertinents.

Les procédés de révélation

Henry Tsang a testé plusieurs technologies avant de trouver la plus adéquate pour ce projet : « J’ai pensé à l’imagerie thermique. Ces appareils sont d’abord utilisés par l’industrie du bâtiment pour identifier des fuites et des différences de température. J’ai pensé que ce serait un moyen intéressant de montrer ces bâtiments, en regardant au-delà de la façade. C’est aussi un outil pour demander à ces bâtiments : ‘Est-ce que vous vous souvenez de cette époque où des gens vivaient à l’intérieur de vos murs ?’ J’utilise cet appareil photo pour raconter des histoires qu’on ne pourrait voir avec nos yeux d’humain. »

Hastings Park: Building A – Livestock Building South, East Entrance, 2021. | Photo par Henry Tsang

L’artiste et photographe évoque également les clichés du Vancouvérois Leonard Frank, comme une sorte de conversation.

« Ses travaux datent du début du vingtième siècle. Il avait été commissionné pour documenter les Japonais canadiens parqués à Hastings Park. J’avais certains de ses clichés en tête lorsque j’ai pris les miens. Je n’ai pas essayé de réaliser les mêmes clichés mais j’ai simplement vu les ressemblances après coup », précise l’artiste.

Une vision au-delà du tangible

Le but du projet est de pouvoir voir les fissures et fuites présentes dans ces bâtiments, telles des cicatrices dans la pierre.

Henry Tsang explique que la partie la plus délicate de ce projet a été la projection infrarouge. « C’est une imagerie qu’on retrouve dans les médias, dans les films et dans les outils de surveillance. On passe en infrarouge quand la lumière est vraiment faible. Je voulais utiliser pour faire de l’art cette vision réservée aux lunettes de vision de nuit destinées aux militaires. »

Après un à deux ans de recherches finalement vaines, l’artiste se tourne vers des méthodes plus traditionnelles : « J’ai travaillé avec ce projecteur de diapositives, ces projecteurs avec un carrousel, et j’ai dû trouver des films qui avaient assez d’argent et de cire pour l’infrarouge. »

À la manière du développement d’une photo où le sujet n’apparaît qu’en chambre noire et après un bain révélateur, certaines images et messages du projet ne sont visibles qu’à certaines conditions, selon Henry Tsang.

« Vous ne pouvez les voir que lorsque vous allez dans la galerie et que vous vous positionnez en face des images qui seront derrière vous. C’est comme si elles appartenaient à votre passé. Vous serez dans l’image. Vous vous verrez avec l’image invisible », explique-t-il.

Le devoir de mémoire

Le but de l’installation, exprime Henry Tsang, est de traiter avec honneur l’expérience traumatique que les familles japonaises ont subie : « Je n’essaie pas de recréer l’expérience mais de prendre la responsabilité de faire partie de ce paysage social et politique et pour dire que nous avons tous un intérêt en cela ».

L’artiste photographe a monté plusieurs projets explorant les injustices sociales, des émeutes anti-asiatiques de Vancouver de 1907 au traité de 1851 en Chinook remplacé par une traduction anglaise. « C’est très délicat de
parler de ces sujets en ce moment. Si quelqu’un veut travailler sur le sujet des Premières Nations ou des autochtones, cela doit être fait avec respect, consultation et engagement. C’est un processus continu pour tout le monde. Nous partageons peut-être des histoires différentes mais elles sont identifiables et nous devons les soutenir et les reconnaître », maintient Henry Tsang.

Hastings Park est à découvrir du 26 juin au 28 août à la Surrey Art Gallery. Cet évènement est gratuit.

Pour plus d’informations : www.surrey.ca/arts-culture/surrey-art-gallery/exhibitions/henry-tsang-hastings-park

Site officiel de Henry Tsang : www.henrytsang.ca