La beauté du mouvement à portée de main

Radieuse, les yeux plein de vie et de passion, Marie Khouri nous invite dans son univers chaleureux et grandiose. Sphères, vaisseaux, cheminées et autres travaux peuplent un atelier mystérieux.

Marie Khouri, une artiste d’origine libanaise, assise sur une de ses sculptures. | Photo de Marie Khouri

Libanaise d’origine, Marie Khouri a fui la guerre avant d’émigrer en Italie, en France puis au Canada.

Lors d’un congé sabbatique, au cours de dessin de l’École du Louvre, le professeur l’oriente vers la sculpture. « Je dessinais comme un pied, c’était une torture. Le professeur m’a dit : « Toi, tu as besoin de contact », raconte l’artiste. « Je ne l’ai pas fait pour le diplôme mais vraiment pour m’enrichir et avoir des repères. Je faisais des sculptures d’une taille spécifique car on devait pouvoir les ranger dans un casier par la suite. »

Marie Khouri pourra s’adonner à de plus grands gabarits lorsqu’elle arrive à l’Université Capilano : « Il n’y avait plus de limite ! »

Marie Khouri montre son atelier et les miniatures de ses oeuvres monumentales : « Tout commence dans cette dimension », explique-t-elle en tendant des sculptures de quelques centimètres.

« Je fais deux types de sculptures : les formes très lisses et épurées, généralement en terre glaise ou en métal poli, et puis celles que je fais depuis que je suis ici, celles à la cire. J’ai commencé en allant à l’Université Capilano. La ville de Burnaby m’a commandé des installations qui seront comme une forêt enchantée en cuivre. »

Marie Khouri crée pour l’espace public, des galeries et réalise également des commandes privées. La participante de la Biennale de Venise en 2019 aime explorer les espaces et les textures.

Jeux de matières

« Je veux aller au bout du matériau, » déclare l’artiste. L’intégration de branches de cèdre dans son œuvre à Lynn Canyon ou encore l’audace et la créativité que Marie Khouri possède à mêler la fibre de verre dans de la cire, pour créer des œuvres tentaculaires, démontrent cette curiosité tant technique qu’artistique.

L’artiste travaille avec différents corps de métier (métallurgiste, bijoutier) pour l’assemblage de ses pièces requérant souvent différentes techniques. Cette autodidacte de la matière explore sans cesse et innove : « J’aime jouer avec les limites. »

Linguiste, parlant cinq langues, elle « voulait mêler les lettres de l’alphabet arabe à la sculpture, en faire un cercle concernant » son parcours, se référant à la création de son alphabet tridimensionnel, concrétisant les intonations. Son oeuvre Sit With Me, Share With Me en l’honneur de Yulanda Faris, la lettre Y remaniée, installée au Kay Meek Arts Centre, en témoigne.

Restituer le mouvement

Les œuvres de la sculptrice subliment le mouvement : celui des oiseaux avec son installation au Children’s Hospital qui s’affirme comme un mouvement vers la vie, ou encore à Surrey avec son œuvre, Park Place, toujours sur un thème très ornithologique.

Les œuvres de Marie Khouri sont toutes en subtilité, comme le choix du métal utilisé pour sa création sur l’explosion de Beyrouth en écho à son renforcement personnel par rapport à cette dévastation qui a choqué le monde entier.

En visitant son palpitant atelier, l’artiste montre les maquettes de ses travaux, souvent logées au creux de sa main, qui, à l’image de son art, expriment la chaleur d’une main tendue.

La relation au public

Ces moulages de sa main en grand format sont des invitations à « s’asseoir dans la paume de ma main ». A propos du thème récurrent de l’assise dans ses œuvres, elle confie venir du Liban où les religions se côtoient et sont à l’écoute.

L’interactivité avec le public est au cœur des créations de Marie Khouri. Malgré une certaine perméabilité entre l’art et le design aujourd’hui, selon la sculptrice, « le monde de l’art n’aime pas l’utile. J’aime que les gens puissent toucher mes œuvres. Elles sont faites pour ça. Tout le monde ne peut pas aller dans une galerie ou n’ose pas. La chose la plus belle, c’est la réaction naturelle. Des enfants qui s’amusent à glisser sur une sculpture par exemple. »

« Les villes sont toutes en verticalité mais on ne considère pas assez les espaces à vivre, là où les gens déambuleront. L’un des impacts positifs de la COVID, c’est que ça a créé des terrasses à Vancouver », explique la partisane du partage.

Pour plus d’informations sur Marie Khouri et ses oeuvres : www.mariekhouri.com