A la découverte de la culture artistique indonésienne au Western Front

Pousser la porte de la galerie Western Front pour entrer dans un espace poétique, un temple artistique.

Sriwhana Spong invite le public à explorer les liens qui unissent les générations et les communautés, par-delà les âges, par-delà les océans dans une exposition introspective au Western Front. Exposé du 11 septembre au 27 novembre 2021, The Poem is a Temple porte un regard nouveau sur l’art et explore le concept de parenté en soulignant son importance.

Sriwhana Spong, The painter-tailor (2019). | Photo de Western Front

Artiste néo-zélandaise d’origine indonésienne, Sriwhana Spong vit désormais à Londres. Et c’est sur le chemin de son studio londonien, en passant devant différents magasins de poulet frit ouverts 24 heures sur 24 que Spong note la présence d’os de poulet jetés dans les rues de Londres, décor banal de son trajet quotidien, et a l’idée de sa sculpture Instrument H (Monster Chicken) (2021). Dans cette œuvre d’art évolutive, Spong « établit un lien ludique entre la présence d’os de poulet jetés dans les rues […] et la tradition divinatoire de l’ostéomancie », l’art de lire et prédire l’avenir ou de révéler des secrets en lançant des os et interprétant les motifs obtenus, une pratique antique notamment rencontrée sur l’archipel indonésien. « De cette façon, les os peuvent être lus pour raconter de multiples histoires », explique Susan Gibb, directrice en chef au Western Front et commissaire d’exposition pour The Poem is a Temple.

Et cette large sculpture en os de poulet évolue chaque jour. Elle est activée comme un instrument à 14 h 30 et les différents éléments se déplacent dans l’espace avant d’être posés dans une nouvelle disposition et offrir une nouvelle interprétation d’un éventuel récit du futur. « Dans l’ensemble de l’exposition, on note un intérêt pour le temps, qui s’exprime par le mouvement quotidien de la sculpture. Comme si les relations [humaines] se déplaçaient et changeaient à travers le temps, et l’espace et la nature et la culture, telles des entités interdépendantes, plutôt que […] séparées, qui agissent continuellement les unes sur les autres », explique Susan Gibb.

Langage poétique

Le titre mystique de l’exposition invite également à se recueillir au milieu de ces œuvres d’art. « Le titre est inspiré du récit épique du douzième siècle Bhomāntaka (La mort de Bohma). […] Dans la première strophe du poème, le poète anonyme déclare : “Que son temple soit maintenant fait de langage poétique, un lieu digne pour que Kama (le dieu de l’amour) reçoive une forme visible” », précise Susan Gibb. La prose du Bhomāntaka appelle à faire de la poésie un temple et l’œuvre d’art un lieu sacré, peu importe son support. L’art devient alors un lieu où l’on peut entrer, un espace unique où une relation entre ces mondes, le spirituel et le divin, peut se manifester, un lieu transcendant l’individualité et les frontières terrestres.

Et l’histoire du Bhomāntaka, chef d’œuvre littéraire javanais où les récits de batailles monumentales contrastent avec les envolées lyriques, est représentée dans la peinture du grand-père de Spong, qui est le sujet central du film présenté dans l’exposition. Les références de Spong à son grand-père ou son père lui permettent d’explorer un autre aspect de la culture et de l’identité, porté par les liens de parenté, au-delà des frontières. En effet, Spong a grandi en Aeoteroa (Nouvelle-Zélande), loin du Bali natal de sa famille, où son père est retourné après la séparation de ses parents. « À bien des égards, le film s’inscrit dans un processus d’apprentissage de son histoire et d’une culture dans laquelle elle se trouve à la fois à l’intérieur et à l’extérieur, et dans une réflexion sur la façon dont se forme la parenté », explique Susan Gibb. Cette recherche artistique permet à l’artiste de se rapprocher mais aussi de partager son héritage et sa quête d’identité avec le spectateur. En ouvrant la porte de son temple artistique, Spong n’essaie pas de se limiter à sa seule clé de lecture et n’impose pas son interprétation. Elle permet au contraire à différents points de vue d’exister simultanément : le sien, celui de son père, de son grand-père, et même celui du chien de la famille, Alaska ; et invite ainsi le spectateur à faire de même.

Pour plus de renseignement, visitez www.westernfront.ca/events/the-poem-is-a-temple