Bienveillance et justice pour les personnes en situation de handicap

Photo de Disability without Poverty

Le 19 octobre 2021, l’organisme national Le handicap sans pauvreté a envoyé une lettre ouverte au premier ministre et à la Chambre des communes pour accélérer la mise en place d’une prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap. Ce faisant, le Canada pourrait être le premier à instaurer un revenu minimum garanti pour ce qui représente aujourd’hui dix millions de Canadiens. Deux membres de l’organisme signataire expliquent les raisons de cette lettre.

L’importance de réclamer une accessibilité pour tous dans la vie de tous les jours. | Photo par Richard Eriksson

Selon l’institut de statistiques Angus Reid, les personnes en situation de handicap constituent le groupe minoritaire le plus important au Canada : 22 % des citoyens. Sans prestation spécifiée, environ 1,4 millions d’adultes échappent aux mailles du filet de sécurité, en l’occurrence social, et se retrouvent en situation de pauvreté.
En plus de ce stress financier, il est connu que les personnes en situation de handicap font face à de nombreuses barrières : à l’emploi, à l’éducation, aux activités sociales diverses, mettant à mal leurs espoirs d’un futur à chances égales, dans une société se voulant inclusive.

Un soutien attendu depuis longtemps

Les avancées surviennent souvent pendant les périodes de bouleversements sociaux. Au sortir de la première vague de la COVID 19, en septembre 2020, le gouvernement fédéral avait annoncé lors du discours du Trône vouloir mettre en place une prestation d’invalidité, avec une nouvelle référence dans le budget du printemps 2021. Selon un sondage Angus Reid réalisé en 2020, cette initiative est soutenue par près de neuf Canadiens sur dix (89 %).

Michelle Hewitt, co-présidente de l’organisme et basée à Kelowna, souligne la nécessité de rappeler au gouvernement ce sur quoi il s’était engagé et se dit heureuse qu’à ce jour, près de 4 500 personnes aient signé la pétition. Tous partagent ce but : « Nous voulons que les gens handicapés soient prospères, aient conscience de leur pouvoir, vivent leurs passions et participent à tous les aspects de la société ».

Guillaume Parent, qui est membre de l’équipe de direction, basé à Montréal, explique que « le moment déclencheur pour la lettre ouverte fut les élections fédérales, et le but était d’influencer d’une certaine façon le discours du Trône (de novembre 2021) ». Il déplore qu’il n’y en ait pas eu une seule mention : « Il est difficile de ne pas devenir cynique devant un tel silence radio. Comment un gouvernement peut-il tabler le projet de loi C-36 en juin et ne pas réitérer son intention moins de six mois plus tard ? ». Il met en lumière la façon dont cette population est négligée dans le budget fédéral par le fait qu’il n’y ait « aucun engagement chiffré sur une éventuelle prestation. » Il croit pourtant que « l’allocation peut contribuer de façon importante à l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées ». (Il croit) même qu’ « elle pourrait faire augmenter notre espérance de vie ».

Une situation critique

Sur les lacunes financières évoquées dans la lettre ouverte, il prend l’exemple des différences observées à travers le pays : « D’une province à l’autre, le montant de prestation destiné aux personnes en situation de handicap ayant des contraintes sévères à l’emploi est très inégal […] Qui plus est, les règles de fonctionnement de ces programmes ont pour effet de maintenir ces personnes dans la pauvreté. Par exemple, un prestataire se verra très rapidement couper sa prestation s’il gagne un petit revenu de travail ou s’il met un peu d’argent de côté ».

Michelle Hewitt donne un exemple précis à Vancouver : « Le seuil de pauvreté officiel à Vancouver est de 2 028 $ mais les personnes admissibles à une allocation pour invalidité ne reçoivent que 1 358,50 $. Comme vous pouvez l’imaginer, essayer de survivre tellement en-dessous du seuil est extrêmement difficile. Il faut souvent faire le choix de se nourrir ou de se soigner. » Elle raconte également la situation de Madeline qui a dû souscrire à l’Aide médicale à mourir car lorsqu’elle n’aura plus de ressources financières, elle ne pourra plus continuer à vivre.

Il est important d’insister sur la méconnaissance du type de soutien dont bénéficient les personnes en situation de handicap. « Beaucoup de monde pense que tout est couvert financièrement pour nous et sont choqués lorsqu’ils apprennent qu’il n’en est rien », explique Michelle Hewitt. Pour s’assurer de la bonne compréhension de l’exclusion subie par les personnes en situation de handicap, elle revient sur la dimension d’invisibilité quotidienne : « C’est un cycle qui se reproduit sans cesse : les personnes en situation de handicap sont invisibles, donc elles ne sont pas tenues en compte, donc on les voit encore moins, et on les tient encore moins en compte. »

Comme ils le rappellent, un appui solide du public est une prémisse essentielle pour permettre que chacun soit égal, ait la même valeur. Vous pouvez signer la pétition sur le site https://petitions.ourcommons.ca/en/Petition/Details?Petition=e-3656 jusqu’au 11 janvier 2022.