Jean-Pierre Makosso assure en C.-B. une présence francophone aux résonances africaines

Originaire du Congo, Jean Pierre Makosso est un homme de lettres et de théâtre qui réside aujourd’hui sur la Sunshine Coast en Colombie-Britannique. En 2001, il a fondé Makosso Village, une compagnie culturelle et artistique qui produit des spectacles, des ateliers de contes, de théâtre, d’écriture et de lecture à travers tout le pays. Il s’est également produit à l’étranger. Il publie en février un onzième livre, Le geste d’Auguste, sur la destinée d’un jeune homme, Auguste, sur sa terre natale.

La famille est une source d’inspiration inépuisable. Elle vit dans nos souvenirs pour nous accompagner chaque jour. Mais lorsque l’un de ses membres passe dans l’au-delà, mettre par écrit ces moments de vie permet non seulement de ne pas oublier mais aussi d’apaiser la douleur. C’est ce qui émerge de ce livre et Jean-Pierre Makosso nous invite à le suivre sur le chemin de son village natal.

Une vie sortie d’un conte d’aventure

« Un matin je me dirige sur la rue où ma voiture est garée. Tout près de ma voiture, sa gueule dans ma poubelle, un ours se gave (…) tout en grognant. (…) “Ours écoute, je viens du pays des lions, là-bas ils grondent”. (…) “Ours, je te respecte, je ne te veux aucun mal mais je dois partir, bouge de là s’il te plaît”. » Cette anecdote partagée par Jean-Pierre Makosso est une idiosyncrasie canadienne souvent rapportée par nombre d’immigrants mais elle est aussi révélatrice de la personnalité de l’auteur congolais. Sur son site personnel on peut lire « Rugissez avec le lion, courez avec la girafe et dansez avec les singes. Bougez votre corps au rythme des tambours ». À la question de savoir comment il aborde l’acculturation, comment ne pas être trop déraciné, il explique être un « caméléon » : « Je peux danser d’un pied, de l’autre puis des deux pieds. » Et de partager une nouvelle anecdote sur comment il s’est » baigné dans la neige » lors de son premier hiver passé en Suisse. « J’ai roulé dans la neige et depuis ce jour, je roule toujours sans arrêt. » Il ajoute également que pour trouver la force de rugir comme le lion en ces temps difficiles, « le meilleur conseil c’est de reprendre contact avec la Mère-Nature. »

Jean Pierre Makosso en pleine réflexion. | Photo de ean Pierre Makosso

Pour autant, quel que soit son environnement, même dans la province « Super Naturelle », son identité créative reste la même : « Je ne pense pas que l’environnement de la Colombie-Britannique puisse influer sur mon écriture d’autant plus que je suis un écrivain à plusieurs cultures », dit-il en réponse à la question. Et de lister : « la culture congolaise, française et canadienne ; la culture francophone et anglophone ; la culture de ma tribu, de mes parents et de mon village Yanga ; la culture bantou et la culture africaine. » Il détaille le fait que son écriture est imprégnée de ces identités plurielles, et ce dans toute son œuvre. « Aucune de ses cultures ne va, sans les autres, se jeter dans le fleuve profond de mes mots », analyse-t-il.

Regard sur la francophonie : une ou plusieurs ?

Jean-Pierre Makosso place la francophonie sous les auspices d’une véritable lingua franca. D’où que l’on vienne. Pour lui, le mal du pays trouve remède dans la langue seule. C’est là la seule baguette magique lorsqu’on lui pose la question. « Aucun élément ne me manque dans la francophonie de la Colombie-Britannique. Rien. J’ai la baguette magique : la langue française. Il n’y a pas plus baguette magique que la langue française pour sa francophonie. » Et d’ajouter « Chacun de nous est une baguette magique puisque nous possédons la langue française, ce faisant, chaque baguette magique doit planter un grain pour faire pousser l’arbre de la francophonie. » Ainsi, ours, lion, coq, Saint-Bernard ou autre, chacun peut trouver sa voix où qu’il soit.

Lui qui œuvre pour la francophonie depuis toujours, il apprécie également le fait que sa vision de celle-ci repose sur sa condition de « communauté et non pas (de) système. Elle doit vivre et elle vivra. » Lui qui crée et se produit également en anglais, considère que ce n’est « pas une affaire personnelle ». Pour lui, elle doit servir une histoire et un public avant tout.

La famille : un sujet d’inspiration inépuisable et atemporel

« Notre vie de famille était tellement passionnante qu’elle vaut toujours la peine d’être revécue. Chaque paysage, chaque visage reflétait la joie de vivre », répond-il sur comment l’histoire de « cette imagination littéraire », ce nouveau livre, lui est venue. Il retrace l’idée au décès de celui qui deviendra le personnage principal, Auguste, et qui a justifié son retour au Congo après quinze ans d’absence. Ce personnage lui trottait dans la tête depuis cette année 2015. Si le sujet d’inspiration, ce décès, a été douloureux, « Je l’ai porté dans ma douleur pendant cinq ans ici en Colombie-Britannique », le temps rédactionnel s’est passé dans la douceur et l’apaisement. « En 2020, il y a eu le confinement, et j’ai décidé de faire voyager mon imagination dans mon village natal : Yanga. Auguste et moi avons revécu notre naissance, l’enfance, notre jeunesse et surtout la vie au village et à Pointe-Noire avec nos frères, nos sœurs, nos parents. » C’est peut-être pour cela qu’il a pris le temps, deux ans. « C’est le seul de mes livres que j’ai écrit sans interruption (…) je voulais surtout profiter de la présence d’Auguste et de son narrateur Muana Tossu, très présent dans le livre et qui est un conteur très connu du village de Yanga. »

Jean-Pierre Makosso en plein atelier de théâtre. | Photo de ean Pierre Makosso

Et comme une dernière ligne de roman réussi, il conclut : « En l’écrivant je n’ai eu que de vives émotions de gratitude de ma vie passée. »

Le livre est disponible aux éditions www.dedicaces.ca.
Pour en savoir davantage sur la compagnie Makosso Village et sur l’auteur, rendez-vous sur www.makossovillage.com