Les déclinaisons régaliennes de Roz Marshall

Il Museo célèbre les femmes de pouvoir avec Queens at the Academy : The Courtly World of Roz Marshall. Angela Clarke, conservatrice au Centre culturel italien de Vancouver, revient sur l’exploration du concept même de reine.

Roz Marshall explore la figure de la reine par le biais de portraits de gouvernantes, eux-mêmes empreints de la patte de Botticelli, Holbein ou encore Giorgione. Ces portraits ont été exposés à la Royal Academy
de Londres.

L’exposition, initialement pré-vue en 2020, arrive à point selon Angela Clarke : « Quand on monte une exposition, on ne sait pas toujours vers où elle va aller et c’est comme si elle possédait sa propre vie. Je me suis aperçue que c’était le bon moment car il se passe tant de choses concernant la famille royale d’Angleterre et la monarchie en ce moment ».

La conservatrice déplore qu’un seul mot ne désigne ces femmes de pouvoir en anglais : « Ce n’est pas un mot ni un concept sur lequel nous réfléchissons vraiment. Dans les langues anciennes, nous avons « gravitas » ou encore « autoritas » pour les hommes ».

Le poids de la représentation

La souveraine Elizabeth II, selon la conservatrice, doit construire son image pour remplir sa fonction : « Elle est tenue pour garante, non pas de la moralité mais plus du devoir. Son style de 1952, lors de son couronnement, n’a pas changé. Ce n’était pas une question de mode mais une question de représentation, indifféremment de l’endroit où elle se trouve ».

D’après Angela Clarke, le feu des critiques mettant la famille royale d’Angleterre sur les charbons ardents questionne le poids de la représentation d’une reine : « Avec le chaos entourant la famille royale et les 70 ans de règne de la reine, on parle tous de « l’après ». La reine a 95 ans et une fois qu’elle sera partie, ses enfants n’ont pas eu d’autorité morale comme elle en a eu. J’ai l’impression qu’elle reste en vie à cause de l’instabilité dans sa famille ».

Ce drame familial mis en lien avec les portraits de Roz Marshall mène à des réflexions sur l’avenir du concept selon la conservatrice : « Dans cette exposition, il y a cette idée : est-elle la dernière ? Est-ce que ce mot est en déclin ? ».

Une définition en mouvement

« Est-ce que le concept-même sera totalement différent ? Est-ce que la culture actuelle autour de la reine serait finalement la meilleure conception possible ? », continue de s’interroger Angela Clarke, pour qui la notion de reine s’est démocratisée.

« C’est un archétype et c’est ce qui est si intéressant à propos de Carl Jung. À l’heure où la monarchie est en déclin, que ce soit en Angleterre ou en Suède par exemple, le concept de reine est également en déclin. L’essor de son archétype se fait dans d’autres lieux. En musique, la diva est proche de la reine, quasiment interchangeable », selon Angela Clarke.

« La couleur or est ici fil d’Ariane de l’exposition, tant dans les chevelures que les tenues. » | Photo de Il Centro

Le terme reine s’est également étendu à d’autres communautés : « C’est un mot qui fait désormais partie de la culture gay pour désigner un homme flamboyant (drag queen). Le terme princesse a une dimension totalement différente », explique Angela Clarke.

Le pouvoir absolu ?

La couleur or est ici fil d’Ariane de l’exposition, tant dans les chevelures que les tenues. Or traditionnellement symbole du soleil, l’or se réfère davantage à un principe masculin, comme avec Louis XIV, fameux Roi-Soleil : « Ici, l’idée est de refléter la lumière et de mettre l’aristocratie en avant avec des métaux et pierres précieuses, des choses qui ne sont pas abordables à tous », explique Angela Clarke.

La conservatrice invoque également la lame de tarot de l’impératrice (le tarot, apprécié de Carl Jung) et se penche sur le symbolisme de la reine dans l’Antiquité : « Déméter est associée aux cycles de la vie et des récoltes, et sa fille Perséphone, au changement des saisons. La reine a cet aspect, cet indéfinissable élément de croissance et de renouvellement ».

Responsable de la perpétuation de la monarchie, plus la souveraine prend de l’âge, plus son pouvoir tend à s’intensifier selon Angela Clarke : « Une fois que la femme arrive à la ménopause, elle est au-delà de ses fonctions. La réalité est autre : après avoir eu des enfants, elle est libre de faire ce qu’elle veut. Et personne ne parle de ça. C’est comme si les femmes plus âgées devenaient plus effrayantes à cause de leur pouvoir ».

Cette exposition gratuite est à découvrir au Centre culturel italien avant le 20 mars 2022.

Pour plus d’informations : www.italianculturalcentre.ca