L’inquiétude

Pour ne rien vous cacher, je suis inquiet. Ceux qui me connaissent ne trouveront rien de surprenant à cela : un pessimiste, c’est sa nature, vit toujours dans l’inquiétude, parfois pour se protéger contre les mauvaises surprises en se disant « bien oui, je m’y attendais » ou encore, parfois, pour se sentir bien, heureux et satisfait lorsqu’un malheur n’arrive pas comme prévu.

Mon inquiétude ne se limite pas aux sujets évidents et récurrents tels que le concept de l’avenir du monde selon Poutine ou le risque de voir Poilievre devenir premier ministre du Canada, une menace qu’il ne faut pas exclure. L’arrivée de prochaines pandémies du type COVID-19 peut s’avérer tout aussi préoccupante. La prolifération des massacres en série comme celui de Buffalo par exemple avec, à l’origine semble-t-il, la théorie du « grand remplacement » qui trouve de plus en plus d’adeptes parmi les suprémacistes blancs, ces petites cervelles de vauriens minables qui se nourrissent d’une haine propagée par des leaders diaboliques sans scrupule; oui, c’est bien triste à dire : ces tueries ne me rassurent guère sur l’avenir du genre humain. Elles remettent en question les raisons d’être de notre civilisation. Tant qu’à faire, autant que celle-ci finisse si c’est la direction vers laquelle elle se dirige.

À un degré moindre, j’ai d’autres sources d’inquiétude qui alimentent mes journées. Vous devez vous demander « mais qu’est-ce qu’il a à continuellement s’inquiéter, ce gugusse-là ? ». Malgré la réticence naturelle que j’éprouve à me confier, je dois vous dire que j’ai toutes les raisons du monde d’être inquiet ces temps-ci. Regardez les taux faramineux du prix de l’essence. Je ne pense pas trop m’engager en avançant que ce n’est qu’un début. Je pourrais vendre le peu d’essence qu’il me reste actuellement dans le réservoir de ma petite voiture et faire fortune. Avec un pareil butin je serais en mesure de nourrir pendant un mois, sans faire de régime, toute ma famille immédiate. C’est vous dire jusqu’à quel point l’essence est cher. Ces tarifs abusifs du carburant me chagrinent d’autant plus que, dans la foulée, on m’invite à blâmer le conflit russo-ukrainien ainsi que le gouvernement provincial pour le prix élevé à la pompe. Jusqu’à un certain point je veux bien accepter cette justification mais lorsqu’on m’annonce, tout naturellement comme si de rien n’était, que les compagnies pétrolières se portent merveilleusement bien en faisant d’énormes profits alors que je suis, comme bien d’autres d’ailleurs, en train de me serrer la ceinture, je me demande : de qui se moque-t-on ? Cela m’inquiète au plus haut point que l’on nous prenne pour des imbéciles ou encore des bonnes poires.

« Entre autres inquiétudes, les taux faramineux du prix de l’essence. » | Photo par Carribb

Autre inquiétude à signaler : la montée de la criminalité partout au monde; la région vancouvéroise ne faisant pas exception. Il suffit de regarder chaque soir les nouvelles à la télé pour se rendre compte jusqu’à quel point notre société part à la dérive. Qu’il s’agisse d’actes de vandalisme, de vols à l’étalage ou, carrément, d’attaques de personnes qui avaient le malheur d’être sur le passage d’individus détraqués, tout pointe vers une sérieuse défaillance au sein de nos sociétés. Ajoutez à cela ces gestes homophobes, misogynes, racistes perpétrés à longueur de journée mettant surtout en évidence l’impuissance de la police et des gouvernements face à cette exécrable situation. Oui, il y a de quoi être inquiet. J’en arrive au point où je me demande si je ne ferais pas mieux de me barricader chez moi, de ne plus jamais sortir, de me faire livrer la nourriture à domicile, de parler et de rencontrer le monde uniquement sur zoom. Ce ne serait pas idéal mais, au moins, j’économiserais sur le prix de l’essence, ce qui n’est pas à négliger par les temps qui courent… à leur perte.

Non, vraiment, sérieusement, je suis inquiet. Nous assistons à la déroute de notre civilisation et je suis là à me croiser les doigts et me tourner les pouces, à ne rien faire, à me morfondre en rêvant à des jours meilleurs qui, je le sais, je le sens, ne sont pas près d’arriver. En ce moment, je ne peux le cacher, je suis abattu, démoralisé et ce n’est pas parce que des astronomes ont dévoilé la toute première image du trou noir supermassif qui se trouve au centre de notre galaxie que cela va m’empêcher de broyer du noir. Bien au contraire. En tant qu’athée en attente, je confesse éprouver une certaine crainte envers moi en songeant à ce qui m’attend au-delà de mon trépas : vais-je aller au ciel, que je ne mérite pas, ou atterrir au fin fond de ce trou noir ? Je n’en ai pas la moindre idée et cela m’inquiète.

Une opinion sur “L’inquiétude

  1. Est-ce que ça va mieux Castor? Souvent exprimer ses peurs suffit à les apaiser… en les passant aux autres, merci bien, mon degré d’angoisse vient de battre un record.

Les commentaires sont fermés.