Une langue pour ne rien dire

Mise en garde : cet article, interdit aux moins de cinq ans et démuni de tout bon sens, peut contenir des éléments de nature provocante. Toute personne souffrant d’un puritanisme excessif devrait s’abstenir d’en faire la lecture. À lire donc avec bienveillance et prudence. L’auteur décline toute responsabilité en cas d’accident cardiaque ou autres.

La loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, adoptée le 24 mai dernier, fait, c’est le moins que l’on puisse dire, beaucoup parler d’elle. Vous me direz, car vous n’avez pas votre langue dans votre poche, une langue, entre autres, ça sert à ça : parler. Donc parlons de la langue, un excellent sujet de conversation.

Pas question pour moi de m’embarquer dans une polémique avec pour enjeu la querelle linguistique. Non, je laisse cela à ceux et celles qui aiment faire des histoires ou qui s’intéressent à l’histoire des conflits sur le sujet. Il est important de comprendre, une bonne fois pour toutes, que le débat politique sur les langues officielles au Canada fait partie de notre ADN; il est en nous et sera encore là lorsque je ne serai plus là. Mettons donc de côté cette lutte ou combat mental le temps de cette chronique. Linguistes et puristes vous pouvez toujours remettre cet exercice futile, puéril et onéreux, à plus tard.

« … je me complais dans ma langue maternelle qui, fort mal nommée, est bien ma langue mais non pas celle de ma mère… »

Mon attention se porte surtout sur l’usage de la langue, sur son utilité, ce que nous en faisons. Là encore, petite parenthèse qui n’apparaît pas ici afin d’éviter la redondance et le gaspillage de son signe de ponctuation, je dois vous demander de ne pas avoir l’esprit mal tourné et de ne pas voir dans mon propos une invitation à des pensées que je qualifierais d’indécentes, choquantes, déplacées et saugrenues. N’en déplaise aux hédonistes et aux autres adeptes d’Épicure et du cunnilingus, sans aller dans le détail, je peux affirmer que la langue a d’autres fonctions que celle de procurer un plaisir charnel. La langue étant un organe du goût, vous avez le droit de me rabrouer en faisant valoir que mon discours manque de goût et qu’au fond en fin de compte il vous dégoûte. Je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet car je tiens à tenir ma langue, comme promis à mon petit doigt qui veut bien me gratter l’oreille mais pas la langue.

Je sais, je sais, avant d’avancer de pareilles sottises je ferais mieux de tourner ma langue sept fois dans ma bouche plutôt que de me lancer dans une diatribe qui risque de terminer dans un cul-de-sac. À cela je n’ai plus grand chose à ajouter. C’est un peu comme si j’avais avalé ma langue, comme si je l’avais perdue. Perturbant, cette situation.

Ceci étant dit, passons à l’essentiel de mon badinage : la langue parlée et écrite au cœur d’expressions courantes et très familières (Dieu sait s’il y en a). D’emblée, vous l’avez saisi, je me complais dans ma langue maternelle qui, fort mal nommée, est bien ma langue mais non pas celle de ma mère puisque cette dernière a adopté la langue de mon père qui, lui, parlait le français comme un perroquet espagnol dont la langue bien pendue nous créait des soucis.

Parlant de soucis ou de préoccupation, que dire du cheveu qui, figurativement, se pose sur ma langue quand je parle. Depuis ma naissance, c’est donc dans mes gènes, je zozote et tire la langue plutôt que de faire un doigt d’honneur lorsque quelqu’un se moque de moi. Vous me direz, cela est préférable à une langue qui fourche continuellement à tel point qu’il m’arrive très souvent de dire solitaire au lieu de solidaire et vice versa.

Ah ! Si la langue pouvait parler, elle aurait tant de choses à raconter. Pour commencer elle pourrait nous parler de tous ces gens à la langue de vipère, des mauvaises langues en somme, toujours prêts à médire dès que l’occasion se présente. La langue serait aussi en mesure de nous pointer du bout des lèvres et non du doigt, tous ces politiciens, ils sont nombreux, pratiquant tout comme moi, sans vergogne, la langue de bois.

Finalement que penser de cet homme politique à la langue fourchue qui un jour, à ma grande peine, pour notre plus grand malheur, se verrait bien devenir premier ministre du Canada ? Oui, vous voyez de qui je veux parler. Son nom m’échappe. Je l’ai pourtant au bout de la langue. Allons voyons, oui…euh…non ça ne vient pas. Aidez-moi. Tant pis, j’abandonne, je donne ma langue au chat.