Bonnie Lépine Antoine, une éducatrice engagée

Les élèves autochtones francophones du Conseil scolaire francophone (CSF) de la Colombie-Britannique peuvent se réjouir de se trouver entre les bonnes mains de Bonnie Lépine Antoine. Franco-britanno-colombienne, Bonnie Lépine Antoine a été nommée Directrice de l’éducation autochtone au CSF de la Colombie-Britannique en janvier 2022. Portrait d’une femme d’action engagée.

Bonnie Lépine Antoine | Photo de Conseil scolaire francophone (CSF) de la Colombie-Britannique

Bonnie Lépine Antoine, d’un père Métis Cri de la région de la rivière Rouge, à Batoche, en Saskatchewan et d’une mère huronne du Québec, fait partie de la première génération diplômée du programme francophone à Victoria. « J’ai fréquenté l’école Victor-Brodeur de la maternelle à la douzième année », explique-t-elle fièrement.

Son rôle est de veiller sur les 500 élèves de souche autochtones. « Je dois faire en sorte qu’ils réussissent parce qu’il n’y a pas longtemps, il n’y avait que 50% de nos élèves autochtones qui réussissaient. C’est donc pourquoi ce poste a été mis en place. Mais ce poste vise aussi à promouvoir l’éducation autochtone à travers tout le système », affirme cette mère de trois enfants.

Épouse du chef de la communauté Bonaparte (St’uxwtews), Bonnie Lépine Antoine travaille depuis des années pour briser les préjugés : « Quand j’ai eu mes enfants, je me suis dit : “Il nous manque tellement de choses au niveau de la culture qu’on ne peut pas transmettre.” Donc j’ai passé les 15 dernières années à m’approprier la culture, celle de mon mari surtout. Je me suis enseigné à moi-même par l’entremise des aînés et je me suis mise en circulation pour pouvoir transmettre. La précédente génération, ça a été la colonisation, et les familles ont honte d’être parmi les peuples autochtones. Cette honte a créé une assimilation et les programmes scolaires n’ont pas aidé. Je ne veux pas que mes enfants aient honte de leur héritage ! »

Une approche adaptée de terrain

Pour la directrice de l’éducation autochtone, l’action locale est au cœur de sa démarche. « Les approches, c’est une perspective. Ce n’est pas juste avoir une ressource dans les salles de classe, ce n’est pas ça qui est important, sincèrement. Il y a une perspective d’aller dans la nature, de vraiment étudier notre environnement local et les peuples de cette région. »

Elle cherche également à rassembler les générations : « On parle aussi d’une approche communautaire, donc enseigner à partir de la communauté. Rentrer en contact avec nos aînés francophones par exemple. »

Très humble, elle admet ne pas être une « spécialiste en tout » et se tourne vers les experts et une approche de terrain : « Dans la salle de classe, avec la communauté francophone, pour l’histoire en 7e année, on fait de l’archéologie avec l’Antiquité et je me demandais comment rendre ça plus authentique. Je me questionnais et je me suis dit qu’il fallait aller faire des fouilles archéologiques avec les peuples autochtones de la région. En sciences de la vie, on parle beaucoup des cellules et des maladies. Mais il y a tout l’aspect des remèdes traditionnels autochtones, des plantes, l’argile traditionnelle qui guérit. »

Bonnie Lépine Antoine met aussi l’accent sur la tradition orale et la transmission intergénérationnelle. « Quand on parle de toute une perspective autochtone, on parle de l’art de conter les histoires, cet aspect folklorique, aussi pour la communauté francophone. Nos élèves sont en milieu minoritaire (francophone). Faire des présentations sans outils, sans Powerpoint, raconter une histoire sans lire. Je voulais qu’on revienne à ça, l’art de conter des histoires, juste avec des photos à la rigueur. »

Encourager les élèves et tenir en compte les individus sont des composantes essentielles de ses approches : « Dans nos communautés traditionnelles, chaque enfant est né avec des forces. On n’est pas tous pareils. C’est ce que je valorise : les forces de chacun. On a tendance en éducation à valoriser les faiblesses. J’ai même des élèves qui ont gagné des concours d’art oratoire nationaux et qui avaient des problèmes d’apprentissage graves. Je voyais que leur force était à l’oral et ils ont gagné la première place au niveau national. Ça fait partie de l’approche de perspective autochtone, de mettre en valeur les forces et de les encourager à aller plus loin là-dedans. »

L’exemple franco-colombien pour le pays

Bonnie Lépine Antoine déplore un retard dans les autres provinces concernant la reconnaissance des peuples autochtones : « On est la seule province à faire la reconnaissance territoriale. On ne voit pas ça ailleurs. C’est devenu une norme pour nous mais dans d’autres provinces, ils ne savent même pas ce que c’est. »

Actuellement au Québec pour travailler à la réconciliation avec des non-autochtones, elle explique apprendre énormément et fait le constat d’une vraie avancée en terme d’éducation autochtone en Colombie-Britannique : « Ma mère est huronne mais je n’ai pas grandi ici. Je n’ai pas beaucoup de connaissances mais on est vraiment plus avancé au niveau de l’éducation autochtone en Colombie-Britannique par rapport aux autres provinces. »

Elle se félicite notamment des exigences autochtones mises en place de quatre crédits d’exigences autochtones obligatoires pour le diplôme de 12e année par le ministère de l’éducation avec le First Nations Committee qui devraient être en vigueur l’année prochaine ou dans deux ans. Ces cours d’histoire et de culture pourraient inspirer les conseils scolaires à travers toute la nation.

Loin de se reposer sur ses lauriers et de rester centrée sur la Colombie-Britannique, Bonnie Lépine Antoine défend une représentation des peuples autochtones du pays. Elle cherche à créer une cohésion et une promotion culturelle nationale : « Les peuples autochtones aussi bien que les peuples non-autochtones doivent comprendre les réalités des peuples autochtones à travers le Canada par des cours de langue et autres. Mais on n’est pas près de faire la réconciliation. »

La reconnaissance des Métis

Bonnie Lépine Antoine a aussi à cœur de mettre la culture Métis en valeur dans les programmes scolaires, une composante actuellement absente.

« Pour moi, ça devrait être 70% sur les peuples autochtones de la Colombie-Britannique mais 30% sur les peuples en dehors de la Colombie-Britannique et même dans ces 30%, un 10% réservé aux peuples Métis parce que les Premières Nations ne connaissent pas les nations Métis et ne les comprennent pas. Il y a beaucoup de préjugés venant des communautés autochtones. Je pense que c’est important d’éduquer tout le monde. C’est de ça qu’on a besoin », explique-t-elle.

Son prochain objectif est déjà en ligne de mire pour l’année prochaine : « Je vais me concentrer sur l’identité parce qu’avec toute la colonisation, les pensionnats, quand on demande aux élèves d’où ils viennent, ils ne savent pas trop. Pour moi, l’identité, c’est très important. Je pense que ça peut guérir leur être. Parfois, on ne sait pas pourquoi on est comme on est. En sachant (son histoire), ça peut guérir les blessures qui sont transmises de génération en génération. »

Enseignante pendant plus de 15 ans dans le système francophone pour les classes de la 4e à la 10e année, Bonnie Lépine Antoine a obtenu le prix Idéllo d’excellence en enseignement en avril 2022, une récompense largement méritée pour sa vision d’avenir.

Pour en savoir plus, visitez : https://www.csf.bc.ca/nouvelles/le-csf-annonce-la-nomination-de-mme-bonnie-lepine-antoine-au-poste-de-direction-de-leducation-autochtone