Perspectives autochtones : Le parcours de Mary Two-Axe Earley dans « Je suis redevenue indienne »

Le documentaire Mary Two-Axe Earley : Je suis redevenue indienne ou en anglais Mary Two-Axe Earley : I Am Indian Again témoigne de la percutante histoire d’une figure incontournable de la défense des droits des femmes au Canada : Mary Two-Axe Earley. Pendant plus de 20 ans, Mary a lutté contre la discrimination sexuelle à l’égard des femmes des Premières Nations, en particulier dans la Loi sur les Indiens du gouvernement canadien.

À l’aide d’archives inédites, la cinéaste mohawk Courtney Montour établit un dialogue profond et personnel avec cette femme engagée, aujourd’hui disparue. Son film livre ainsi un vibrant hommage à celle qui a osé dénoncer les politiques sexistes et génocidaires d’un gouvernement qui privait les femmes des Premières Nations et leurs enfants de leur statut d’Indiens en cas de mariage à un non-Indien. Dans ce documentaire, Courtney Montour s’entretient avec Nellie Carlson, militante crie et amie de Mary qui a cofondé l’organisme Indian Rights for Indian Women. Elle rencontre aussi trois générations de membres des Premières Nations, directement dans la cuisine de Mary à Kahnawà:ke. Chacun et chacune célèbre ainsi l’héritage d’une Mohawk qui, avec des alliées partout dans le pays, a su rétablir le statut d’Indiens de milliers de femmes et d’enfants des Premières Nations.

Faire fi de la femme autochtone en tant que membre de la société à part entière

Même si les efforts de Mary ont payé, le sexisme qui s’est perpétué a causé pour plusieurs générations de la violence, de la haine et une déconnexion culturelle. Le traumatisme intergénérationnel est un traumatisme transmis de génération en génération. La dévalorisation de la femme autochtone est liée à un système patriarcal euro-centrique dominant, qui fait fi de la femme autochtone en tant que membre de la société à part entière.

Photo de l’ONF

Depuis les premiers contacts avec les non-Autochtones, les femmes autochtones ont été rabaissées, considérées comme des objets sexuels et exploitées. Les attitudes et les outils d’oppression ont été enchâssés dans la loi canadienne, ce qui a engendré à leur endroit une haine ouverte et systémique, du racisme et de la violence. Le manque d’empathie et de compassion à l’égard du nombre affligeant de Femmes et de Filles Autochtones Disparues et Assassinées (FFADA) est une conséquence directe des politiques et des attitudes qui perpétuent leur dénigrement. En dépit de ces attitudes et de ces politiques dont le dessein est l’oppression et l’extinction, de nombreuses femmes vont de l’avant, pour créer ou rétablir un lien et raviver leurs droits inhérents ainsi que leur identité culturelle.

Mary Two-Axe Earley et la Loi sur les Indiens

Pendant plus de 145 ans, le gouvernement fédéral s’est servi de la Loi sur les Indiens pour tenter de réduire la population indienne et pour débarrasser le Canada du soi-disant « problème indien ». La Loi sur les Indiens de 1876 définit qui est indien et qui appartient à une « bande indienne » (aujourd’hui appelée Première Nation). L’objectif était l’assimilation des Indiens dans la population générale, afin que le Canada puisse faire l’acquisition des terres et des ressources indiennes restantes et réduire les obligations financières auxquelles il s’était engagé en signant des traités avec les Premières Nations. Le gouvernement fédéral a sciemment visé les femmes indiennes et leurs enfants, en les éloignant de leur communauté et en les privant du statut d’Indien (obtenu par inscription) lorsqu’elles épousaient un homme non indien. Les hommes indiens, en revanche, ne perdaient pas leur statut d’Indien lorsqu’ils se mariaient à une femme non indienne. Mary Two-Axe Earley a rallié des femmes de Premières Nations de partout au pays dans un mouvement exigeant l’égalité des sexes pour les femmes des Premières Nations et leurs enfants et la restitution de leur statut d’Indien. Plusieurs remises en question de la législation canadienne discriminatoire inspirées par Mary ont porté leurs fruits et des amendements ont été apportés à l’inscription des Indiens, notamment dans les projets de loi C-31 (1985), C-3 (2010) et S-3 (2019).

La cinéaste Courtney Montour est une Kanien’kehá:ka (« Mohawk ») de Kahnawake. Au moyen du documentaire et des médias numériques, elle explore des thématiques ayant trait à l’identité autochtone. Elle a réalisé, écrit et coproduit Flat Rocks (2017), un court métrage révélant comment le développement de la voie maritime du Saint-Laurent a irrémédiablement changé le paysage et les moyens d’existence de la communauté mohawk de Kahnawake. Son premier documentaire, Sex Spirit Strength, a remporté le Prix de la meilleure œuvre du festival et le Prix du ou de la cinéaste de la relève au Festival du film de Yorkton. Elle a réalisé plusieurs épisodes de séries documentaires, notamment Mohawk Ironworkers (2016) et Skindigenous (2021). Courtney Montour a cofondé et coordonné pendant huit ans le programme d’études autochtones sur le terrain de l’Université McGill, tenu à Kahnawake. Reflétant sa passion pour l’éducation, ce cours traitait des effets intergénérationnels de la colonisation et des politiques canadiennes sur la société autochtone contemporaine.

La Dre Pamela Palmater est une avocate et une professeure micmaque qui se spécialise dans le droit autochtone, la souveraineté et le développement des nations.

Pour en savoir plus à son sujet : www.pampalmater.com, www.onf.ca