« Time For the Planet » : la société d’investissements pour le climat

Lorsqu’on termine une formation sur le climat auprès des adultes, il arrive souvent qu’une personne pose la question des investissements. « Comment peut-on mettre son argent au service du climat ? »

La question n’est pas facile puisqu’on sait bien que l’argent investi dans une société ou un fonds spéculatif travaille pendant que l’investisseur dort. C’est d’ailleurs tout le but de l’opération. Mais on sait aussi que cet argent alimente une forme d’activité économique qui porte un risque : celui que l’investissement génère des consommations énergétiques et matérielles plus ou moins importantes, qui vont à leur tour engendrer des pollutions et des destructions environnementales plus ou moins importantes.

Alors que faire de cet argent excédentaire ? Le consommer, le détruire, le donner ? Cette question n’est réservée qu’à une toute petite partie d’une population mondiale qui ignore trop souvent son privilège, il faut bien le rappeler. Cependant, au rythme auquel s’aggravent les choses pour la planète, ça vaut la peine de s’intéresser à toutes les innovations en faveur de la décarbonation.

Time for The Planet (ci-après « TFTP ») est une société d’investissements qui promet à ses actionnaires de leur reverser des « dividendes climat ». Cette société sans but lucratif a été créée en France à Lyon en 2019. Elle lève des fonds auprès des citoyens et des entreprises qu’elle réinvestit dans des innovations à fort potentiel de décarbonation.

Pour qu’une innovation soit éligible, le fondateur expliquait sur Youtube qu’il y a deux conditions. D’une part, l’innovation doit être sous licence libre afin de pouvoir se déployer rapidement (exit alors les innovations techniques sous brevet dont on ne sait pas si le but premier est de sauver le climat ou de créer une rente…). D’autre part, l’innovation présente un potentiel de réduction des émissions mondiales d’au moins un pour cent une fois son déploiement parachevé. En volume, on parle ici de solutions représentant un demi-milliard de tonnes de CO2 par année (c’est l’équivalent des émissions annuelles d’un pays comme la France).

Time For The Planet (TFTP) est un ovni juridique. Cette société d’un genre nouveau s’adresse à des actionnaires d’un genre particulier. À la lecture des statuts de TFTP, on découvre que le salaire du gérant de la société ne pourra excéder de plus de quatre fois le salaire minimum. Un tel marqueur de militance sociale est bienvenu dans une époque où les inégalités de revenus sont devenues intolérables.

Plus fort encore ! TFTP affiche fièrement sa promesse auprès des investisseurs : aucun dividende financier ne sera reversé tant que le réchauffement climatique ne sera pas revenu à +0°C par rapport à l’ère préindustrielle ! C’est-à-dire jamais ! Pour des raisons physiques bien connues de tous bon « fresqueurs » et autres climato geeks, la perspective d’un refroidissement climatique n’existe pas, ce que l’on tente ici, c’est juste de freiner le réchauffement.

Beyond Sea installe des kites sur les navires.

Alors pourquoi investir de l’argent si ça ne rapporte rien financièrement ?

TFTP joue sur les critères extra-financiers. Réduire les émissions, ça rapporte ! Un changement climatique moins rapide que la trajectoire actuelle, ça compte. Contribuer à éviter l’émission de centaines de tonnes de carbone dans l’atmosphère, ça fait du bien et ça rapporte en terme d’image. Espérer que des millions rejoignent le mouvement TFTP, ça donne de l’espoir. Ils sont déjà cinquante-sept mille actionnaires chez TFTP. En 2022, c’est douze millions d’euros qui ont été levés (seize millions de dollars canadiens), et pour 2030, l’objectif est fixé à un milliard d’euros.

La motivation des créateurs de cette initiative est contagieuse. Incontestablement, cette initiative donne de l’espoir aux quelques dizaines de milliers d’actionnaires qui affichent fièrement leur appartenance au mouvement sur LinkedIn. Et rien que ça, au temps de l’urgence climatique, il faut savoir s’en réjouir.

À date, une poignée de projets a été financée. Cool Roof France développe des revêtements réflectifs pour les toitures afin de limiter les phénomènes d’îlot de chaleur et réduire la consommation énergétique liée au refroidissement des bâtiments en été (adaptation). Beyond Sea installe des kites sur les navires pour réduire leur consommation énergétique de fioul et donc leurs émissions (atténuation). D’autres projets sont à découvrir sur leur site internet.

J’ai ouï dire qu’ils voulaient se déployer rapidement à l’international, en commençant par Londres. Y aurait-il une place pour Time For The Planet à Vancouver ? Aux amateurs…

Aloïs Gallet
Juriste, économiste, co-fondateur EcoNova Education et Albor Pacific Conseiller des français de l’étranger