Amour, confusion et retour

Des portraits pour raconter Baguio, la ville des pins, perchée dans les montagnes de l’île de Luzon aux Philippines. La photographie pour explorer les identités plurielles des Philippins vivant dans l’archipel ou faisant partie de la diaspora.

Présentée jusqu’au dimanche 8 janvier 2023 à la Polygon Gallery de North Vancouver, cette nouvelle exposition, très justement nommée Home Sweet Home, fait découvrir les Philippines sous deux angles de vue différents : celui d’un missionnaire belge venu aux Philippines et celui beaucoup plus personnel de l’artiste, Rydel Cerezo, né à Baguio.

To Belgium par Rydel Cerezo. | Photo de Rydel Cerezo

Rencontre

C’est à la suite d’une rencontre amoureuse que Rydel Cerezo découvre les photos d’Armand Lammineur, un missionnaire catholique belge parti aux Philippines, où il immortalisa la ville de Baguio, ses alentours et ses habitants dans de très nombreux clichés photographiques dès les années trente. Rydel Cerezo se trouve alors en Belgique et vit une relation avec un des membres de la famille élargie du missionnaire. Ce lien inespéré entre le partenaire de l’artiste et sa ville natale pique la curiosité du photographe qui redécouvre Baguio dans les clichés noir et blanc et les photos colorisées du Frère étranger. Le photographe apprend alors que des membres de sa propre famille connaissaient le missionnaire, et des liens se tissent entre les archives du Frère et l’expérience de l’artiste, entre Baguio vue de l’extérieur et Baguio vécue par l’artiste. Le missionnaire Armand Lammineur était logé dans un séminaire appelé Home Sweet Home qui hébergeait les religieux belges en mission à Baguio.

Sentiment d’appartenance

Scout par Rydel Cerezo. | Photo de Rydel Cerezo

Mais dans son exposition Rydel Cerezo donne un sens plus large à cette expression. « L’idée de cette exposition est née de mon expérience face à la désillusion de ma relation avec le descendant de Lammineur qui était mon partenaire de l’époque », raconte le photographe avant d’ajouter « Home Sweet Home n’est pas seulement devenu un moyen pour moi de donner un sens à mon héritage, mais aussi, de manière inattendue, un moyen pour moi d’analyser des sentiments plus universels de chagrin et de perte ». L’artiste explore alors le sentiment même d’appartenance, de perte, le confort d’un foyer aussi bien que la sécurité trouvée dans une relation. Et, au-delà du sentiment d’appartenance à une communauté ou une culture, l’idée de représentation de ces communautés et cultures dans les arts et les médias est aussi au cœur de Home Sweet Home. Ces portraits expressifs et délicats capturent différentes facettes de l’identité philippine d’hier et d’aujourd’hui, tout en cristallisant cette dernière. « La représentation, aussi vitale soit-elle, est une chose nébuleuse qui, paradoxalement, omet ce qu’elle identifie. Dans cette optique, je me suis davantage concentré et intéressé à partager UNE expérience philippine plutôt que l’expérience philippine », explique l’artiste. Car pour Rydel Cerezo, la photographie est aussi un moyen de s’intéresser à l’appartenance simultanée à la culture philippine et la communauté LGBTQ+.

« Je pense que les artistes marginalisés ont peur lorsqu’ils explorent les spécificités de leurs cultures et expériences respectives – dans quelle mesure appartenons-nous à notre et aux autres ? De plus, qui d’autre s’en souciera et écoutera ? », s’interroge le photographe. Cette intersectionnalité et le travail de l’artiste dans Home Sweet Home permettent à chaque cliché photographique de raconter à la fois un vécu personnel et de leur donner, par l’art, un langage universel. « Au cours de cette exposition, j’espère pouvoir exprimer qu’avec beaucoup d’égards et de douceur, la recherche de sa propre vérité émotionnelle est une expérience universelle », confie l’artiste.

Rydel Cerezo. | Photo de Rydel Cerezo

Désorientation délibérée

L’exposition Home Sweet Home crée également une désorientation délibérée entre les œuvres et les tentatives du public d’identifier quelles photos appartiennent à quel photographe. « Il y a des moments où les spectateurs essaient de m’identifier dans les images de Lammineur – me confondant avec l’un de ses sujets », précise l’artiste avant d’expliquer ce choix de confusion délibérée : « La confusion crée un troisième espace en dehors non seulement des identifications binaires au sein de la sexualité et du genre, mais aussi du temps où les corps et les expériences peuvent exister sans avoir besoin de s’assimiler à des systèmes de compréhension rigides ». C’est en permettant au public d’accepter cette confusion que Home Sweet Home libère des préjugés, des étiquettes sociales et redéfinit le sentiment d’être
« chez soi ».

Pour plus d’informations sur l’exposition, visitez : www.thepolygon.ca

Pour plus d’informations sur l’artiste, visitez : www.rydelcerezo.com