L’hégémonie de la langue anglaise à la loupe du duo Alibaba

Au commencement était l’énigme. C’est avec ces mots que commence le court métrage présenté dans Alibaba Conundrum [l’énigme d’Alibaba], exposition organisée par Griffin Art Projects de North Vancouver. L’exposition est le produit d’Alibaba conundrum, le duo d’artistes composé d’Ali Ahadi et Babak Golkar. Les deux artistes ont associé leurs prénoms et leur génie pour étudier le défi imposé par l’hégémonie de la langue anglaise.

Présentée jusqu’au 7 mai 2023 dans les locaux de Griffin Art Projects, the Alibaba Conundrum utilise l’art, les références de culture populaire et des extraits audio pour explorer les liens entre le pouvoir de l’économie politique, le système politique et l’hégémonie linguistique.

Le duo Alibaba conundrum. | Photo des artistes

Langue anglaise & hégémonie

Le titre, subversif et accrocheur, pourrait faire croire qu’il s’agit de deux artistes présentant leurs cultures en anglais. Mais, au contraire, Alibaba Conundrum a pour sujet principal la langue anglaise et son hégémonie. Et, loin de faire un simple constat, le collectif Alibaba conundrum propose une nouvelle utilisation de l’anglais pour créer plus de sens, afin de susciter une nouvelle opportunités sémiotiques en ouvrant les mots anglais à de nouvelles significations et de nouveaux usages, et mésusages. Les artistes éclairent les visiteurs sur le lien entre le domaine de l’économie politique et l’omniprésence de l’anglais, tout en réutilisant ces thèmes dans leur travail pour leur offrir de nouvelles perspectives.

« Nous pensons que ce qui a fait de la langue anglaise une langue hégémonique est une négociation constante entre une économie politique très néolibérale, un capitalisme tardif et une superstructure idéologique et religieuse qui, dans ce cas[-là], est la langue anglaise et le christianisme … » explique Ali Ahadi. L’hégémonie de l’anglais est alors vue et étudiée comme l’effet direct d’une logique de capital, et non sous une approche identitaire, précise le duo. Les références religieuses, artistiques et culturelles sont ici soigneusement mélangées pour illustrer la dialectique derrière Alibaba Conundrum, des citations bibliques, aux films hollywoodiens, des extraits de discours de D. D. Eisenhower et de George W. Bush, des photos de tableaux et de musées, ainsi que des extraits sonores du film français de Jean-Luc Godard Ici et ailleurs.

Commandements

En comparant la domination de l’anglais sur la scène internationale actuelle au Prologue de l’Évangile selon saint Jean, puis au Dix Commandements, le court-métrage 10 + (-5) Commandments d’Alibaba conundrum révèle aux visiteurs le prisme par lequel chacun perçoit le monde : celui de la langue anglaise. La version originale du Prologue selon saint Jean reste : « Au commencement était le Verbe », mais l’énigme d’Alibaba dont il est question peut s’écrire grâce à ces cinq mots. Comment est-il possible de dire ou d’écrire sans avoir vu ?
Et s’il est possible de voir en premier, comment est-il possible de dire sans savoir prononcer, sans connaître le mot, la langue ? Chaque visiteur, chaque personne, fait face à ce défi dû à l’omniprésence de l’anglais au quotidien. Il est souvent nécessaire de pouvoir comprendre et répondre en langue anglaise et chacun se retrouve touché par sa capacité individuelle à maîtriser la langue de Shakespeare. Ou, le cas échéant, cette incapacité à maîtriser et utiliser l’anglais affecte également la personne exclue par l’hégémonie de la langue. À ces questions philosophiques posées dans ce court métrage répond une voix de patriarche « Comment pourriez-vous être celui qui […] voit, alors que le monde vous est donné déjà vu, interprété et énoncé dans cette langue et ses mots anglais. » Et pour sortir de ce casse-tête par rapport à une langue hégémonique, Alibaba conundrum propose d’utiliser la langue différemment, d’être beaucoup plus créatif avec l’utilisation de la langue de Shakespeare et de donner de nouveaux sens à ces mots anglais rencontrés quotidiennement. l’Alibaba Conundrum propose aux visiteurs de faire l’expérience physique de ce filtre de la langue anglaise en évoluant à travers l’installation artistique, mais aussi de voir cette langue sous un nouveau jour en se réappropriant des mots comme des étudiants qui découvrent l’anglais et affublent ces nouveaux mots de sens biens éloignés des définitions trouvées dans le dictionnaire.

Expérience

« Nos histoires personnelles peuvent nous relier à la problématique globale de l’hégémonie [de la langue anglaise] », ajoute Ali Ahadi. Et c’est le vécu et l’expérience de chaque visiteur qui rend l’expérience de “l’énigme d’Alibaba” unique. Chaque visiteur, anglophone, bilingue ou utilisant l’anglais comme langue seconde, a son propre rapport à l’anglais avant the Alibaba Conundrum…Et chaque visiteur repart avec sa perception de la langue, voire de son propre environnement, changée par l’expérience même de l’énigme d’Alibaba et de toutes les réflexions qu’elle soulève.

Pour plus d’informations visitez : www.griffinartprojects.ca/exhibitions/alibaba-conundrum