Protection de la pluralité des expressions culturelles : Des avancées et des menaces, la cohésion canadienne demeure fragile

Le 21 mai, la planète entière célèbre la Journée mondiale de la diversité culturelle. Cet événement, organisé par l’UNESCO, est une occasion de dresser un portrait grandeur nature du Canada concernant la protection de la diversité des expressions culturelles. Un enjeu plus important que jamais en 2023. Quatre-vingt-neuf pour cent de tous les conflits actuels ont lieu dans des pays où le dialogue interculturel est faible.

Dans un communiqué émis à cette occasion, l’UNESCO souligne que le secteur culturel constitue l’un des moteurs de développement les plus puissants. Il représente plus de 48 millions d’emplois à l’échelle globale, soit 6,2 pour cent de tous les emplois et 3,1 pour cent du PIB mondial. Cependant, seulement 0,23 pour cent de l’aide au développement est consacré au secteur culturel. L’UNESCO constate que les domaines culturels n’ont toujours pas la place qu’ils méritent dans les politiques publiques et la coopération internationale.

Au Canada, la culture représente environ 2,7 pour cent du PIB canadien total. Les cinq provinces et territoires où le PIB culturel est le plus élevé sont l’Ontario (48,7 pour cent du PIB culturel total), le Québec (20,1 pour cent), la Colombie-Britannique (14,4 pour cent), l’Alberta (8,5 pour cent) et le Manitoba (2,7 pour cent). La proportion des emplois dans le secteur culturel par rapport à l’économie globale se situe à environ 3,4 pour cent. Les cinq provinces ou territoires qui comptent le plus d’emplois dans le secteur culturel sont l’Ontario (42,5 pour cent du total des emplois dans le secteur culturel), le Québec (23,4 pour cent), la Colombie-Britannique (17,1 pour cent), l’Alberta 7,7 pour cent) et le Manitoba ( 3,1 pour cent).

« Un grand jour ! » mais le travail ne fait que commencer…

L’une des avancées les plus importantes de cette année pour la protection de la diversité des expressions culturelles au Canada est bel et bien l’adoption de la loi C-11 sur la diffusion continue en ligne. « Le Canada se joint ainsi aux pays, de plus en plus nombreux, dotés de lois visant à réguler les plateformes numériques afin de protéger et promouvoir la diversité de leurs expressions culturelles. La Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC) célèbre un grand jour pour la souveraineté culturelle canadienne, mais note que le véritable travail ne fait que commencer », indique cette coalition qui réunit les principales organisations de professionnels francophones et anglophones du secteur culturel au Canada. La cinquantaine d’associations qui en sont membres représentent plus de 2 900 entreprises du milieu culturel et quelque 360 000 créateurs et professionnels de divers domaines. « Il faut espérer que cette nouvelle loi donne les résultats escomptés et ne soit pas une occasion de revoir à la baisse les exigences faites aux entreprises déjà réglementées ou de dénaturer la notion de contenu canadien », note Hélène Messier, coprésidente de la CDEC. Signalons que cette organisation assure le secrétariat de la Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle (FICDC) qui coordonne les efforts de la société civile internationale dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Valeurs collectives plutôt bien partagées

Dans un autre registre, il faut souligner la récente publication par Statistique Canada d’une enquête sur les perceptions par les différentes composantes de la société canadienne des valeurs telles que les droits de la personne, le respect de la loi, l’ égalité des sexes, la dualité linguistique, la diversité ethnique et culturelle et le respect de la culture autochtone. Selon cette enquête, la grande majorité des répondants étaient d’avis que ces valeurs étaient partagées « dans une grande mesure » ou « dans une certaine mesure ». Les deux tiers (67 pour cent) des immigrants sondés ont déclaré avoir une forte perception à l’égard des valeurs partagées relatives aux droits de la personne dans la société canadienne, alors que plus de la moitié (55 pour cent) des personnes nées au Canada ont déclaré avoir la même perception. Près de la moitié (47 pour cent) des immigrants avaient une forte perception à l’égard des valeurs partagées relatives à la diversité ethnique et culturelle, ce qui représente près du double de la proportion (24 pour cent) des personnes nées au Canada qui avaient la même croyance. La moitié (50 pour cent) des immigrants étaient d’avis que les Canadiens partagent dans une grande mesure les valeurs relatives à l’égalité des sexes, alors que moins d’un tiers (30 pour cent) des personnes nées au Canada étaient de cet avis. Les proportions d’immigrants ayant également une forte perception à l’égard des autres valeurs partagées telles que le respect de la loi (62 pour cent), la dualité linguistique (42 pour cent) et le respect de la culture autochtone (37 pour cent) étaient également beaucoup plus élevées que celles des personnes nées au Canada. Objectivement, force est de constater une assez bonne tenue de l’adhésion collective aux valeurs qui fondent la social-démocratie canadienne.

Mais, la culture de la haine a la vie dure…

M. Mohammed Hashim, directeur général de la Fondation canadienne des relations raciales. | Photo de la Fondation canadienne des relations raciales

Toutefois, 2023 a été aussi marquée par le dévoilement d’un rapport faisant état d’une augmentation inquiétante (+27 pour cent) des crimes haineux déclarés à la police. La majeure partie de l’augmentation signalée en 2021 concerne des crimes haineux envers une religion (+67 pour cent), l’orientation sexuelle (+64 pour cent) et la race ou l’appartenance ethnique (+6 pour cent). « Derrière tous les chiffres se trouvent une ou plusieurs personnes ayant subi ou devant vivre avec un traumatisme lié à un crime haineux, et nous savons qu’ils ne tiennent pas compte des expériences vécues par beaucoup d’autres victimes. En 2023, nous devons faire mieux. Le Plan d’action national de lutte contre la haine est l’un des moyens qui nous permettront de mieux protéger nos communautés », constate, dans un communiqué, Mohammed Hashim, directeur général de la Fondation canadienne des relations raciales (FCRR). Selon cette organisation fédérale, les actes motivés par la haine contribuent considérablement à instaurer une culture de peur et d’intimidation envers les individus et les communautés qui en sont la cible. Des mesures et un soutien appropriés de la part du gouvernement et du système judiciaire augmenteront la confiance envers la capacité des institutions à traiter les crimes haineux. « Ces chiffres ne représentent qu’une petite fraction du nombre réel d’expériences vécues par les membres des communautés racialisées », indique la Fondation qui constate qu’en 2023 au Canada, le racisme fait partie de la vie des personnes racialisées, que ce soit directement ou virtuellement. Les augmentations les plus significatives en matière de crimes haineux ont été signalées en
Ontario, en Colombie-Britannique, au Québec et en Alberta.

Pour plus d’information visiter : www.crrf-fcrr.ca/fr