Réalisateur engagé aux courts métrages primés, Pier-Philippe Chevigny s’attelle à mettre en lumière les conditions de travail indignes des travailleurs d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud au Québec dans son film Richelieu. Une pépite à ne pas rater au Vancouver International Film Festival (VIFF) !
On y suit Ariane (Ariane Castellanos), traductrice dans une usine agricole. Elle devient rapidement le lien entre des travailleurs guatémaltèques et mexicains et une hiérarchie québécoise soumise elle-même à une direction française.
Tourné en 2021, développé au TIFF Filmmaker Lab à Toronto et soutenu par l’initiative de la Berlinale Co-Production Market à Berlin, le film Richelieu est une tribune plus qu’attendue des travailleurs temporaires étrangers venant au Canada et en général dans les pays riches et industrialisés. Le réalisateur, connu pour son engagement, réussit le pari de faire un film politique relativement grand public.
Ce film sur les jeux de pouvoir, la responsabilité et la vulnérabilité est mené par une belle distribution avec Marc-André Grondin, Nelson Coronado, Luis Oliva ou encore Eve Duranceau. Richelieu a été sélectionné aux prestigieux festivals de Tribeca à New York et de Karlovy Vary en République tchèque avant d’être primé à Fantasia à Montréal et aux Percéides en Gaspésie au Québec.
Dénonciation du système et quête identitaire
Soumise à des pressions de tout ordre et en cascade (financières, éthiques, sociales), Ariane tente de s’ériger contre un système monstrueux, toujours plus avide de main-d’oeuvre considérée comme du bétail. Si sa mère (Micheline Bernard) essaie de l’aider à trouver des issues juridiques, elles finissent aussi par se heurter à l’urgence des situations et aux failles du système.
Cette exploitation des travailleurs temporaires étrangers, payant par exemple des cotisations sociales dont ils ne verront jamais la couleur, en acceptant des conditions indignes, pourrait les rendre des victimes toutes désignées d’abus de tout genre et de manoeuvres illégales.
Mais c’est sans compter sur la finesse de la construction des personnages de Pier-Philippe Chevigny. Jugée en permanence par tous les camps, taxée de privilégiée, Ariane se débat avec un passé douloureux et continue malgré tout de se battre pour une justice.
Le spectateur découvre également au cours des séquences du film, la quête identitaire de la traductrice. Francophone et hispanophone, d’origine canadienne et guatémaltèque, son personnage illustre, en toile de fond, la délicate posture du métissage culturel et linguistique. Ariane Castellanos fait partie intégrante de l’écriture du film car lorsque le réalisateur s’est rendu au Guatemala pour rencontrer les travailleurs chez eux afin de recueillir des témoignages de façon anonyme, il était en compagnie de l’actrice québécoise d’origine guatémaltèque. Ariane Castellanos admire la ténacité de Pier-Philippe Chevigny à chercher l’authenticité.
Un réalisateur engagé
Pier-Philippe Chevigny originaire de la région de Sorel-Tracy, de la vallée du Richelieu au Québec, est connu pour son rigoureux processus de recherche documentaire. Tala, son court métrage acheté par la chaîne européenne ARTE en 2013, suit des aides ménagères philippines travaillant à Montréal. Le court métrage Vétérane plonge le spectateur dans le monde d’une ancienne escorte et a été primé au Mecal Pro Barcelona en Espagne, International Kurzfilmtage Winterthur en Suisse en 2017 et présenté aux festivals de Clermont-Ferrand en France et Namur en Belgique.
Son plus récent court métrage Recrue connaît un succès mondial: après une première remarquée au Toronto International Film Festival en 2019, le film récolte plus de 100 sélections, 28 prix et se qualifie à la course à l’Oscar du meilleur court métrage. Ce court métrage a été projeté à Toronto, Busan en Corée du Sud et Tirana en Albanie et revient sur les souvenirs d’enfance d’Alex sur de mystérieuses patrouilles que menait le groupuscule réactionnaire de son père.
Le réalisateur québécois est actuellement en pré-production du film Mercenaire, prévu pour 2024 et du long métrage Arsenal, en cours de développement et coécrit par Chloé Robichaud.
Petit tour d’horizon sur les autres films francophones au VIFF
La sélection francophone du festival propose d’autres perles cinématographiques. Le règne animal de Thomas Cailley avec Romain Duris, mène le spectateur dans un monde dystopique d’animaux hybrides et de mutations génétiques. Récompensé par le prix Un Certain Regard à Cannes cette année, ce long métrage explore la relation à l’autre et la survie humaine dans le contexte de liens familiaux.
Côté thriller psychologique, Anatomie d’une chute de Justine Triet, récompensé par la Palme d’Or à Cannes, suit deux pistes : l’interprétation minutieuse des preuves (qui, comme le titre l’indique, dépend de la chute elle-même) et, parallèlement, l’anatomie du mariage de Sandra et Samuel, qui, en l’absence de ce dernier, devient en grande partie une interrogation sur le caractère moral de la jeune femme. Ce drame complexe et stratifié est captivant et Sandra Hüller (Toni Erdmann) offre une performance remarquable. Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck suit, lui, une Parisienne solitaire et désabusée dont la vie va basculer dans le mensonge avant une descente infernale.
Et enfin, L’été dernier signe le retour triomphal de Catherine Breillat, avec la mise en abîme d’une relation incestueuse d’une avocate spécialisée dans la représentation de victimes de viols (Léa Drucker), prise dans la contradiction de ses valeurs morales.
Richelieu sera projeté au VIFF le 29 septembre à 18 h et le 30 septembre à 15 h 15.
Pour plus d’informations sur la programmation du VIFF : www.viff.org/festival/viff-2023