Une autre page de l’histoire de la Colombie-Britannique vient d’être tournée. Connue pour ses constants rebondissements politiques, la province tient à préserver sa réputation et n’a donc pas failli à la tâche.
Alors que nous nous dirigions sans trop d’anicroches vers nos élections provinciales, voilà qu’une bombe à bouleversement nous est tombée dessus comme « un cheval dans notre soupe électorale » alors que les vacances d’été touchaient à leur fin. Le paysage politique britanno-colombien a vécu un revirement de situation sans précédent.
Au juste, « de quoi est-il question ? » vont me demander ceux et celles qui ne suivent pas de trop près l’actualité provinciale, ou qui carrément, pour des raisons purement personnelles, l’ignorent. Ceux et celles qui…Cher Castor castré désolé de te couper. S’il te plaît, cesse de tergiverser. Arrête le suspense. Passe aux explications. Tu nous dois bien ça.
Bon, très bien…Après avoir connu des moments difficiles durant les fâcheuses années de la COVID-19, puis ayant remonté la pente sous la houlette des néo-démocrates, notre belle province poursuivait cahin-caha son petit bonhomme de chemin en direction des élections provinciales prévues pour le 19 octobre de cette année. Le maître des lieux, David Eby, et sa cohorte de députés NPD à l’assemblée législative, s’occupaient sans relâche et tant bien que mal des affaires courantes de l’État. Tout en protégeant et espérant garder son fief, le Parti, de tendance socialiste, au pouvoir depuis 2017, comptait faire durer le plaisir. Il se préparait à une lutte acharnée mais civile face au BC United, le seul adversaire pris au sérieux à l’époque. Le Parti conservateur ainsi que le Parti vert comptant pour du beurre, si j’ose dire.
Peu désireux d’être affilié au parti libéral du Canada dont la popularité s’en va décroissant et craignant l’amalgame que les électeurs pourraient en tirer, les membres du Parti libéral provincial avec à leur tête Kevin Falcon, choisissent de changer de nom suite à un vote tenu le 12 avril 2023 lors du congrès du parti. Le Parti libéral de la Colombie-Britannique devient alors le BC United (Uni pour la Colombie-Britannique). Une chirurgie esthétique ni plus ni moins. Ces ardents antisocialistes pensaient bien faire. C’était sans compter sur la soudaine popularité d’un vieux parti jusqu’alors moribond : le Parti conservateur de la C.B. à qui John Rustad, son chef, a redonné des ailes en le faisant renaître de ses cendres.
Pour en arriver là, John Rustad s’est avéré un politicien futé, astucieux mais possiblement dangereux vu ses positions extrêmes. Expulsé de l’ancien Parti libéral de la C.-B., pour avoir minimisé le rôle joué par les humains au sujet des changements climatiques, il profite de la popularité de Pierre Poilievre et du Parti conservateur fédéral pour relancer son propre parti dont il a pris les rênes en 2023. Pas question pour lui de changer le nom du Parti. Bien au contraire. L’amalgame du nom lui convient à merveille. La désaffection accompagnée de la défection d’une poignée de députés du BC United venus joindre ses rangs n’ont pas nui non plus à son entreprise.
Depuis la fin août, le paysage politique a donc changé. Les événements se sont en effet précipités. Voyant son parti BC United s’en aller à la dérive, Kevin Falcon, sans préavis et presque unilatéralement, suspend la campagne électorale du BC United et invite les membres de son Parti, alors à l’agonie, de s’unir au Parti conservateur de John Rustad. Depuis, cette décision engendre des remous et du mécontentement parmi les candidats de son Parti qui ne sont plus certains dès lors de représenter la circonscription qui leur était assignée. Ils vont devoir lutter corps et âme contre des adversaires de leur acabit pour obtenir leur nomination. À droite il y a du grabuge. En se désistant en faveur du Parti conservateur, le chef du BC United vient de pousser la droite un peu plus à droite.
Ce coup de théâtre, dont on n’a pas entendu retentir les trois coups avant le lever de rideau, nous offre un scénario pour le moins inusité. Un vent de panique vient de s’installer au sein du BC United. Quel avenir pour le Parti ? Va-t-il disparaître dans les catacombes de l’histoire politique de la province ? Mais aussi : les néo-démocrates seront-ils les principaux bénéficiaires de ce pathétique méli-mélo ? L’incertitude est à l’ordre du jour.
Pour l’instant il est difficile d’évaluer les retombées de ce revirement de situation. Ce cafouillage politique n’est pas sans nous rappeler les feuilletons télévisés Le Trône de fer (Game of Thrones) ou encore Succession. La lutte pour le Saint-Graal du pouvoir nous a réservé une fois de plus des surprises. Rien de surprenant : après tout, nous sommes en Colombie-Britannique.