Dans un contexte où la diversité linguistique et culturelle se fait de plus en plus sentir en milieu scolaire, l’insécurité linguistique demeure un enjeu de taille pour de nombreux élèves francophones en situation minoritaire. Conscient de ces défis, le Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique (CJFCB), en partenariat avec une spécialiste en éducation, Marie-Ève Bouchard, linguiste et professeure au département d’études françaises, hispaniques et italiennes de l’Université de la Colombie-Britannique, a mis en place un projet novateur pour renforcer la sécurité linguistique chez les jeunes francophones de la province.
Paul T Tshilolo – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
L’insécurité linguistique : un obstacle à l’épanouissement
L’insécurité linguistique se manifeste lorsque les personnes, notamment les élèves francophones, ressentent de l’inconfort ou une certaine appréhension face à leur propre façon de parler le français. Dans un milieu où l’anglais domine et où les jeunes sont exposés à une grande variété d’accents et de pratiques langagières, certains hésitent à s’exprimer en français, craignant de ne pas correspondre à un « modèle » linguistique perçu comme idéal.
« Cette insécurité affecte leur sentiment d’appartenance et leur volonté de s’engager dans leur communauté francophone », explique Clémentine Creach, gestionnaire des programmes éducatifs au CJFCB, dévouée à ce projet depuis ses débuts. « L’enjeu est d’autant plus crucial dans une province comme la Colombie-Britannique, où les jeunes francophones évoluent souvent dans un environnement majoritairement anglophone. »
Un guide éducatif pour outiller les enseignants
Pour répondre à cette problématique, le CJFCB a travaillé en étroite collaboration avec des spécialistes, notamment Marie-Ève Bouchard, linguiste et professeure au département d’études françaises, hispaniques et italiennes de l’Université de la Colombie-Britannique, afin de concevoir le guide Favoriser la sécurité linguistique chez les élèves : Guide de démarrage éducatif. Ce guide a pour objectif de fournir des ressources pratiques et pédagogiques permettant au personnel éducatif de mieux comprendre les défis liés à l’insécurité linguistique et y répondre.
« Pour ce projet de recherche mené en collaboration avec le CJFCB, j’ai réalisé des entrevues avec les enseignants, ce qui m’a permis de recueillir leur point de vue sur l’insécurité linguistique de leurs élèves », explique Marie-Ève Bouchard. « D’un point de vue intellectuel, la sécurité linguistique m’intéresse beaucoup. Dans la recherche socio-linguistique, l’insécurité linguistique est souvent perçue comme un problème social, comparable à la discrimination ou au racisme. »
Mme Bouchard poursuit : « Ce qui est ressorti des entrevues, c’est que de nombreux nouveaux enseignants en Colombie-Britannique, souvent issus de la France ou du Québec, se sentent mal préparés pour travailler dans un contexte francophone minoritaire. L’objectif du guide est de les aider à mieux comprendre cette réalité et à s’y adapter. »
Clémentine Creach précise que « le guide s’adresse particulièrement aux enseignants nouvellement arrivés en Colombie-Britannique, qui peuvent ne pas être familiers avec les réalités linguistiques locales. »
Un projet soutenu par la recherche et la collaboration
Le guide de sécurité linguistique est le résultat d’une collaboration étroite entre le Comité sécurité linguistique (CSL) du CJFCB, des jeunes et des experts, dont Marie-Ève Bouchard. Depuis sa création en 2019, le CSL, un comité par et pour les jeunes, a animé de nombreux ateliers de sensibilisation auprès des élèves, enseignants, parents et organismes communautaires.
Grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et d’une subvention de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), des ressources adaptées aux défis propres à la Colombie-Britannique, où le français évolue en contexte minoritaire, ont pu être développées.
« Pour ce projet, nous avons jumelé nos efforts afin que je puisse, par la recherche, aller chercher des informations que le CJFCB n’avait pas, notamment la perspective des enseignants », ajoute Marie-Ève Bouchard.
Des retours encourageants de la communauté
Bien que le projet en soit encore à ses débuts, les retours des enseignants et des membres de la communauté sont encourageants. Plusieurs d’entre eux ont salué l’utilité du guide pour comprendre les réalités sociolinguistiques des élèves et adapter leur approche en classe.
« Nous avons reçu des retours très positifs sur le guide, mais nous attendons encore d’avoir un écho plus large pour affiner notre approche », précise Clémentine Creach. « L’objectif est de continuer à enrichir cette ressource en fonction des besoins exprimés par le milieu éducatif. »